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À l’ère des audiences virtuelles

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2021 – VOLUME 65 – Tome 1
À l’ère des audiences virtuelles
John Shevchuk

Par John Shevchuk

Avocat, C.Arb, AACI(Hon), RI

Alors que la pandémie de COVID-19 perdure, il est de plus en plus nécessaire de trouver des alternatives aux règlements des différends et aux procédures disciplinaires en personne. Des cours, des tribunaux administratifs et des associations d’arbitrage à travers le monde ont publié des protocoles et des documents d’orientation visant les audiences virtuelles, sachant que les règlements des différends ne peuvent pas attendre la fin de la pandémie. Même lorsque la pandémie sera sous contrôle, on peut s’attendre à ce que les audiences virtuelles continuent d’occuper le paysage du règlement des différends. Par conséquent, les participants aux règlements des différends doivent accepter les nouvelles façons de tenir des audiences, au risque d’être exclus du processus.

Même s’il est impossible dans ces quelques paragraphes d’examiner en profondeur l’abondante documentation sur les audiences virtuelles publiée depuis le début de la pandémie de COVID-19, nous pouvons peut-être souligner deux thèmes généraux qui reviennent dans cette documentation :

  • les éléments d’importance fondamentale dans une audience virtuelle; et
  • savoir si oui ou non un règlement donné nécessite une audience virtuelle.

Les éléments d’importance fondamentale dans une audience virtuelle

Alors que nous abordons les outils et les processus d’une audience virtuelle, il est important de retenir deux grandes considérations :

  • les processus d’une audience virtuelle doivent assurer une procédure équitable; et
  • l’audience virtuelle doit être structurée pour maintenir l’intégrité du processus d’audience.

Équité des procédures

L’équité procédurale est au centre de tout règlement de différend officiel, peu importe le forum (cour, tribunal administratif, tribunal domestique, arbitrage, etc.) :

  • les parties ont le droit de connaître la cause qu’ils doivent défendre;
  • les parties doivent avoir la possibilité raisonnable de présenter des preuves et des arguments pour défendre la cause; et
  • les parties ont le droit de s’attendre à un décideur qui ne soulève aucune crainte de partialité.

L’équité procédurale s’applique, que l’audience soit en personne ou virtuelle, bien que le droit commun ait déclaré que ce qui est équitable du point de vue de la procédure soit fonction du contexte des règlements de différends ainsi que des droits et des intérêts qui sont en jeu.

Une audience virtuelle présente des nuances intéressantes en matière d’équité procédurale. Par exemple, si le logiciel d’un participant connaît une défaillance technique l’empêchant de bien voir et entendre les procédures, qui assume ce risque et comment le tribunal d’arbitrage doit-il procéder ? L’audience peut-elle se poursuivre si on entend bien ce qui se passe, mais l’image a disparu ? Si une partie veut appeler un nouveau témoin ou présenter de nouveaux documents dans les dernières étapes d’une audience virtuelle, non seulement le tribunal doit-il décider s’il devrait en donner la permission, mais il doit aussi s’assurer que tous les participants puissent examiner les nouveaux documents ou voir et entendre le nouveau témoin de manière à protéger l’attente des parties quant à l’équité procédurale. Quelle sont les protocoles requis pour assurer que toutes les parties jouissent de la même information en même temps lors de l’audience virtuelle ? Qu’advient-il si une partie n’a pas accès à l’Internet, mais peut seulement participer par téléphone, est-ce que toutes les parties et le tribunal doivent participer par téléphone ? La documentation souligne ces aspects, entre autres, des audiences virtuelles qui ne se posent pas durant les audiences en personne.

Intégrité du processus d’audience

Les audiences virtuelles ne sont pas un remplacement idéal des procédures se déroulant en personne. La dynamique d’une audience en personne est une caractéristique importante du règlement d’un différend qui ne peut être reproduite qu’imparfaitement dans un environnement d’audience virtuelle. De plus, les audiences virtuelles nécessitent des étapes additionnelles de préparation, d’administration et de coûts qu’on ne pourra vraisemblablement pas améliorer, même si le processus de l’audience virtuelle se répand de plus en plus. Néanmoins, à mesure que les causes en attente s’accumulent et qu’on doive presser le pas, les audiences virtuelles ne sont pas près de disparaître et il est de notre devoir de nous familiariser autant que possible avec l’environnement d’une audience virtuelle.

Ainsi donc, une deuxième chose importante à considérer est l’exigence de procédures, de protocoles et d’emplacements physiques garantissant l’intégrité du processus d’audience et éliminant la possibilité de manipulation de l’audience. Par exemple, la documentation sur les audiences virtuelles mentionne fréquemment que les capacités technologiques de l’équipement audio/visuel servant à transmettre la déposition d’un témoin doivent :

  • permettre de montrer clairement le témoin et l’endroit où il se trouve afin d’assurer qu’il soit seul et qu’il ne soit pas influencé ou aidé par d’autres personnes durant son témoignage; et
  • être tel que l’accès du témoin à d’autres personnes et informations peut être restreint ou surveillé durant son témoignage.

La forme de serment ou d’affirmation recommandée pour les audiences virtuelles souligne la préoccupation. Dans une audience en personne, le président du comité d’arbitrage fait prêter serment ou demande une affirmation à un témoin, qui jure ou affirme qu’il dira la vérité. Dans une audience virtuelle, les témoins doivent prêter le même serment ou faire la même affirmation, mais ils doivent aussi jurer ou affirmer qu’ils sont seuls à l’endroit où ils témoignent, qu’ils n’ont aucun moyen de communication avec qui se soit ou, du moins, qu’ils ne tenteront pas de communiquer avec quiconque, à l’exception de l’avocat interrogateur et du comité d’arbitrage en témoignant, et que les seuls documents qu’ils ont devant eux ou auxquels ils auront accès durant l’interrogatoire principal et le contre-interrogatoire sont des copies propres et non annotées de documents papier et électroniques fournis aux témoins qu’ils utiliseront pendant leur déposition.[i]

Si un processus virtuel proposé ne rencontre pas les principaux objectifs d’équité procédurale et d’intégrité de l’audience, on ne pourra pas procéder. Il faut songer soigneusement à ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs, avec un délai d’exécution suffisant avant la tenue de l’audience pour mettre en place les mesures appropriées.

Il n’est pas possible de faire la représentation complète de toute la littérature qui existe sur les audiences virtuelles dans ce bref article. [Certaines sources sont fournies dans les notes en fin de texte.[ii]] Cependant, le lecteur trouvera rapidement dans ses recherches sur les audiences virtuelles des sujets et des préoccupations récurrents, incluant :

  • le fondement législatif ou consensuel sur lequel un processus virtuel peut être entrepris;
  • les exigences technologiques permettant la tenue d’audiences virtuelles;
  • les enjeux touchant la protection de la vie privée et la cybersécurité;
  • les processus et les dispositions qui rendront l’audience virtuelle réalisable, même si elle n’est pas nécessairement pratique; et
  • l’applicabilité d’une décision résultant d’une audience virtuelle.

Chose surprenante, certains des protocoles publiés sont très brefs, essentiellement des listes à puces de considérations dénuées des détails sous-jacents. En revanche, certains documents d’orientation font des douzaines de pages et contiennent des listes de contrôle détaillées couvrant les protocoles de procédures, les exigences technologiques, les caractéristiques des plateformes d’audience virtuelle disponibles et les avantages de plateformes concurrentielles de gestion des documents, etc.[iii] Une application particulièrement utile pour les utilisateurs de la plateforme ZOOM fournit une liste de contrôle des réglages.[iv]

Une audience virtuelle est-elle nécessaire ?

Avant l’apparition de la COVID-19, la préparation et la participation à tout type d’audience en personne étaient coûteuses en argent, en temps et en logistique. La complexité des processus d’audience est alourdie par la nature inévitablement contradictoire du règlement des différends. Tout cela demeure dans l’environnement de la COVID-19, mais c’est également ralenti par les étapes additionnelles d’administration, de planification, de pratique, d’exigences technologiques et par les questions relatives à la protection de la vie privée et à la confidentialité.

Le volume d’apprentissage et de préparation préalables requis pour tenir de bonnes audiences virtuelles est impressionnant. La seule sélection parmi les nombreuses plateformes d’audience et de gestion des documents disponibles est un exercice intimidant. Les participants devront investir beaucoup de temps pour apprendre comment utiliser les plates-formes ou avoir les ressources financières pour s’offrir du personnel qui peut s’occuper des aspects technologiques pour eux.

Ces étapes additionnelles ont un prix, en temps et en ressources. Cela devrait inciter les parties et les décideurs à se demander si une audience est vraiment nécessaire et, le cas échéant, quels mécanismes et outils peuvent être utilisés pour réduire l’envergure de l’audience.

La première étape critique pour les parties consiste à déterminer clairement et précisément quels sont les enjeux des différends afin que l’on puisse bien dégager ce qui rend une audience virtuelle nécessaire et comment les autres aspects peuvent être présentés le plus efficacement. Si les parties n’ont pas établi de façon proactive ce qui fait l’objet du différend à travers les plaidoiries, les énoncés des questions en litige ou d’autres processus, il serait utile au décideur de guider le processus à cet égard dans les discussions précédant l’audience. Pour chaque enjeu identifié, les parties devraient déterminer quelles preuves sont pertinentes et matérielles aux enjeux et la façon dont on peut soumettre ces preuves au tribunal d’arbitrage.

C’est peut-être que les faits d’une cause particulière ne sont pas contredits, ce qui mène à la possibilité qu’un exposé convenu des faits puisse servir de fondement probatoire auquel la loi ou les principes directeurs doivent s’appliquer. Dans de tels cas, le besoin d’entendre la déposition orale des témoins est éliminé ou, du moins, réduit. Il peut être possible de s’appuyer sur une compilation convenue de documents, en acceptant que ceux-ci contiennent la vérité concernant les sujets abordés. Les cahiers conjoints de preuve documentaire et la jurisprudence applicable ont toujours promu l’efficacité des audiences en personne et continueront de le faire dans les audiences virtuelles. Même si seulement quelques questions peuvent être traitées de façon sommaire ou de quelque façon sans entendre un témoin, le processus de règlement du différend se déroulera plus rapidement et sera moins onéreux.

Il est à noter que toutes ces suggestions pour expédier une audience virtuelle dépendent de la volonté des parties de coopérer l’une avec l’autre, alors que maintenir un niveau de cordialité et de civilité peut être souvent difficile dans un environnement contradictoire. Néanmoins, il sera dans les meilleurs intérêts des parties de s’efforcer de le faire.

Conclusion

Comme pour toute chose nouvelle, il y aura beaucoup d’erreurs et d’échecs associés aux audiences virtuelles. On espère qu’à mesure que la pratique évoluera, le processus deviendra plus simple, mais, entre-temps, il faudra faire d’importants préparatifs. Bonne chance dans votre nouvelle aventure.


Notes

[i] Voir, par exemple : Africa Arbitration Academy – Protocol on Virtual Hearings In Africa – Avril 2020, Annexe V – Witness Oath, page 14

[ii] Africa Arbitration Academy – Protocol on Virtual Hearings in Africa – April 2020;

International Court of Arbitration – ICC Guidance Note on Possible Measures Aimed at Mitigating the Effects of the COVID-19 Pandemic – 9 avril 2020;

American Arbitration Association/International Centre for Dispute Resolution: Virtual Hearing Guide for Arbitrators and Parties

L’Association du Barreau canadien – Division de la Colombie Britannique – Pratiques exemplaires pour les audiences virtuelles – 2020

The Chartered Institute of Arbitrators – Guidance Note on Remote Dispute Resolution Proceedings – 2020

The Seoul Protocol on Video Conferencing in International Arbitration

[iii] Voir, par exemple : Groupe de travail sur les audiences électroniques, une collaboration de La Société des plaideurs, l’Association du Barreau de l’Ontario, la Fédération des Associations du Barreau de l’Ontario et l’Ontario Trial Lawyers Association – Pratiques exemplaires pour les audiences tenues à distance – 13 mai 2020

[iv] American Arbitration Association/International Centre for Dispute Resolution: Virtual Hearing Guide for Arbitrators and Parties – Appendix A – AAA-ICDR Suggested Zoom Default Settings for Virtual Hearings

Cet article est fourni dans le but de générer la discussion et de sensibiliser les praticiens à certains défis présentés dans la loi. Il ne doit pas être considéré comme un avis juridique. Toutes les questions relatives aux situations abordées ici devraient être posées à des praticiens qualifiés dans les domaines du droit et de l’évaluation.