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Extraordinairesou non ? Démystifier l’utilisation desexclusions et limitations spéciales dans les rapports d’évaluation

Évaluation immobilière au Canada

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2025 – Volume 69 – Tome 2
Extraordinairesou non ? Démystifier l’utilisation desexclusions et limitations spéciales dans les rapports d’évaluation
James Rokeby, É. Pro., AACI

L’utilisation d’hypothèses extraordinaires, de conditions limitatives exceptionnelles, de conditions hypothétiques et d’exceptions juridictionnelles dans nos rapports d’évaluation a longtemps été, à mon avis, une partie sous-enseignée, sous-utilisée et souvent mal appliquée de notre pratique en tant qu’évaluateurs. Il s’agit là d’un problème grave, car leur utilisation correcte peut littéralement faire réussir ou échouer votre rapport d’évaluation, avoir une incidence sur son efficacité et déterminer le succès ou l’échec de la défense de votre rapport s’il est contesté.

Au cours de mes 35 ans passées à rédiger et à réviser des rapports d’évaluation, j’ai constaté qu’il s’agissait là d’un point faible notable dans de nombreux rapports d’évaluation. Les Normes uniformes de pratiques professionnelles en matière d’évaluation au Canada (NUPPEC) sont le document dans lequel ces outils sont présentés et expliqués. Cependant, les NUPPEC peuvent être source de confusion, manquer de clarté et, parfois, sembler contradictoires dans leurs conseils concernant l’utilisation de ces éléments critiques. Aux fins du présent article, les hypothèses extraordinaires, les conditions limitatives exceptionnelles, les conditions hypothétiques et les exceptions juridictionnelles seront collectivement désignées par l’acronyme « CLE+ ».

Cet article vise à identifier les définitions et les exemples de chacune de ces quatre exclusions et à mettre en évidence les domaines afin de démystifier leur utilisation correcte. Pour être clair, il s’agit uniquement d’une introduction et non d’un examen exhaustif de tous les scénarios possibles qui pourraient nécessiter l’utilisation d’une ou plusieurs de ces CLE+, réduisant ainsi la responsabilité (tant pour les membres individuels que pour l’ICE).

Considérations initiales pour déterminer ce qu’il convient d’inclure dans les rapports d’évaluation

Pensez à l’utilisation autorisée du rapport. Le rapport correspond-il vraiment à l’utilisation que le client en fait et la soutient-il ? Le rapport est-il pertinent pour l’utilisation autorisée ? Passe-t-il le test « au pif » ? Les hypothèses sont-elles raisonnables compte tenu de l’utilisation du rapport ? Sont-elles extraordinaires ? Le rapport pourrait-il contenir des éléments susceptibles d’induire en erreur pour l’utilisation autorisée ?

Mise en contexte

La toute première déclaration des NUPPEC 2024 est la suivante :

Conformité au NUPPEC

La conformité aux exigences de toutes les composantes des NUPPEC est obligatoire pour tous les types de contrats de services professionnels.

Les contrats de services professionnels comprennent : évaluation immobilière, examen, consultation, étude des fonds de prévoyance, évaluation de machinerie et équipement, et évaluation de masse.

Cela ne laisse aucune ambiguïté, ce qui donne à réfléchir quand on sait que vous pouvez vous voir refuser une couverture d’assurance responsabilité civile si votre rapport n’est pas conforme aux NUPPEC.

Les NUPPEC comportent des sections « Normes » associées à chacun de ces services professionnels, plus une autre : la Norme relative à la rédaction de rapports. Cela signifie que si vous préparez un contrat de service d’évaluation ou de consultation, vous devez vous conformer à au moins deux normes (les normes relatives à la rédaction de rapports et à l’évaluation et les normes relatives à la rédaction de rapports et de consultation dans cet exemple). La Norme relative aux questions d’éthique contenue dans les NUPPEC s’applique également à tout ce que nous faisons, et pas seulement à la préparation de rapports.

Une autre déclaration des NUPPEC 2024 stipule :

Législation et/ou réglementation

Les membres sont tenus de se conformer aux exigences législatives et/ou de licence applicables pour tous les types de contrats de services professionnels.

La législation a préséance sur les NUPPEC.

Il est évident qu’il est essentiel de se conformer strictement aux NUPPEC et à la législation. Éviter les erreurs et les risques courants, en particulier ceux liés à la conformité aux NUPPEC, tels que les CLE+ (limitations, exclusions ou hypothèses), est essentiel pour satisfaire à ces exigences.

Décomposer la signification et l’intention des CLE+

En examinant en profondeur les spécificités de chaque type de limitation, d’exclusion ou d’hypothèse inclus dans les CLE+ globales, et en fournissant des définitions, des explications et des exemples pour chaque type, nous pouvons nous référer aux NUPPEC pour obtenir des conseils initiaux sur l’utilisation appropriée (ou inappropriée) de ces déclarations spéciales dans nos rapports :

5.2.1 Il est contraire à l’éthique professionnelle pour un membre de produire, d’utiliser ou de permettre à d’autres personnes d’utiliser, à n’importe quelle fin, un rapport que le membre sait (ou devrait savoir) être fautif, erroné et/ou trompeur.

7.9.4 Avant d’invoquer une condition limitative exceptionnelle, le membre doit déterminer que l’envergure du travail appliquée permettra d’élaborer des analyses,
des opinions et des conclusions crédibles et non trompeuses.

7.10.8 Une analyse fondée sur une condition hypothétique doit donner une analyse crédible et ne doit pas rendre le rapport d’évaluation trompeur.

Bien que cela ne soit pas spécifiquement mentionné dans les NUPPEC, ces qualifications s’appliquent de la même manière à toutes les déclarations spéciales dans le domaine des CLE+. Le thème commun est celui de la « tromperie ». Les membres ne doivent jamais produire un rapport dont ils savent ou devraient savoir qu’il est trompeur.

Le plus souvent, la publication d’un rapport potentiellement trompeur n’est pas intentionnelle. Pour éviter cela, prenez du recul et examinez objectivement les « considérations initiales » de cet article et appliquez-les lorsque vous examinez un contrat de service et son contenu.

Conditions limitatives exceptionnelles

La définition des conditions limitatives exceptionnelles dans les NUPPEC se lit comme suit :

3.29 Modification ou dérogation nécessaire à une règle qui peut rendre le rapport moins fiable.

Cela semble assez simple. Lors de la préparation d’un rapport, si les membres font quoi que ce soit qui ne respecte pas les exigences spécifiques de l’une des huit normes des NUPPEC, ils doivent invoquer une condition limitative exceptionnelle. Pourquoi ignorer ou modifier une règle apparaissant dans les Normes ?

Voici quelques exemples : absence d’inspection intérieure des améliorations apportées au bien, exclusion d’une approche de l’évaluation qu’un évaluateur raisonnable adopterait normalement, ignorance du régime d’expropriation, absence de recherche de titre ou absence d’assurance responsabilité civile si le bien est situé à l’extérieur du Canada.

Les NUPPEC précisent en outre :

7.9.5 Le membre doit inclure une explication et une justification des conditions limitatives exceptionnelles contenues dans le rapport.

9.3.2 Un membre doit inspecter personnellement le bien visé ou identifier une condition limitative extraordinaire s’il ne l’a pas fait.

Exclusion d’une méthode d’évaluation : (est-elle extraordinaire ?)

Deux questions se posent ici (et pour d’autres CLE potentielles) : s’agit-il réellement d’une situation « extraordinaire » et, si oui, quelle est l’application et l’explication correctes et conformes de la
CLE ?

Les NUPPEC stipulent :

L’exclusion d’une méthode d’évaluation pertinente en vertu du test de l’« évaluateur raisonnable » exige :

une condition limitative exceptionnelle et un raisonnement à l’appui.

En d’autres termes, exclure une méthode d’évaluation qu’un évaluateur raisonnable ne réaliserait pas (c’est-à-dire la méthode du revenu dans un rapport type sur une maison individuelle) n’est pas extraordinaire au regard des NUPPEC. Pour être en totale conformité avec les NUPPEC, l’évaluateur doit simplement expliquer qu’il s’agit d’une méthode non pertinente pour le contrat de service et en donner les raisons.

En revanche, le fait de ne pas utiliser la méthode du revenu pour un immeuble locatif nécessite effectivement une CLE, car un évaluateur raisonnable l’utiliserait. Vous devez examiner très attentivement l’exclusion d’une méthode d’évaluation qui serait généralement considérée comme pertinente pour le contrat de service avant d’invoquer une telle CLE. Demandez-vous s’il existe une raison valable de ne pas réaliser cette méthode et si cela nuira à la capacité d’évaluer le bien en fonction des attentes du marché. Y a-t-il un manque de données ou d’informations sur le bien ? Le délai d’exécution rapide a-t-il une incidence sur la décision ? Le client ne souhaite-t-il pas payer pour l’inclusion de cette méthode ? Soyez très prudent à ce sujet. Voici quelques exemples :

EXEMPLE 1 :

Exclusion de la méthode de coût (une CLE)

Le bien en objet comprend un bâtiment nouvellement construit. Cependant,
la méthode de coût n’a pas été incluse à la demande du client. Comme il s’agit d’une méthode normalement considérée comme pertinente pour l’évaluation des améliorations nouvelles ou récentes, une condition limitative exceptionnelle a été invoquée.

La Norme relative aux activités d’évaluation de biens immobiliers 8.2.8 stipule que l’évaluateur doit « décrire et appliquer les procédures d’évaluation pertinentes au contrat de service «.

Par conséquent, l’exclusion de la méthode du coût peut réduire la fiabilité du présent rapport. Si le bien comprenait un bâtiment industriel vieux de 70 ans arrivant à la fin de sa durée de vie utile, l’exclusion de la méthode du coût ne nécessiterait pas de condition limitative exceptionnelle, car ni le marché ni un évaluateur raisonnable ne considéreraient cette méthodologie pour déterminer le prix/la valeur.

EXEMPLE 2 :

Pas d’inspection du bien en objet

Malgré les efforts déployés, le bien en objet n’a pas été inspecté en raison d’un différend entre le client et le propriétaire. Une condition limitative exceptionnelle a donc été invoquée.

La règle 7.5.1.i de la Norme relative à la rédaction de rapports exige que l’évaluateur ait soin de
« préciser l’emplacement et (de) décrire les caractéristiques du bien immobilier .« À ce titre, il est reconnu que l’absence d’inspection peut réduire la fiabilité des résultats du présent rapport.

Cela constitue clairement une condition limitative exceptionnelle et doit être traité et discuté comme tel dans le rapport. De plus, comme aucune inspection du bien n’a été effectuée, cela entraînera également la nécessité d’ajouter d’autres CLE+ (hypothèses extraordinaires au minimum). Le rapport devra exposer les hypothèses qui ont été formulées concernant le bien en question, par exemple sa qualité, son état, sa disposition, etc., et la manière dont ces hypothèses pourraient avoir une incidence sur le rapport. Pour être valide et non trompeur, le rapport devrait également fournir des éléments du contenu de vos hypothèses (sources de données).

Examinons maintenant les hypothèses extraordinaires et la manière de les invoquer conformément aux NUPPEC.

Hypothèses extraordinaires

Définition dans les NUPPEC :

3.28 Une hypothèse, directement liée à un contrat de service spécifique, qui, si elle n’était pas supposée être vraie, pourrait modifier considérablement les opinions ou les conclusions.

Les hypothèses extraordinaires présument comme étant des faits des informations incertaines ou des changements prévus dans les caractéristiques physiques, juridiques ou économiques du bien concerné, ou dans des conditions externes au bien concerné, telles que les conditions ou les tendances du marché, ou l’intégrité des données utilisées dans une analyse.

L’examen de la différence entre ces hypothèses et les conditions hypothétiques peut être subtile et facilement mal interprétée, et il est important de garder les normes à l’esprit.

Voici quelques exemples d’hypothèses extraordinaires : l’absence de contamination alors qu’une contamination est possible, l’inspection du bien après la date réelle (évaluations rétrospectives), une partie du bien non disponible pour inspection, la disponibilité des services sanitaires municipaux lorsque le calendrier est incertain, la réussite de l’approbation du changement de zonage en cours, et une évaluation prospective. D’autres règles de la Norme relative à la rédaction de rapports (NUPPEC 2024) stipulent :

7.9.1 Si une hypothèse extraordinaire est invoquée, chaque fois qu’une opinion ou une conclusion
est énoncée dans un rapport, l’hypothèse extraordinaire doit être mentionnée dans son intégralité ou une référence à son emplacement exact dans le rapport doit être fournie.

7.9.2 Quand référence est faite au contenu de l’hypothèse extraordinaire dans le rapport,
il doit être indiqué clairement que les opinions ou conclusions se fondent sur l’hypothèse extraordinaire.

7.9.3 Quand référence est faite à une hypothèse extraordinaire dans un rapport, il doit être
indiqué clairement qu’il s’agit d’une hypothèse extraordinaire. Aide professionnelle fournie
par un non-membre :

7.12.5 Une hypothèse extraordinaire et/ou une condition limitative concernant l’utilisation par le membre désigné de l’aide professionnelle fournie par un non-membre doit être incluse dans la certification d’un rapport.

EXEMPLE 3 :

État du bien immobilier (rétrospectif)

Le bien immobilier en objet a été inspecté le 10 mai 2025 et la date réelle du rapport était le 1er juillet 2023. On suppose qu’aucun changement significatif n’est survenu dans le bien immobilier entre la date réelle et la date d’inspection, sauf confirmation contraire et détails dans le rapport. Si cette hypothèse s’avère incorrecte, cela pourrait avoir une incidence sur les conclusions relatives à la valeur marchande telles que rapportées.

Il s’agit d’une hypothèse assez courante dans les rapports d’évaluation (en particulier pour ceux qui effectuent des évaluations rétrospectives). L’essentiel est d’être clair sur tout changement apporté au bien immobilier entre la date réelle et la date d’inspection qui peut être confirmé et de le refléter dans l’évaluation. Il est rare que les biens immobiliers soient exactement les mêmes d’une date à l’autre, il faut donc être clair et concis dans la description du rapport (comme indiqué dans votre hypothèse).

EXEMPLE 4 :

Modifications de l’utilisation des sols

Le bien immobilier en objet est actuellement zoné MR-2. À la date réelle de l’évaluation, le propriétaire a déposé une demande de changement de zonage afin d’augmenter la densité avec un zonage MR-3 (cette approbation est considérée comme probable). Le rapport et ses conclusions sont basés sur l’hypothèse extraordinaire que le zonage MR-3 sera approuvé (voir « Contrôles de l’utilisation des sols » à partir de la page 43 pour plus de détails). Sans cette hypothèse extraordinaire, les conclusions du rapport concernant la valeur marchande pourraient être différentes.

En résumé, lorsque l’on invoque une telle hypothèse, il doit être clair que le changement prévu du zonage de la propriété et l’augmentation de la densité de développement qui en résulte sont effectivement probables (pensez à l’utilisation optimale – probable par opposition à possible). De plus, traiter cette hypothèse du point de vue de l’évaluation est aussi important que l’hypothèse extraordinaire elle-même. Comment refléter l’augmentation potentielle de la densité dans l’évaluation actuelle ? Une évaluation prospective pourrait être une option, mais cela donnerait une valeur différente de celle obtenue en examinant la valeur actuelle du potentiel. Cela peut être subtil, mais il est très important de bien faire les choses. Encore une fois, quel est l’objectif du
client ? Tout doit être aligné et cohérent.

EXEMPLE 5 :

Absence de contamination

Le bien immobilier en objet est situé à proximité de sources de contamination environnementale connues et peut être affecté. Une étude d’impact environnemental n’a pas été réalisée sur le bien immobilier à la date réelle du rapport. Pour l’utilisation autorisée du rapport, on suppose que le bien immobilier concerné n’est pas affecté négativement par une contamination préjudiciable à sa valeur.

Si cette hypothèse s’avère incorrecte, cela pourrait avoir une incidence sur les conclusions relatives à la valeur marchande telles que rapportées. L’évaluateur décline expressément toute responsabilité quant à l’impact d’une contamination potentielle du bien en objet.

Dans ce scénario, il serait idéal (et fortement recommandé) que cette hypothèse extraordinaire soit mandatée par écrit par le client et qu’elle soit mentionnée comme telle. Cela ne laisse aucun doute quant aux raisons pour lesquelles l’évaluateur a fait cette hypothèse. Toutefois, si l’utilisation autorisée est destinée à un usage pour lequel une éventuelle contamination doit effectivement être prise en compte (par exemple, l’évaluation d’actifs dans le cadre d’une procédure de divorce), la demande du client d’ignorer cet élément peut ne pas être suffisante et pourrait conduire à la publication d’un rapport trompeur.

EXEMPLE 6 :

Services sanitaires municipaux

Le développement du bien immobilier en objet à des fins de lotissement résidentiel dépend de la disponibilité des services sanitaires municipaux. À la date réelle de l’évaluation, il n’est pas certain que les services sanitaires seront disponibles pour le bien en objet. Après consultation des autorités de la municipalité locale et du promoteur (voir la section « Services » à la page 54), il a été supposé, à des fins d’analyse raisonnable, que les services d’égouts seront disponibles dans environ cinq ans (à compter de la date réelle). Sans cette hypothèse, les conclusions du rapport concernant la valeur marchande pourraient être différentes.

Pour ceux qui évaluent des terrains à bâtir, le calendrier et la disponibilité des services sont, dans la plupart des cas, des éléments clés pour déterminer la valeur. À des fins d’analyse, nous devons formuler une hypothèse raisonnable concernant ces services en consultation avec les municipalités locales, les ingénieurs, les promoteurs et d’autres sources d’appui pour ces estimations.

Afin de faire comprendre à votre client et aux utilisateurs du rapport qu’il existe une fourchette raisonnable de résultats potentiels (disponibilité des services) conduisant à une fourchette de valeurs actuelles potentielles en fonction du consensus global des parties concernées sur ce calendrier critique, une analyse de sensibilité dans le rapport pourrait être envisagée. Une fois encore, la cohérence et la clarté en termes de recherche, d’hypothèses et de leur impact potentiel sur l’évaluation sont essentielles pour minimiser la responsabilité potentielle découlant d’un tel rapport.

Conditions hypothétiques

Il existe un chevauchement important entre les hypothèses extraordinaires et les conditions hypothétiques, qui peuvent souvent être confondues. L’examen de la différence fondamentale entre les deux et l’analyse de quelques exemples visent à apporter ici davantage de clarté.

Définition des NUPPEC :

3.3.6 Les hypothèses extraordinaires (conditions hypothétiques) présument des renseignements simulés mais faux au sujet des caractéristiques physiques, juridiques ou économiques de la propriété visée ou des conditions externes. Une condition qui est contraire à ce qui existe, mais qui est supposée exister aux fins de l’analyse.

En relisant cette définition et celle des hypothèses extraordinaires, on constate que la clé pour distinguer une hypothèse extraordinaire d’une condition hypothétique réside dans la distinction entre une hypothèse présumée mais incertaine et une hypothèse présumée mais fausse.

Le paragraphe 7.10 de la Norme relative à la rédaction de rapports des NUPPEC donne des précisions et des exigences supplémentaires concernant l’utilisation des conditions hypothétiques. Il est fortement recommandé de consulter ce paragraphe des NUPPEC chaque fois que l’utilisation d’une condition hypothétique est envisagée. En résumé, les conditions hypothétiques peuvent être utilisées lorsqu’elles sont nécessaires à des fins juridiques, à des fins d’analyse raisonnable ou à des fins de comparaison. Il doit être clair pour le lecteur que l’état du bien immobilier n’existe pas en réalité à la date de l’évaluation et que l’analyse effectuée pour établir l’opinion de valeur est basée sur une hypothèse.

Pour certaines conditions hypothétiques valables et appropriées, certaines des exigences du paragraphe 7.10 ne s’appliquent pas. Par exemple, pour un rapport d’expropriation, il peut être nécessaire d’ignorer complètement la réalité du projet (raison de l’expropriation) afin d’évaluer correctement la propriété en droit. Cela rendrait les points iii et iv du paragraphe 7.10.5 inapplicables, car ils ne peuvent se produire dans la réalité. Il serait bon de le souligner dans un tel rapport afin d’éviter tout problème potentiel de conformité avec les NUPPEC.

Les directives supplémentaires des NUPPEC stipulent :

7.10.6 Les évaluations réalisées à des fins d’expropriation peuvent comprendre des conditions hypothétiques et peuvent exiger que le membre invoque le protocole d’exception juridictionnelle.

7.10.7 La condition hypothétique doit être clairement divulguée dans le rapport, cette divulgation comprenant une description de l’hypothèse, les raisons de son utilisation et ses répercussions sur le résultat du contrat de service.

7.10.8 Une analyse fondée sur une condition hypothétique doit donner une analyse crédible et ne doit pas rendre le rapport d’évaluation trompeur.

9.10.1.i Si un bail doit être ignoré et que le contrat de service porte sur le droit de tenure à bail et non sur le droit de location, une hypothèse extraordinaire (condition hypothétique) est requise.

Voici quelques exemples de conditions hypothétiques possibles :

  • absence de contamination alors qu’il y en a
  • égouts municipaux alors qu’il n’y en a pas
  • zonage résidentiel supposé alors qu’il y a un zonage agricole
  • rezonage réalisé alors qu’il ne l’est pas, état rénové supposé alors que la rénovation est incomplète
  • réparations ou améliorations terminées à 100 % alors que ce n’est pas vrai
  • non-prise en compte d’un bail en vigueur et non-prise en compte d’un projet d’expropriation

EXEMPLE 7 :

Absence de contamination

Le bien en objet est connu pour être contaminé sur le plan environnemental en raison de sa proximité avec une ancienne décharge située à cet endroit. L’assainissement de la contamination environnementale du site nécessiterait probablement la démolition complète des améliorations, ainsi que l’excavation et le remblayage du site afin de permettre le réaménagement de la propriété. Les coûts d’assainissement restent inconnus.

Le rapport est établi dans l’hypothèse où il n’y a pas de contamination environnementale affectant le bien immobilier en objet, à des fins d’analyse raisonnable et pour l’utilisation autorisée du rapport (litige concernant la contamination potentielle). Les valeurs indiquées dans le présent rapport seraient différentes en l’absence de cette hypothèse. Une hypothèse extraordinaire a donc été invoquée, même si cela n’est pas strictement obligatoire.

Ce scénario ou des scénarios similaires ne sont pas rares et nécessitent une réflexion approfondie avant d’être mis en œuvre. Il est souvent essentiel de s’assurer que l’objectif de votre client et l’utilisation autorisée du rapport correspondent incontestablement. Bon nombre de ces hypothèses potentielles peuvent être tout à fait appropriées dans certaines circonstances et totalement inappropriées et trompeuses dans d’autres.

EXEMPLE 8 :

Extension d’une route municipale

Le bien en objet (une habitation rurale) fait l’objet d’une expropriation d’une partie du site, le réaménagement de la route 1 rapprochant la chaussée très près de l’habitation. L’hypothèse retenue pour le rapport, à des fins d’analyse raisonnable conformément à une exception juridictionnelle requise (voir page 23), est que le réalignement de l’autoroute n’aura pas lieu, n’ayant donc aucun impact sur la propriété en question ni sur sa valeur marchande. Sans cette hypothèse, les conclusions du rapport concernant la valeur marchande pourraient être différentes. Une hypothèse extraordinaire a donc été invoquée (ce qui n’est pas obligatoire).

De nombreuses questions d’expropriation nécessitent légitimement une ou plusieurs conditions hypothétiques. Il serait insensé d’ignorer la loi relative aux expropriations municipales et aux obligations de déclaration en matière d’indemnisation. Veillez à bien comprendre ce qui est requis pour ces rapports et assurez-vous que votre utilisation de ces exclusions est conforme aux NUPPEC.

EXEMPLE 9 :

Le bâtiment est achevé à 100 %

À la date réelle du rapport, le bien immobilier en objet est toujours en construction et n’est pas prêt à être occupé. L’analyse contenue dans le rapport est réalisée dans l’hypothèse que le bâtiment concerné est achevé à 100 % à la date réelle, à la demande du créancier hypothécaire. Selon les projections actuelles du promoteur, le bâtiment concerné devrait être achevé dans les six mois suivant la date réelle.

Les valeurs indiquées dans le présent rapport seraient différentes en l’absence de cette hypothèse. Une hypothèse extraordinaire a donc été invoquée (ce qui n’est pas toujours nécessaire).

Autre scénario courant : la valeur actuelle du bien « comme si achevé ». Il est essentiel que tout rapport indique très clairement dès le départ que le bien n’est en fait pas achevé à la date réelle et que les conclusions du rapport en matière de valeur sont basées sur l’hypothèse que le bâtiment est achevé.

EXEMPLE 10 :

Maison et cinq acres pour financement hypothécaire

À la date réelle du rapport, le bien en objet, tel que décrit légalement, comprend 100 acres de terrain et diverses dépendances agricoles, ainsi qu’une maison individuelle. À la demande du client (établissement de crédit), le rapport évalue la maison existante sur un terrain hypothétique de cinq acres pouvant être cédé séparément (tel que décrit dans le rapport), sans tenir compte de la valeur des dépendances agricoles ni de l’utilisation optimale de la parcelle plus grande.

L’entité hypothétique telle qu’évaluée n’existe pas et ne peut être créée par séparation, car cela n’est actuellement pas autorisé par le règlement de zonage. Une évaluation de l’ensemble de l’entité juridique aboutirait à une conclusion différente en matière de valeur, qui pourrait être supérieure ou inférieure à celle de l’entité hypothétique. Une hypothèse extraordinaire a donc été invoquée (ce qui n’est pas nécessairement obligatoire).

Ce scénario courant peut s’avérer problématique et les évaluateurs y sont régulièrement confrontés. Bien qu’il soit peu probable que la parcelle plus grande soit évaluée à un prix inférieur à celui de la maison hypothétique et des cinq acres, cela n’est pas impossible (pensez à la contamination d’une partie de la parcelle plus grande). Il est conseillé de rappeler ouvertement au client que l’évaluateur n’assume aucune responsabilité quant à l’influence positive ou négative de la prise en compte de l’ensemble de la parcelle légale.

Gardez également à l’esprit que, même si la porcherie sur la propriété se trouve en dehors de la parcelle hypothétique de cinq acres, toute analyse doit néanmoins tenir compte de l’impact de sa proximité avec une telle influence négative potentielle.

Comme pour toutes les exclusions spéciales, soyez très clair sur les hypothèses formulées et leur impact. Assurez-vous également que ce type de demande correspond à l’utilisation que le client fera du rapport (c’est-à-dire que cela peut être tout à fait approprié pour un rapport de financement hypothécaire, mais tout à fait inapproprié et trompeur pour une évaluation dans le cadre d’un divorce ou d’un litige entre associés).

Exceptions juridictionnelles

Définition des NUPPEC :

3.43 Une condition dans un contrat de service qui permet au membre de ne pas tenir compte d’une ou de plusieurs parties des présentes normes qui sont jugées contraires à la loi ou à l’ordre public dans un territoire donné; seule cette ou ces parties ne seront pas prises en compte et seront sans effet dans ce territoire.

La question de juridiction est liée à la base juridique permettant de légiférer, d’appliquer ou d’interpréter les lois fédérales, provinciales ou municipales. Une exception juridictionnelle doit découler de la législation (lois, règlements administratifs, procédures autorisées et élaborées à partir des règlements administratifs ou de la jurisprudence). [v. 19.8].

Dans son rapport, le membre doit préciser la ou les parties des NUPPEC dont il n’a pas tenu compte et fournir une référence à la loi, au règlement ou à l’autorité légale qui empêche la conformité et appuie l’exception juridictionnelle. [v. 19.8.3]

Il incombe ultimement au membre et non au client autorisé ou à tout autre utilisateur autorisé de déterminer si l’utilisation d’une exception juridictionnelle est appropriée.

Trois exemples d’exceptions juridictionnelles potentielles concernent la Loi sur l’expropriation – Ignorer le régime ; la Loi sur la taxe d’accise –Auto-approvisionnement aux fins de la TPS/TVH fédérale, et ; l’évaluation municipale – équité.

EXEMPLE 11 :

Ignorer le régime

À la date réelle du rapport, le bien immobilier en objet (une habitation rurale) fait l’objet d’une expropriation d’une partie du site, le réalignement de l’autoroute 1 rapprochant la chaussée
très près de l’habitation.

La Loi sur l’expropriation, L.R.O. 1990, chap. E.26, exige souvent que les évaluations aux fins d’expropriation ignorent l’incidence de la raison de l’expropriation elle-même (c’est-à-dire
« ignorer le projet ») lors de l’évaluation des biens afin de déterminer l’indemnisation appropriée ; c’est le cas ici.

En conséquence, certaines parties de la section 8 des NUPPEC (Norme relative aux activités d’évaluation de biens immobiliers) ont été ignorées ou modifiées, notamment les parties 8.2.3, 8.2.4, 8.2.5, 8.2.6 et 8.2.12.

Les valeurs indiquées dans le présent document pourraient être différentes en l’absence de cette exception juridictionnelle. Des conditions limitatives exceptionnelles et des conditions hypothétiques associées ont été invoquées en conséquence (voir pages 10 et 11).

Les résultats de l’évaluation ne sont valables qu’aux fins de la détermination de l’indemnisation résultant de l’expropriation du bien immobilier en objet.

Il s’agit d’un exemple des détails requis dans une exception juridictionnelle (EJ) lorsque la législation ou la politique nous oblige à effectuer une analyse ou une évaluation différemment de ce qui serait normalement fait. Comme indiqué dans les NUPPEC, une EJ doit faire référence à la législation ou à la politique qui conduit à la nécessité d’ignorer ou de modifier la ou les normes, et elle doit faire référence à la ou aux normes qui ont été ignorées ou modifiées à des fins d’analyse raisonnable. La meilleure pratique consisterait à inclure une déclaration excluant spécifiquement l’utilisation du rapport à toute autre fin. En outre, il y aura presque certainement d’autres CLE+ requises dans le rapport associé à l’EJ qui a été invoquée.

Bien que les NUPPEC indiquent très clairement qu’il incombe au membre de déterminer la pertinence d’une exception juridictionnelle, il est également essentiel d’en discuter en détail avec le client avant de rédiger un rapport dans le cadre d’une telle limitation.

Scénarios à prendre en considération

Voici quelques situations courantes auxquelles les membres de l’ICE peuvent être confrontés et qui devraient les amener à se demander si une demande est appropriée et quelles CLE+ pourraient être invoquées pour évaluer correctement un bien. Discutez-en avec vos collègues et élaborez des formulations appropriées (y compris des CLE+ détaillées pour les scénarios courants) :

  • Un CRA à qui l’on demande d’évaluer une maison située sur un terrain à vocation commerciale pour un financement bancaire
  • Évaluation d’expropriation pour un terrain à développer où il n’existe actuellement aucun service
  • Demande d’évaluation sans inspection
  • Un avocat demande à un CRA d’évaluer une propriété agricole de 50 acres dans le cadre d’un règlement de divorce (peut-on évaluer uniquement la maison et cinq acres si l’avocat est d’accord ?)
  • Demande d’évaluation d’une maison où un meurtre a eu lieu récemment
  • Un avocat demande l’évaluation d’une propriété industrielle contaminée
  • Demande d’effectuer une évaluation à l’extérieur du Canada
  • Cosignature d’un rapport pour un stagiaire alors que le cosignataire n’a pas inspecté le bien (indice : 9.3.2)
  • Un AACI inspecte quatre appartements dans un immeuble de 100 unités pour un financement hypothécaire

Résumé

Il existe une multitude de circonstances dans lesquelles l’utilisation d’un ou de plusieurs CLE+ est essentielle à un rapport d’évaluation. De même, il existe de nombreuses circonstances dans lesquelles leur utilisation est inappropriée et peut conduire à la publication d’un rapport potentiellement trompeur, exposant l’évaluateur et l’ICE à une responsabilité importante. Comprendre cette différence dans les rapports et dans la pratique est la première étape pour garantir la conformité des rapports.

Il est important de noter que les CLE+ ne donnent pas carte blanche aux membres de l’ICE pour faire des suppositions ou des hypothèses farfelues que les clients pourraient demander afin d’encourager un résultat en leur faveur. Il doit toujours y avoir des raisons rationnelles, justifiables et défendables pour invoquer des CLE+ comme prévu dans les NUPPEC.

Veillez à mentionner le recours à toute CLE+ chaque fois qu’une conclusion sur la valeur est énoncée et que d’autres conclusions critiques sont tirées dans un rapport (c’est-à-dire analyse de l’utilisation optimale, discussion sur les contrôles d’utilisation des sols). Il ne suffit pas que les CLE+ soient correctes et appropriées ; elles doivent également être très claires et évidentes pour les lecteurs ou les utilisateurs du rapport.

Lorsque vous utilisez ces outils essentiels, soyez clair, prudent, critique et, en fin de compte, assurez-vous que l’évaluation qui en résulte n’est pas susceptible d’induire en erreur et qu’elle correspond à l’utilisation que le client fera des conclusions du rapport. Jouez le rôle d’avocat du diable pour toutes les hypothèses personnelles ou d’entreprise contenues dans le rapport : prenez du recul et évaluez l’utilisation des CLE+ de manière froide et objective. Le fait d’appliquer systématiquement ces étapes contribue en fin de compte à maintenir votre crédibilité en tant que professionnel, ce qui est inestimable. Il est regrettable de passer rapidement sur les hypothèses et les conditions restrictives ordinaires dans les rapports, mais il est encore plus risqué d’utiliser les CLE+ de manière aléatoire ou imprudente sans vraiment comprendre leur impact sur les conclusions en matière de valeur et sur l’utilisation efficace et appropriée des rapports.