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LE PRIVILÈGE JURIDIQUE ET SON APPLICATION AUX ÉVALUATEURS

Évaluation immobilière au Canada

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2018 – Volume 62 – Tome 3
LE PRIVILÈGE JURIDIQUE ET SON APPLICATION AUX ÉVALUATEURS

LE PRIVILÈGE JURIDIQUE ET SON APPLICATION AUX ÉVALUATEURS

Par Shane Rayman, associé et  Conner Harris, avocat, Rayman Beitchman, s.r.l.

Dans une action en justice, l’un des enjeux les plus importants pour les parties en litige est l’étendue du privilège et son incidence sur la production des documents. Cette notion concerne le travail des témoins experts indépendants, comme les évaluateurs, qui peuvent être retenus par les plaideurs pour appuyer et justifier leurs positions avec des preuves sous forme d’opinions. Il est essentiel que les témoins experts comprennent les limitations de la confidentialité de leur travail et la portée de tout privilège s’appliquant à leur travail ou aux rapports rédigés pour le client engagé dans le processus judiciaire.

Le travail d’un évaluateur doit être confidentiel, conformément aux normes professionnelles pertinentes régissant la profession d’évaluateur. Les constatations et conclusions d’un évaluateur, incluant celles préparées durant l’action en justice, ne doivent être divulguées à personne, sauf si le client l’autorise ou si une loi l’oblige.2Le devoir de confidentialité est une affaire de normes et de règles professionnelles. On présume souvent que la confidentialité équivaut à la protection offerte par un privilège reconnu légalement; ce n’est pas le cas.

La divulgation du travail effectué par un évaluateur dans le cadre d’une procédure judiciaire est gouvernée par les règles de production se trouvant dans les Règles de procédure civile et dans le droit commun du privilège juridique. La protection qu’offre le privilège juridique en vertu de ces règles est moins étendue que celle prévue par le devoir de confidentialité décrit dans les normes professionnelles encadrant les évaluateurs. Les évaluateurs doivent comprendre ces différences ainsi que les limites de la protection accordée à leur travail par la confidentialité et le privilège dans l’action en justice. Comprendre les différences et les limites de confidentialité et de privilège permettra aux évaluateurs de bien informer leurs clients sur les obligations de divulgation et sur la protection de leurs produits du travail et de leurs analyses, tout en continuant à observer leurs normes professionnelles gouvernantes.

Cet article aborde brièvement le devoir de confidentialité visant les évaluateurs et les différences fondamentales entre confidentialité et privilège. Il examine également les formes reconnues de privilège juridique dans la législation canadienne et comment elles peuvent s’appliquer au travail des évaluateurs. Enfin, il verra comment un évaluateur peut être touché par la divulgation pertinente ou par les obligations de production applicables à l’action en justice.

Confidentialité pour les évaluateurs

À l’instar de plusieurs professionnels, les évaluateurs ont une obligation professionnelle et éthique de respecter la confidentialité et la nature délicate des informations qui leur sont fournies par un client, ainsi que du travail qu’ils effectuent pour son compte. Ils doivent s’assurer de ne divulguer leurs analyses, opinions ou conclusions à personne d’autre qu’au client, sauf instructions contraires (et avec certaines exceptions limitées).

Les normes professionnelles régissant la profession d’évaluateur, les Normes uniformes de pratique professionnelle en matière d’évaluation au Canada (NUPPEC), décrivent les obligations de confidentialité d’un évaluateur comme suit :

 « Il est contraire à l’éthique professionnelle pour un membre : […]

4.2.10 De divulguer le résultat d’un contrat de service à toute personne autre que le client, excepté sur autorisation du client; […]

5.8 Divulgation [v. 4.2.10, 18.1, 18.2]

5.8.1 Un membre s’engage à protéger la nature confidentielle des relations membre-client.

5.8.2 Un membre ne doit pas divulguer les analyses, opinions et conclusions d’un contrat de service à quiconque autre que :

5.8.2.i le client et les parties spécifiquement autorisées par le membre et le client à recevoir de telles informations;

5.8.2.ii les tiers auxquels le membre est légalement tenu de fournir cette information dans le cours normal de la loi (p. ex. les tribunaux); ou

5.8.2.iii un comité autorisé ou membre autorisé d’un comité de l’Institut.

5.8.3 Un membre ne doit pas divulguer les informations fournies par un client sous le sceau de la confidentialité à quiconque autre que :

5.8.3.i les parties spécifiquement autorisées par le client à recevoir ces données;

5.8.3.ii les tiers, lorsque le membre est légalement tenu de fournir cette information dans le cours normal de la loi; ou

5.8.3.iii un comité autorisé ou membre autorisé d’un comité de l’Institut.

5.8.4 Si l’exécution d’un contrat de service antérieur doit demeurer confidentielle, un membre doit refuser tout autre contrat de service lié au même bien lorsqu’il existe une condition visant la divulgation de tout contrat de service antérieur. »

D’autres dispositions soulignant l’importance du devoir de confidentialité des évaluateurs professionnels se trouvent dans les Notes de pratique, articles 18.1 et 18.2 des NUPPEC.

L’obligation de confidentialité d’un évaluateur est tempérée par la disposition voulant que leurs analyses, opinions ou conclusions ne soient pas protégées lorsqu’un membre est tenu légalement de divulguer ces informations dans le ‹ cours normal de la loi ›, ce qui inclut les exigences de production trouvées dans les codes de procédures promulgués comme règlements sous la législation validement adoptée ainsi que dans le droit commun, comme on le voit dans les décisions rendues par les cours et par d’autres tribunaux compétents.

Confidentialité par rapport au privilège

On confond souvent les notions de confidentialité et de privilège. Les témoins experts indépendants tels les évaluateurs sont souvent régis par des obligations professionnelles leur imposant un devoir de confidentialité envers leurs clients. Les informations qui sont confidentielles en vertu des obligations éthiques ou professionnelles sont différentes des informations privilégiées, qui peuvent être divulguées durant l’interrogatoire préalable.

On le constate dans l’exception au devoir de confidentialité d’un évaluateur entraînant la divulgation mandatée par le ‹ cours normal de la loi ›. Les Règles de procédure civile encadrant la majorité des procès civils dans la province de l’Ontario sont des règles promulguées en vertu de la Loi sur les tribunaux judiciaires. Les obligations de produire des documents relatifs à une procédure judiciaire conformément aux Règles de procédure civile entrent dans le ‹ cours normal de la loi › et peuvent abroger les exigences de confidentialité des NUPPEC.

Un exemple spécifique de cette distinction serait les obligations de production dans la sous-règle 31.06(3) des Règles de procédure civile. Cette sous-règle permet à une partie adverse d’obtenir, dans le cadre de l’interrogatoire préalable, la « divulgation des constatations, opinions et conclusions d’un expert retenu par ou pour le compte de la partie interrogée qui sont pertinentes à la question en jeu dans l’action en justice ». En contexte d’évaluation, cela inclurait nécessairement les ‹ analyses, opinions ou conclusions indiquées dans le contrat de service › d’un évaluateur qui sont protégées par son devoir de confidentialité.

Même si les normes professionnelles l’obligent à garder ces informations confidentielles entre lui et son client, un évaluateur retenu par une partie au litige devrait les divulguer, conformément aux Règles de procédure civile. À moins de tomber dans les limites du privilège reconnu légalement, les informations doivent être divulguées par l’évaluateur à la partie adverse (un tiers), avec ou sans le consentement du client. Il faut noter que parce que la sous-règle 31.06(3) constitue le ‹ cours normal de la loi ›, ce n’est pas une violation des normes professionnelles pour un évaluateur de divulguer les informations requises par cette disposition des Règles.

Cet exemple met en relief les différences entre l’étendue de la confidentialité et la protection offerte par le privilège juridique. Il est important que l’évaluateur connaisse ces différences pour savoir quelles informations peuvent être privilégiées et quelles informations il sera peut-être obligé de divulguer pendant l’action en justice.

Privilège juridique

On a expliqué la distinction entre le privilège juridique et les principes et devoirs de confidentialité éthiques ou équitables dans The Law of Evidence in Canada, comme suit (à 716) :

 « Bien que la confidentialité soit la pierre angulaire de la protection des communications au sein de relations particulières, la confidentialité seule ne suffit pas à créer le privilège. La confidentialité peut tout aussi bien créer d’autres obligations et droits légaux et éthiques, mais elle ne repose pas sur la doctrine probatoire du privilège. »

L’hypothèse à l’effet que les informations ou opinions sont privilégiées simplement parce qu’elles sont livrées sous le sceau de la confidence est incorrecte. Assumer cette fausse hypothèse peut mener à la divulgation accidentelle d’informations dommageables pour la position de la partie en litige; il faut se garder de le faire, dans la mesure du possible.

Les origines de la doctrine probatoire du privilège juridique résident dans les communications entre un avocat et son client. Apparue à la fin du XVIe siècle, elle est devenue la première catégorie de communications confidentielles à jouir du ‹ privilège › les empêchant d’être divulguées ou produites. Au début, le privilège reposait sur la notion de confiance et d’honneur et sur le fait que l’avocat, un « homme d’honneur ne trahirait pas un secret et que les juges, eux aussi des hommes d’honneur, ne l’obligeraient pas à faire de même ». Dans le contexte des communications avocat-client, le privilège appartient au client, qui seul peut y renoncer.

Le privilège a évolué pour inclure trois catégories généralement reconnues intéressant les évaluateurs et dont traitera cette analyse. Ces catégories sont :

  1. Secret professionnel;
  2. Privilège de règlement; et
  3. Privilège de litige.

Les informations créant un privilège juridique reconnu sont protégées de la divulgation ou de la production, qui serait autrement requise par le processus judiciaire. Une telle protection demeure, à moins que la partie détenant le privilège n’y renonce ou que le privilège n’expire par application d’une loi.

Secret professionnel

Le secret professionnel protège les communications entre un avocat et son client lorsqu’elles sont faites confidentiellement et dans le but d’obtenir un avis juridique. L’énoncé définitif du secret professionnel a été formulé par J.H. Wigmore et adopté par la Cour suprême, comme suit :

« Lorsque tout type d’avis juridique est recherché, de la part d’un conseiller juridique professionnel en cette capacité, les communications relatives à cette fin, faites confidentiellement, par le client, sont à son instance protégées en permanence, de la divulgation par lui-même ou par le conseiller juridique, sauf si l’on renonce à ladite protection. »

Le privilège est reconnu comme un principe de justice fondamentale qui crée une protection constitutionnelle et qui est d’une importance suprême dans notre système judiciaire. Comme il est indiqué dans Guelph c. Super Blue Box Recycling Corp., (para 76) :

Le but fonctionnel du secret professionnel est au cœur même de l’administration du système judiciaire. Toute personne, qu’elle soit physique, morale ou gouvernementale, doit avoir accès à un conseiller juridique indépendant sans craindre qu’un tel recours soit utilisé à son détriment : Smith c. Jones, RCS 474-475; Fosty, RCS 289. Le secret professionnel est un « droit civil et légal fondamental » (Solosky, RCS 839) et il est « fondamental au système judiciaire du Canada » (R. c. McClure, [2001] 1 RCS 445 (CSC), selon le juge John C. Major).

La protection offerte par le privilège juridique n’est pas illimitée et ne protégera pas des documents ou des renseignements simplement parce qu’ils sont versés au dossier d’un avocat. Pour être protégés par le privilège, les documents doivent répondre aux exigences décrites ci-dessus; leur inclusion dans le dossier de l’avocat n’est pas un facteur déterminant ni même particulièrement pertinent dans l’analyse. Dans le même ordre d’idées, les communications ne créent pas la protection du privilège simplement parce que les avis peuvent y être copiés. L’analyse à savoir si le privilège s’applique en est une de fonds et dépend du contenu des dossiers particuliers en question, pas de la seule présence ou inclusion des avis. Les témoins experts, réunissant les informations ou communiquant aux fins de litige, doivent se rappeler les limites du secret professionnel.

Le secret professionnel existe pour toujours, à moins que le client n’y renonce. Le renoncement au privilège peut être explicite, mais également implicite. Le renoncement implicite survient quand on s’‹ appuie › sur des communications privilégiées (par exemple lors d’un plaidoyer) ou quand on divulgue des communications privilégiées dans les productions d’une partie ou les descriptions de la substance des communications lors des interrogatoires. Une fois qu’on a renoncé au privilège, la renonciation s’applique à l’ensemble des communications. Une partie ne peut pas ‹ trier › les communications privilégiées, divulguant celles qui l’avantagent et réclamant le privilège pour le reste.

Malgré la possibilité de renoncements implicites au privilège, en circonstances normales, les tribunaux sont prêts à pardonner les ‹ fautes › de divulgation accidentelle, où la partie qui divulgue n’avait pas l’intention de renoncer au privilège et le dévoilement était une erreur commise sans réaliser l’effet de la divulgation. Les évaluateurs doivent s’assurer de ne pas inclure des informations potentiellement privilégiées dans tout produit du travail divulgué afin d’éviter les problèmes de ‹ renoncement › possible au privilège.

Le secret professionnel peut s’étendre au-delà de l’avocat et du client pour inclure une tierce partie lorsque la fonction de celle-ci est « essentielle ou intégrante au maintien ou au fonctionnement de la relation avocat-client pour obtenir un avis juridique ». Cela peut inclure un expert, tel un évaluateur, quand il agit à titre de « messager, interprète et alter ego » pour réunir les informations fournies par le client et pour les expliquer à l’avocat ». Ça ne s’applique généralement pas lorsqu’un expert agit de manière indépendante et prépare une opinion indépendante.

Même s’il peut arriver que les évaluateurs agissent comme ‹ traducteurs › ou messagers en transmettant ou en interprétant l’information, ils le font habituellement dans le contexte de leur propre analyse. Quand la tâche qu’ils effectuent favorise également leur analyse, le secret professionnel ne protégera pas la communication. Il faut faire preuve de prudence et présumer qu’une communication entre le client, l’évaluateur et l’avocat (ou vice-versa), sera protégée par le secret professionnel.

Privilège de règlement

La deuxième catégorie de privilège juridique reconnu vise les communications faites en vue d’obtenir un règlement. On l’appelle habituellement le ‹ privilège de règlement ›. La politique sous-tendant le privilège de règlement consiste à inviter les parties à résoudre leurs différends privés sans recourir au litige et à encourager des discussions exhaustives, franches et désinhibées entre elles afin de résoudre la question.

Les tribunaux reconnaissent l’existence du privilège de règlement en présence des conditions suivantes :

  1. Un différend litigieux doit exister ou être envisagé;
  2. La communication doit être faite avec l’intention explicite ou implicite qu’elle ne serait pas divulguée à la cour en cas d’échec des négociations; et
  3. Le but de la communication doit être de tenter d’obtenir un règlement.

Le privilège de règlement protège non seulement les communications et négociations visant à obtenir un règlement, mais aussi les détails d’un règlement réussi. Il protège tant les négociations qui réussissent que celles qui échouent.

Les parties apposent souvent le terme ‹ sans préjudice › dans leur correspondance, entendant par-là que les communications sont faites en vue d’obtenir un règlement et qu’elles sont par conséquent privilégiées. Ce terme n’est pas décisoire et offre une assistance limitée pour déterminer si la communication visée jouit effectivement du privilège. La détermination à savoir si un document est privilégié est une question de fond qui examine si la communication a été faite dans l’intention d’obtenir un règlement du différend. Les documents ne portant pas la mention ‹ sans préjudice ›, mais qui montrent une telle intention, seront soumis au privilège de règlement. Dans le même ordre d’idées, les documents qui portent la mention ‹ sans préjudice ›, mais qui ne sont pas produits dans l’intention de régler le différend, ne seront pas protégés par le privilège de règlement.

Il est important que les témoins experts comprennent l’analyse de fond qui étaye l’application du privilège de règlement. La simple mention ‹ sans préjudice › sur un document ne l’empêchera pas d’être produit. Une cour de révision regardera plutôt la substance du document pour déterminer s’il rencontre les critères d’application du privilège de règlement.

Le privilège de règlement est une protection générique, en ce sens que toutes les communications prenant place pour négocier un règlement sont présumées privilégiées; c’est à la partie demandant la production qu’il appartient de réfuter cette présomption. Comme toutes les classes de privilège juridique, il y a des exceptions au privilège de règlement lorsque des documents qui seraient autrement privilégiés sont néanmoins produisibles. Ces exceptions surviendront quand un intérêt public opposé prévaut sur l’intérêt public en favorisant le règlement, là où « la justice du cas l’exige ». Voici quelques exemples d’exception au privilège de règlement :

(1) la communication est illégale; (2) la communication est préjudiciable au récipiendaire; (3) on doit déterminer si un règlement est effectivement intervenu; (4) une période de limitation est en jeu; ou (5) on doit déterminer si une réclamation des coûts d’une action en justice doit être faite.

Dans certaines circonstances, une opinion d’expert servira à obtenir un règlement et l’on partagera celle-ci avec la partie adverse à cette fin. Dans ce cas, l’opinion ou le rapport d’expert entre dans les communications visant à obtenir un règlement et doit créer le privilège de règlement. L’opinion ou le rapport sera soumis au même test que les autres communications faites en vue d’un règlement pour déterminer s’il est ou non privilégié.

La question du privilège de règlement s’appliquant aux rapports d’évaluation a été analysée en profondeur par la Commission des affaires municipales de l’Ontario dans Gadzala c. Toronto and Region Conservation Authority. Le procès concernait une procédure d’expropriation où l’autorité expropriante (l’intimée) réclamait le privilège de règlement sur deux rapports d’évaluation fournis aux demandeurs lors des négociations pour l’achat de leur terrain. Celui-ci- fut par la suite exproprié par l’intimée. Les demandeurs alléguaient que les deux rapports d’évaluation avaient été réalisés pour les fins de négocier une transaction immobilière avant l’expropriation et, par conséquent, n’avaient pas été préparés en contemplation d’un différend litigieux. C’était donc leur prétention que le privilège de règlement ne s’appliquait pas aux rapports.

 La Commission considérait que les négociations étaient déjà en cours entre le défendeur et l’intimée au moment où les rapports ont été préparés. Les communications entre le demandeur et l’intimée étaient structurées de façon à prévoir le règlement d’une expropriation potentielle et non seulement une négociation immobilière.34 La Commission a conclu que les rapports d’évaluation étaient protégés par le privilège de règlement et, par conséquent, ne pouvaient pas être divulgués pendant les procédures.

En plus des éléments de droit commun du privilège de règlement, les Règles de procédure civile considèrent que toutes les communications se déroulant dans une séance de médiation sont des « discussions de règlement sans préjudice » créant un privilège de règlement.35 Un rapport d’expert produit seulement dans le cadre des communications d’une partie lors de la médiation serait vraisemblablement protégé par le privilège de règlement en vertu de cette disposition. Pour maintenir le privilège de règlement sur un tel rapport d’expert, celui-ci doit être préparé principalement ou exclusivement pour résoudre un différend. On doit exprimer clairement cette intention, par écrit, au moment où le rapport est produit. Un évaluateur voudra peut-être aussi inclure dans le texte du rapport la raison pour laquelle il est rédigé. C’est l’une des circonstances où il pourrait être utile d’apposer la mention ‹ sans préjudice › sur le rapport.

Privilège de litige

Le privilège de litige protège les documents et les communications dont le but principal est la préparation au litige; des exemples typiques comprennent le dossier de l’avocat et les communications orales ou écrites entre un avocat et des tierces parties, comme des experts ou d’autres témoins.

Le privilège de litige est distinct du secret professionnel, même si les deux ont un but en commun : « l’administration sûre et efficace de la justice conformément à la loi ». Cette relation distincte, mais interreliée, a été décrite comme suit :

« Il est crucial de faire la distinction entre le privilège relatif au litige et le secret professionnel de l’avocat. Au moins trois différences importantes, à mon sens, existent entre les deux. Premièrement, le secret professionnel de l’avocat ne s’applique qu’aux communications confidentielles entre le client et son avocat. Le privilège relatif au litige, en revanche, s’applique aux communications à caractère non confidentiel entre l’avocat et des tiers et englobe même des documents qui ne sont pas de la nature d’une communication. Deuxièmement, le secret professionnel de l’avocat existe chaque fois qu’un client consulte son avocat, que ce soit à propos d’un litige ou non. Le privilège relatif au litige, en revanche, ne s’applique que dans le contexte du litige lui‑même. Troisièmement, et c’est ce qui importe le plus, le fondement du secret professionnel de l’avocat est très différent de celui du privilège relatif au litige. Cette différence mérite qu’on s’y arrête. L’intérêt qui sous‑tend la protection contre la divulgation accordée aux communications entre un client et son avocat est l’intérêt de tous les citoyens dans la possibilité de consulter sans réserve et facilement un avocat. Si une personne ne peut pas faire de confidences à un avocat en sachant que ce qu’elle lui confie ne sera pas révélé, il lui sera difficile, voire impossible, d’obtenir en toute franchise des conseils juridiques judicieux.

« Le privilège relatif au litige, en revanche, est adapté directement au processus du litige. Son but ne s’explique pas valablement par la nécessité de protéger les communications entre un avocat et son client pour permettre au client d’obtenir des conseils juridiques, soit l’intérêt que protège le secret professionnel de l’avocat. Son objet se rattache plus particulièrement aux besoins du processus du procès contradictoire. Le privilège relatif au litige est basé sur le besoin d’une zone protégée destinée à faciliter, pour l’avocat, l’enquête et la préparation du dossier en vue de l’instruction contradictoire. Autrement dit, le privilège relatif au litige vise à faciliter un processus (le processus contradictoire), tandis que le secret professionnel de l’avocat vise à protéger une relation (la relation de confiance entre un avocat et son client). »

Le motif de la politique sur le privilège de litige a récemment été souligné comme suit par la Cour suprême du Canada :

 « [L’]avocat ne doit pas être gêné dans la préparation du dossier de son client par la possibilité que des documents qu’il rédige peuvent être retirés de son dossier et déposés devant le tribunal, à des fins autres que celles qu’il envisage. Les documents qui aideraient à mettre à jour la vérité s’ils étaient présentés de la façon prévue par l’avocat qui en a dirigé la préparation pourraient fort bien servir à fausser la vérité s’ils étaient soumis par une partie adverse qui ne comprend pas ce qui a donné lieu à leur rédaction. Si les avocats pouvaient fouiller dans les dossiers les uns des autres au moyen du processus de la communication préalable, la simple préparation des dossiers pour l’instruction se transformerait en un regrettable travesti de notre système actuel [souligné dans le texte original]. »

Contrairement au secret professionnel, le privilège de litige n’est ‹ ni absolu en portée ni permanent en durée ›. Il ne vise que les documents dont l’‹ objectif principal › est le litige et expire lorsque le litige prend fin.

Le privilège de litige est également appelé ‹ privilège de produit du travail ›, car il représente tous les produits du travail qu’un avocat assemble dans un dossier, ce qui constitue le travail de l’avocat et la somme totale de ses connaissances, ses recherches et ses compétences. Quand un rapport d’expert est préparé à la demande d’un avocat qui s’en servira dans un litige, ce rapport crée aussi le privilège de litige.

Le privilège de litige qui s’applique au rapport d’expert est révoqué une fois que le document est déposé à la cour ou au tribunal qui déterminera le litige à examiner. Alors, les parties adverses ont le droit de voir non seulement le rapport d’expert, mais aussi tous les documents de travail pertinents et matériels préparés à l’appui du rapport. L’application du privilège de litige à un rapport d’expert est aussi révoquée en vertu des Règles de procédure civile, mentionnées plus tôt et dont on discutera plus avant ci-dessous.

Divulgation de constatations et rapports d’experts sous les Règles de procédure civile

La mesure dans laquelle une opinion d’expert et les faits et constatations sous-jacents doivent être divulgués avant le procès dans le cadre de l’action en justice est décrite dans les Règles de procédure civile. Comme nous l’avons déjà vu dans cet article, la sous-règle 31.06(3) détermine dans quelle mesure une partie adverse peut examiner la preuve d’expert obtenue au nom de la partie interrogée. Elle permet à la partie adverse d’obtenir la production des ‹ constatations, opinions et conclusions › de l’expert de la partie interrogée dans le cadre de l’examen hors cour effectué durant l’‹ interrogatoire préalable ›. La règle s’applique seulement au stade préalable et non pendant toute la durée de la procédure.

L’application de la sous-règle 31.06(3) et l’étendue de l’interrogatoire préalable lié à une opinion d’expert sont assujetties à la définition des termes ‹ constatations, opinions et conclusions › apparaissant dans la règle. La portée de ces termes a été décrite par le juge Lofchik dans Turner (Litigation Guardian of) v Dyck :

« La portée des “constatations, opinions et conclusions” dans la règle 31.06 est large et inclut les informations et les données obtenues par l’expert, contenues dans les documents ou obtenues lors d’entrevues sur la base desquels les conclusions sont tirées et les opinions formées. Les informations et données peuvent comprendre des recherches, documents, calculs et données factuelles, alors que les termes “constatations, opinions et conclusions” sont assez vastes pour inclure les notes d’inspection, les données brutes et les dossiers montés et utilisés par l’expert pour préparer son rapport dans la mesure où les étayages factuels à l’appui des opinions ou conclusions ne sont pas décrits dans le rapport. Dans la mesure où les opinions et conclusions du rapport s’appuient sur les informations communiquées par l’avocat aux experts, même si le résultat des recherches et le produit du travail de l’avocat, la prestation de ces informations aux experts et la confiance en celles-ci par les experts pour former leurs opinions et tirer leurs conclusions révoque tout privilège qui peut être lié à ces informations. »

La Cour d’appel de l’Ontario a plus récemment clarifié l’étendue des informations produisibles concernant un rapport d’expert comme étant la « documentation liée à la formation d’une opinion exprimée ».47 La sous-règle 31.06(3) n’oblige pas un expert à produire son rapport proprement dit au stade préalable, mais seulement les constatations, opinions et conclusions sous-tendant le rapport.48 Mais dans la pratique, on soumet habituellement le rapport lui-même pour se décharger des obligations décrites dans la sous-règle 31.06(3).49 Cela pourrait être problématique si le rapport était produit tôt dans les procédures, étant donné la renonciation implicite au privilège de litige accompagnant cette production.

Pour ne pas avoir de tels problèmes, la sous-règle 31.06(3) permet à une partie d’éviter immédiatement de se conformer à la règle au stade préalable, au cas où la partie ne soit pas encore certaine si elle utilisera au rapport d’expert. La sous-règle 31.06(3) exige la production des informations requises d’un expert, à moins que « la partie interrogée décide de ne pas faire témoigner l’expert au procès ». Cette exigence n’est pas conçue pour forcer un plaideur à décider s’il aura recours ou non à un expert durant le procès et elle lui permet de reporter sa décision jusqu’à une période raisonnable avant le procès.50 La Cour supérieure de justice de l’Ontario a résumé comme suit l’application de la sous- règle 31.06(3) durant l’interrogatoire préalable :

« Après avoir examiné la sous-règle 31.06(3) et les cas cités par l’avocat, je tire les conclusions suivantes :

    1. Lors de l’interrogatoire préalable, une partie doit répondre à savoir si elle a ou non retenu les services d’un expert.
    2. On peut demander à une partie si elle a reçu des constatations, opinions ou conclusions préliminaires, même oralement.
    3. Ces constatations, opinions ou conclusions doivent être divulguées, à moins que la partie décide de ne pas faire témoigner l’expert au procès.
    4. Au stade préliminaire, une partie peut avoir à décider de ne pas faire appel à son expert au procès et elle peut maintenir tout privilège sur tout rapport, à condition qu’elle ait pris cette décision.
    5. L’avocat peut refuser de répondre à la question sur son initiative de conseiller la partie interrogatrice sur sa décision dans une période de temps raisonnable; habituellement, avant la conférence de règlement.
    6. En l’absence d’une telle initiative, la cour peut exiger qu’une partie réponde à la question ou fixe une limite de temps pour prendre la décision. C’est un complément nécessaire à l’autorité de la cour de fixer une date pour le dépôt d’un rapport d’expert avant les périodes de temps prescrites par la règle 53.03. »

L’échéancier pour le dépôt d’un rapport d’expert (et son contenu) qui sera utilisé au procès sont décrits dans la règle 53.03 des Règles de procédure civile. Cette règle se lit comme suit :

« 53.03 (1) La partie qui se propose d’appeler un expert à témoigner au procès signifie aux autres parties à l’action, au moins 90 jours avant la conférence préparatoire au procès exigée aux termes de la sous-règle 50.02 (1) ou (2), et fournit aux autres parties à l’action un rapport signé par l’expert et contenant les renseignements énumérés au paragraphe (2.1).
(2) La partie qui se propose d’appeler un expert à témoigner au procès en réponse au témoignage de l’expert d’une autre partie signifie aux autres parties à l’action, au moins 60 jours avant la conférence préparatoire au procès, un rapport signé par l’expert et contenant les renseignements énumérés au paragraphe (2.1).

(2.1) Le rapport produit pour l’application du paragraphe (1) ou (2) contient les renseignements suivants :

    1. Les nom, adresse et domaine de compétence de l’expert.
    2. Les qualités de l’expert ainsi que son expérience de travail et sa formation dans son domaine de compétence.
    3. Les directives données à l’expert en ce qui concerne l’instance.
    4. La nature de l’opinion sollicitée et chaque question dans l’instance sur laquelle porte l’opinion.
    5. L’opinion de l’expert sur chaque question et, si une gamme d’opinions est donnée, un résumé de la gamme et les motifs de l’opinion de l’expert comprise dans cette gamme.
      1. Les motifs à l’appui de l’opinion de l’expert, notamment :
        i. une description des hypothèses factuelles sur lesquelles l’opinion est fondée,
        ii. une description de la recherche effectuée par l’expert qui l’a amené à formuler son opinion,
        iii. la liste des documents, s’il y a lieu, sur lesquels l’expert s’est appuyé pour formuler son opinion.
      2. Une attestation de l’obligation de l’expert (formule 53) signée par l’expert.

Échéancier pour la signification des rapports
(2.2) Dans les 60 jours qui suivent l’inscription d’une action pour instruction, les parties conviennent d’un échéancier fixant les dates pour la signification des rapports d’experts afin de satisfaire aux exigences des paragraphes (1) et (2), sauf ordonnance contraire du tribunal.

Il ne sera pas permis à un expert de témoigner dans des domaines non mentionnés dans son rapport, en vertu de la règle 53.03.52 Les tribunaux administratifs ont l’autorité de créer leurs propres règles sur la divulgation préalable du rapport d’expert.53 Pour les litiges relatifs à l’expropriation, certains organes administratifs, comme le Tribunal d’appel de l’aménagement local (auparavant la Commission des affaires municipales de l’Ontario) incorporent dans leur propre procédure les règles gouvernant l’échange des rapports d’experts se trouvant dans les Règles de procédure civile.54

Il semble que la vaste portée de l’interrogatoire s’applique également à la production et aux obligations de divulgation encadrant les témoins experts comme les évaluateurs. Ces obligations de production peuvent survenir même dans les premiers stades du litige. Bien qu’elles soient quelque peu abrogées par les limites du privilège de litige, les témoins experts doivent connaître les obligations, à partir du moment où on retient leurs services, pour s’assurer que leur client ne subisse pas de préjudice par la divulgation ou la production d’informations autrement confidentielles.

Étendue des documents produisibles dans le dossier d’expert

La livraison d’un rapport d’expert à la partie adverse lors de procédures judiciaires signifie le ‹ renoncement implicite › au privilège de litige sur ce rapport, tel qu’indiqué précédemment. La divulgation d’un rapport d’expert à un autre expert seulement, et non à la partie adverse ou à son avocat, ne constituera généralement pas un renoncement au privilège de litige.55 Comme pour le secret professionnel, si la divulgation d’un tel rapport à la partie adverse est accidentelle et si la partie fautive souhaite sincèrement maintenir le privilège sur le rapport, la Cour peut la dégager du renoncement.

L’étendue du privilège de litige et les documents devant être produits par un expert, conformément aux obligations de production du droit commun, et ceux décrits dans les Règles de procédure civile, ont récemment soulevé la controverse dans les cours. Certains juges de la Cour supérieure de justice de l’Ontario (et ailleurs) ont remis en question la sagesse d’étendre le privilège de litige à la préparation d’un rapport d’expert. La controverse fait suite à l’importance grandissante de la preuve d’expert pour la résolution des procédures judiciaires et au souci des cours d’assurer l’indépendance et l’objectivité des témoins experts retenus par les plaideurs.

Suite à cette controverse, on avait observé une tendance croissante en faveur de la production de presque tout le dossier d’un témoin expert, y compris les communications avec l’avocat et les rapports préliminaires. Cette tendance était problématique, tant pour les membres du barreau que pour les professionnels retenus comme témoins experts. Ce qui dérangeait beaucoup était la production des communications entre l’avocat et les témoins experts et des premières ébauches du rapport d’expert qui auraient pu être échangées entre l’avocat et les experts. On a décrit les problèmes d’une telle méthode comme suit :

«… serait contraire à la doctrine existante et nuirait à la préparation adéquate. Une telle règle découragerait les participants de résumer les opinions préliminaires par écrit, étape nécessaire à la formation d’une opinion saine et complète. Forcer la production de toutes les ébauches, bonnes et mauvaises, découragerait les parties de retenir les services d’experts pour fournir des opinions calmes et réfléchies et favoriserait plutôt des rapports partisans et non équilibrés. Permettre d’explorer librement les différences entre un rapport définitif et une ébauche préalable empêcherait indûment une partie de bien se préparer au procès et risquerait de prolonger inutilement les procédures. »

Une grande partie de la controverse entourant cet enjeu a été résolue avec la décision rendue par la Cour d’appel de l’Ontario en 2015 dans le procès Moore c. Getahun (pour lequel une demande d’autorisation d’en appeler devant la Cour suprême du Canada a été rejetée). Dans cette affaire, la cour a confirmé que la loi n’impose présentement aucune obligation de produire routinièrement l’ébauche d’un rapport d’expert dans l’action en justice. Il n’y a pas non plus d’obligation de produire les communications intervenant entre l’avocat et un expert concernant la préparation du rapport d’expert. Le renoncement implicite au privilège de litige occasionné par le dépôt officiel d’un rapport d’expert ne s’étend pas habituellement aux aspects du dossier d’un expert.

 Cette règle générale comporte cependant des exceptions. Il est évident qu’un avocat − ou tout participant au litige − aurait tort d’interférer avec le devoir d’indépendance et d’objectivité d’un expert. Du même coup, on ne devrait pas utiliser le privilège de litige pour cacher la mauvaise conduite d’une partie. Les cours se réservent un rôle de supervision pour assurer que l’indépendance et l’impartialité des témoins experts soient maintenues. Si une partie peut démontrer un fondement factuel pour appuyer un doute raisonnable à l’effet que l’avocat a influencé indûment un expert ou son opinion, les rapports préliminaires et les détails des communications échangées avec l’avocat deviendront produisibles. Ce fondement factuel doit être plus qu’une simple preuve de communication entre l’avocat et un expert lors de la préparation du rapport d’expert.

L’information qui sera produisible conformément aux Règles de procédure civile et à laquelle s’applique le renoncement implicite au privilège de litige soulevé par la livraison du rapport d’expert dans le déroulement ordinaire du litige est l’‹ information de base › du rapport d’expert. Cette information de base se limite en général à la documentation relative à la formation d’une opinion exprimée par le témoin expert.

Les catégories d’information de base qui seront produisibles à la livraison du rapport d’expert utilisé au procès ne sont pas immuables. Néanmoins, les cours ont réfléchi longuement à la question et ont conclu que les catégories comprennent :

  • la lettre d’instruction d’une partie à l’expert retenu pour l’assister et toute autre lettre d’instruction demandant la préparation de rapports subséquents lors de la même procédure;
  • les documents lus par l’expert et les faits qui lui ont été divulgués;
  • les notes, les données brutes et les dossiers de l’expert;
  • les livres et les journaux recherchés par l’expert pour former son opinion;et
  • d’autres rapports d’experts consultés et/ou utilisés dans la préparation du rapport d’expert visé.

Les évaluateurs retenus pour témoigner au nom d’une partie engagée dans un litige doivent comprendre et observer ces obligations de produire les informations requises par les cours. Quand une partie décide de faire témoigner l’évaluateur au procès ou à l’audience, notamment lors du dépôt officiel de son rapport, l’évaluateur sera tenu de produire l’information de base étayant son rapport. L’évaluateur doit noter de façon détaillée les informations sur lesquelles il s’appuie pour rédiger son rapport afin de s’assurer d’être conforme à ces obligations. Il doit aussi faire en sorte que son indépendance soit maintenue durant toute coopération avec l’avocat en finalisant son rapport, pour éviter toute impression d’irrégularité qui donnerait lieu à une plus large renonciation aux documents protégés par privilège.

Conclusion

Les évaluateurs doivent comprendre les règles du privilège juridique et la façon dont elles entrecroisent leurs obligations éthiques de confidentialité envers leurs clients, de même que les obligations de produire et divulguer les documents lorsqu’ils participent à une action en justice.

En préparant une analyse d’évaluation en dehors de l’action en justice, les évaluateurs peuvent présumer que leur travail demeurera confidentiel, à moins que le client n’autorise sa publication à une tierce partie. En rédigeant un rapport d’évaluation lors d’une action en justice, toutefois, l’évaluateur doit savoir quelles informations, le cas échéant, qui lui sont fournies, de même que leur analyse, leurs conclusions et le rapport, peuvent créer un privilège juridique. Le privilège gouvernant sera révoqué une fois que le rapport ou l’analyse d’évaluation est utilisé(e) dans le litige. À ce moment-là, le gros de son dossier ne sera plus privilégié et deviendra produisible dans le déroulement ordinaire de l’action en justice.

Cette renonciation s’appliquera à l’‹ information de base › utilisée par un évaluateur pour former son opinion d’expert. Les évaluateurs doivent faire preuve de prudence et conduire leurs affaires en pensant à la possibilité que des portions importantes de leur dossier puissent être produites dans le cadre d’un litige. On recommande de prendre trois précautions si cela devait être le cas, soit :

  1. Informer clairement le client des obligations potentielles de production liées au dossier d’évaluation au début de leur relation, afin qu’il soit conscient de la production possible des documents du dossier et des limites correspondantes du devoir de confidentialité de l’évaluateur envers le client;
  2. Éviter les demandes, l’acceptation et, plus particulièrement l’utilisation des documents ou des communications qui pourraient être préjudiciables ou embarrassantes pour l’analyse de l’évaluateur si elles devaient être produites et divulguées; et
  3. Tenter de maintenir des dossiers clairs et exhaustifs des observations, notes, communications et documents afin que le contenu du dossier, s’il est produit, apparaisse dans son propre contexte et montre bien que l’analyse d’évaluation est équitable.