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L’effet préjudiciable et corridors de LTHT

Évaluation immobilière au Canada

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2016 – Volume 60 – Tome 1
L’effet préjudiciable et corridors de LTHT
Daniel Doucet, Norris Wilson, Paul Bender

Une étude de quantification de la perte de valeur liée à l’expropriation

Introduction

En 2007, le groupe Altus a entrepris une étude des effets préjudiciables (perte de valeur du reste d’une propriété après son découpage par expropriation) relatifs à la ligne de transmission de renforcement de 500 kV entre Bruce et Milton, en Ontario. Cette étude a conclu que les propriétés concernées n’avaient subi qu’une perte de valeur nominale. En 2011, Altus entreprit encore une fois une étude pour confirmer, modifier ou réfuter l’hypothèse originale en matière d’effet préjudiciable. Une équipe de quatre évaluateurs et de deux analystes membres du personnel fut constituée pour mener une vaste étude portant sur plus de 70 propriétés le long de quatre corridors de transmission d’électricité en Ontario. Les résultats de cette étude furent mis à l’épreuve dans le cadre d’une série d’audiences d’arbitrage en 2013 et ont connu un succès considérable.

Bilan négatif ou positif? Une revue de la littérature et de la jurisprudence

La possibilité de l’incidence négative sur la valeur d’une propriété que peuvent avoir des lignes de transmission de haute tension (LTHT) a fait l’objet d’un débat chez les évaluateurs immobiliers, les ingénieurs en environnement et les avocats et fait souvent l’objet de poursuites en cour et devant les tribunaux. Parallèlement à notre analyse de propriétés concrètes, nous avons procédé à une revue de la littérature portant spécifiquement sur les termes « analyse des ventes appariées » et « analyse de régression multiple ».

On définit l’analyse des ventes appariées comme la technique consistant à sélectionner des données sur les ventes de propriétés affectées par la présence d’une LTHT, ainsi que les ventes de propriétés semblables non affectées, et à mesurer la variance des prix de vente entre données appariées. Cette technique vise à dégager l’effet sur la valeur d’un attribut donné. Nous avons trouvé très peu de documentation publiée ayant eu recours à l’analyse des ventes appariées pour déterminer toute perte de valeur d’une propriété attribuable à la présence d’une LTHT.

L’analyse de régression multiple, par laquelle un certain nombre de ventes de propriété sont étudiées en comparaison des ventes dans une zone “témoin” et dont la signification statistique est analysée et testée par rapport à des variables, est dénoncée par certains comme inutile à cause de la nature hétérogène de l’immobilier.

Notre revue a révélé les opinions que, étant donné que tellement de facteurs affectent la valeur d’une propriété, l’influence d’une LTHT peut ne jouer qu’un rôle mineur. Par conséquent, les résultats d’une analyse tant statistique que mathématique sont erratiques. Plusieurs importantes questions ont fait surface dans la littérature consultée, y compris la nature du parcours de la LTHT traversant une propriété entraînant des dommages résultants de la séparation; la taille des propriétés affectées qui pourrait dicter la proximité aux lignes; la dégradation visuelle causée par la présence du corridor et de l’infrastructure associée; et, inversement, l’opinion que le grand espace ouvert crée par le corridor LTHT pourrait avoir une incidence positive sur la valeur de la propriété (bien que ce facteur ne serait déterminant que pour les propriétés urbaines ou suburbaines).

Divers chercheurs et auteurs continuent de contester les résultats de l’analyse du marché, mais tous sont d’accord que le parcours spécifique d’un corridor LTHT, sa proximité des aménagements et son effet sur le panorama sont des notions importantes dans la détermination de l’effet global d’une LTHT sur la valeur d’une propriété.

Nous avons aussi effectué une revue des rapports d’indemnisation foncière afin de déterminer le degré de succès qu’ont connu les propriétaires fonciers réclamant une indemnisation pour perte de valeur de leur propriété attribuable à une LTHT. Les propriétaires ont connu un certain succès en faisant valoir l’effet négatif sur leurs maisons et exploitations agricoles, mais moins de succès en ce qui touche les terrains vacants et non améliorés. L’infrastructure d’une LTHT peut avoir des répercussions négatives sur les exploitations agricoles, mais aucune preuve n’existe pour appuyer une revendication voulant qu’une LTHT puisse rendre une entreprise agricole non rentable; toute perte de valeur des terres restantes est nominale, se situant à moins de 5 %.

Il est important d’aborder la perception que les champs électromagnétiques (CEM) peuvent avoir un effet sur la santé des humains et des animaux, comme un facteur dans les perceptions de valeur d’une propriété. Santé Canada a étudié cette affaire et a déterminé qu’il n’existe aucune preuve concluante de tort résultant de l’exposition à un CEM, y compris les emplacements à l’extérieur des limites d’un corridor de ligne de transmission. Quoi qu’il en soit, la peur d’effets nocifs sur la santé peut avoir un effet sur le comportement des participants au marché et demeure l’un des ensembles de facteurs qui peuvent affecter la valeur des propriétés.

Une autre partie de notre revue a consisté à interviewer des parties intéressées. Nous avons mené des entrevues auprès de professionnels de l’immobilier — huit courtiers et cinq évaluateurs. Leur opinion était qu’une traversée au milieu ou en diagonale avait un plus grand effet sur la valeur que les autres types d’empiètement et que la proximité était un facteur important pour les propriétés résidentielles rurales. L’impact a été estimé à 10-20 % par les courtiers qui ont déclaré également que la durée de marketing d’une propriété affectée pourrait être le double de la normale. Les évaluateurs ont indiqué qu’ils rajustent normalement de 3-5 % vers le bas pour les propriétés résidentielles adjacentes à une infrastructure de LTHT. La perception de la perte de valeur d’une propriété semble être qualitative sans appui direct du marché.

Une étude de 10 ans de données

Afin d’étudier à fond la relation entre la LTHT et la valeur d’une propriété, nous avons décidé que l’approche par analyse des ventes appariées était pertinente. Nous avons relevé les ventes survenues dans les 10 années précédentes de propriétés qui étaient traversées ou longées par une ligne de transmission de haute tension. Nous avons rajusté en fonction de différences telles la date de la vente, la nature et l’âge des améliorations, la qualité et les caractéristiques du sol (boisé ou arable) et la taille de la parcelle. Ce processus a servi à améliorer la comparabilité des propriétés non voisines d’une LTHT avec les propriétés en objet de manière à ce que les différences de valeurs restantes puissent être clairement attribuées à la présence de la ligne de transmission.

Quatre lignes de transmission en Ontario ont été étudiées : de Bruce à Milton; de Darlington à Lennox; de Lennox à Ottawa; et au su de la baie Georgienne. En tout, 77 ventes de propriété près de ces lignes ont été identifiées. Les données de transaction furent obtenues de GeoWarehouse® et les renseignements sur la classe de propriété et ses améliorations furent obtenus de la Société d’évaluation foncière des municipalités (SEFM). Aucune de ces transactions n’impliquait l’autorité expropriante.

Pour chaque vente ‘en ligne’ (c.-à-d., sur la ligne de transmission), nous avons effectué une recherche dans le canton au moyen de propertyline™ de la SEFM afin de trouver des ventes de type similaire, en limitant la plage de dates à environ 18 mois avant et après la date de la vente de la propriété en objet. Cette recherche fut aussi raffinée à plus ou moins 200 000 $ du prix de ventes de la propriété en objet. Les ventes ainsi dégagées furent ensuite documentées sur GeoWarehouse afin de confirmer les détails et les noms des parties; chacune fut repérée sur des cartes décrivant le type de sol et le zonage, le cas échéant. Les rapports de propriété de la SEFM fournirent des détails sur le type, la taille et l’âge des améliorations.

Seules les propriétés vendues qui possédaient des attributs semblables à ceux des propriétés en objet furent analysées; entre un et six appariements furent analysés pour un total de 210 propriétés non voisines de corridors de ligne de transmission.

Résultats par ligne de transmission

Les résultats variaient légèrement pour chaque corridor de transmission : pour celui de Bruce à Milton, l’incidence sur la valeur de la propriété chutait rapidement avec la distance, se situant entre 0 et 5 %
à 1 000 pieds; Darlington à Lennox était similaire, l’incidence nominale étant définie comme (

Pour les situations de lignes multiples, les données ont montré la même relation inverse entre la perte de valeur de la propriété et sa distance de la ligne de transmission, ce qui était d’autant plus significatif parce que la plupart des propriétés étudiées étaient affectées par deux traversées côte à côte. L’impact sur la valeur n’est pas différent des cas de traversée unique : laissant supposer que les impacts ne sont peut-être pas cumulatifs. Toutes les lignes étudiées furent construites au cours des années 1980, ce qui suggère également que le temps est un facteur dans la perception de valeur du marché.

Incidences selon le type de propriété

Propriété résidentielle rurale – les appariements pour ce type de propriété ont démontré le plus fort impact négatif. Les propriétés sont plus petites (moins de 20 acres), de sorte que les améliorations sont plus près des lignes de transmission. Les variances étaient attribuées à la dissimulation, l’emplacement des tours et à la distance réelle de la ligne. Sur le plan positif (pour les propriétés urbaines, suburbaines), les lignes fournissent un espace vert.

Terrain vacant – trois catégories ont été analysées : agricole, à potentiel de construction résidentielle et terrain de « ceinture blanche » (futur aménagement résidentiel). Les résultats ont fait ressortir que, dans les zones urbaines/suburbaines, les terrains industriels vacants (sur la ligne de Bruce à Milton) étaient les moins affectés par une LTHT. Les promoteurs immobiliers interviewés ont déclaré ne pas vois une ligne de transmission comme un obstacle à la valeur quand la période de détention étant longue, de 15 à 20 ans par exemple.

Dans les zones rurales, l’analyse a montré qu’une terre agricole vacante était la moins affectée par une LTHT, alors que les terrains à potentiel résidentiel rural et les propriétés résidentielles rurales étaient les plus vulnérables à cause des courtes distances d’espacement. Les terrains dans les ceintures blanches n’étaient pas affectés.

Incidence selon le type de traversée

Il existe cinq types de traversées : accroc sur un côté ou sur un bord; diagonale; au milieu; à l’arrière; sur le côté. Dans notre étude, seules les traversées en diagonale et à l’arrière présentaient assez de cas pour constituer un échantillon utilisable. Notre hypothèse était qu’une traversée en diagonale aurait plus d’impact sur la valeur qu’une traversée à l’arrière.

L’analyse a confirmé que l’impact d’une traversée à l’arrière devient nominal à une plus courte distance (1 100 pieds) qu’une traversée en diagonale (2 000 pieds). À 500 pieds, la ligne diagonale peut causer une perte de valeur qui est 30 % plus élevée que ne l’est une traversée à l’arrière. Les données étaient limitées pour les autres types de traversée, mais il semble que les traversées au milieu avaient moins d’impact que les traversées en diagonal, alors que les traversées sur le côté et les accrocs sur un côté et sur un bord un impact sur la valeur semblable aux traversées à l’arrière.

Conclusions

À l’issue d’une analyse détaillée, on peut conclure qu’il existe une étroite relation entre l’espacement et les effets préjudiciables. L’incidence se manifeste surtout sur les propriétés avec améliorations et la perte de valeur est moins forte dans les grands biens fonciers. On n’a observé qu’un trouble de jouissance nominal ou une perte de valeur minime pour les propriétés grandes, vacantes ou améliorées par suite de la proposition d’ajouter une seconde ligne de transmission de 500kV.

De plus, nous avons conclu que : différents types de traversées du corridor LTHT peuvent avoir une incidence sur l’utilité d’une propriété, à différents degrés; le placement de la LTHT peut affecter l’efficacité des exploitations agricoles lorsque les lignes traversent des zones en culture; le marché a une perception négative des LTHT situées à proximité des améliorations pour résidences rurales et fermes d’agrément; les lignes de transmission peuvent constituer une intrusion visuelle sur une propriété, diminuant ainsi la jouissance du propriétaire de son bien. Cependant, dans le cas de propriétés résidentielles en milieu urbain ou suburbain, l’espace vert des lignes peut être perçu comme un facteur de valeur positif.

En nous fondant sur les données analysées, nous concluons que les pertes de jouissance se situent entre un maximum de 25 % pour les propriétés relativement près des lignes de transmission et une moyenne nominale de 3,47 % à une distance entre 1 000 à 2 000 pieds et de 3,1% pour les propriétés situées à une distance de 2 000 pieds ou plus.

En ce qui a trait à l’approche cherchant à évaluer les effets préjudiciables résultant d’une for LTHT, il est évident que des évaluations cas par cas sont requises pour établir avec précision l’impact spécifique d’une LTHT sur la valeur. Les résultats de l’analyse statistique sont non concluants; par conséquent, une analyse d’ensemble des propriétés est plus utile que la simple application d’un facteur dérivé mathématiquement.

Les auteurs sont tous directeurs principaux de la Division de recherche, évaluation et consultation du groupe Altus. www.altusgroup.com