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LETTRES DE FIABILITÉ : songez aux risques

Évaluation immobilière au Canada

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2016 – Volume 60 – Tome 3
LETTRES DE FIABILITÉ : songez aux risques
Scott McEwen, Nathalie Roy-Patenaude

Une adaptation du  Bulletin d’excellence professionnelle par
Scott McEwen, AACI, P.App et Nathalie Roy-Patenaude, AACI, P.App

On demande souvent aux membres de l’Institut canadien des évaluateurs (ICE) d’autoriser une partie autre que celle(s) prévue(s) à la fin du contrat de service à utiliser leur rapport d’évaluation. Ce peut être un prêteur qui demande l’autorisation d’utiliser le rapport d’évaluation à des fins de souscription, alors que le rapport avait été initialement préparé pour le propriétaire ou un prêteur différent; un rapport initialement préparé pour des fins matrimoniales et une partie veut utiliser celui-ci pour obtenir un refinancement (ou vice versa); un rapport initialement préparé pour financer le règlement d’une succession… la liste de possibilités est sans fin.

Une lettre de fiabilité est un prolongement du rapport original, alors qu’un rapport transmis à un tiers peut toujours mener au dépôt d’une éventuelle réclamation, sans parler des chances d’une réclamation de la part du client original dans le cas d’un manquement au devoir
de confidentialité.

Les membres de l’ICE peuvent :

  • émettre par écrit unelettre de fiabilité autorisant un tiers à utiliser/compter sur le rapport, avec le consentement du client original et la libération du premier utilisateur prévu;
  • produire un nouveau rapport pour un nouveau client et un nouvel utilisateur prévu, pourvu qu’il n’y ait pas de conflit d’intérêts et que l’utilisation prévue du rapport original ait été réalisée; ou
  • refuser la demande (sans avoir à en donner les raisons, puisque cela pourrait occasionner un manquement au devoir de confidentialité requis dans le contrat de service original).

Produire un nouveau rapport ne sera peut-être pas nécessaire si le rapport initial répond aussi aux exigences du nouvel utilisateur prévu. Par exemple, il s’avère raisonnable de prévoir qu’un rapport élaboré pour un client (propriétaire) dans le seul but d’obtenir son prêt hypothécaire de premier rang sera utilisé par un éventuel prêteur, identifié par son nom, en supposant que l’envergure des travaux du rapport original respecte les dispositions du nouvel utilisateur prévu et du prêteur. Il est important de s’assurer que cette nouvelle partie soit informée des considérations particulières, hypothèses, etc., prises en compte pour tirer les conclusions relatives à la valeur. Bien qu’on s’attende à ce que ces éléments soient expliqués en détail dans le rapport, ce dernier peut contenir des hypothèses qui devraient être clairement décrites dans la lettre de fiabilité.

Pratiques exemplaires suggérées : questions à poser

  • À qui appartient le rapport original ?
    Si le demandeur ou un tiers a payé pour le rapport, mais que la banque est le client, à qui appartient le rapport ?
    Réponse : Si la banque est le client, le rapport lui appartient, peu importe qui a payé pour celui-ci. Le client est la personne ou l’organisation à qui le membre rend des services professionnels.
  • Qui a été autorisé à utiliser le rapport original ?
    Réponse : La partie identifiée par son nom dans votre rapport est l’utilisateur prévu. Ce pourrait être votre client, qui est habituellement l’utilisateur prévu.
  • Votre premier client a-t-il fourni une copie de votre rapport, sans votre autorisation, à un nouvel ou à un différent utilisateur prévu ?
    Réponse : Dans ce cas, vous devez contacter votre client pour savoir si le premier utilisateur prévu désire encore utiliser le rapport original. Le cas échéant, la nouvelle partie ne peut prendre connaissance du rapport, encore moins utiliser celui-ci. Sinon, vous devez confirmer que l’utilisation prévue du rapport d’évaluation original a été réalisée, conformément au commentaire 7.2.1.1 de la Norme relative aux activités d’évaluation de biens immobiliers, c.-à-d. obtenir une libération du client par écrit (et si cela est indiqué/nécessaire pour fins de clarté, de la part du premier utilisateur prévu), à l’effet que le premier utilisateur prévu n’utilise plus le rapport original. Le but est de s’assurer que seulement une partie ou un utilisateur prévu utilise le rapport. Il est important que l’évaluateur connaisse les risques.
  • À quelle date le rapport original a-t-il été produit (date du rapport) ? Le passage du temps est une considération clé. La condition et l’utilisation du bien immobilier, les conditions du marché, etc., ont-elles changé depuis que le rapport a été effectué ?
    Réponse : Il est conseillé d’indiquer au nouveau client éventuel les dates associées au rapport original, qu’il s’agisse de la semaine dernière, du mois dernier ou de l’année dernière, pour s’assurer qu’il comprenne que la valeur s’applique seulement à compter de la date d’entrée en vigueur et qu’elle a été déterminée en fonction des données mises à la disposition de l’évaluateur à la date du rapport et conformément aux dispositions du client. Différents contrats de services peuvent dicter différentes dates en vigueur; ainsi, l’évaluation originale peut ne pas convenir aux exigences du tiers. Par ailleurs, plus le rapport est vieux, moins il sera pertinent aux yeux du tiers et il n’est pas déraisonnable pour vous de juger la pertinence et la fiabilité du rapport à la lumière des circonstances particulières. L’utilisateur éventuel doit bien savoir que, depuis l’évaluation, d’importantes modifications ont peut-être été apportées au bien immobilier, ce qui pourrait avoir une grande incidence sur la valeur estimée courante. À titre d’auteur du rapport, vous avez le droit de refuser l’utilisation du rapport par un tiers.
  • Si le rapport a été préparé pour des fins de financement, pourquoi le premier prêteur/utilisateur prévu a-t-il refusé la demande de prêt hypothécaire ?
    Réponse : Si le bien immobilier de l’emprunteur représente un risque de non-paiement aux yeux d’un prêteur, le rapport risque alors d’entraîner une réclamation ultérieurement déposée par un prêteur moins vigilant.
  • Le tiers possède-t-il une copie complète du rapport ?
    Réponse : Mettez toutes les chances de votre côté en fournissant au tiers une copie du rapport.

Plusieurs parties ignorent que l’utilisation et la distribution d’un rapport sont limitées et que seul l’utilisateur prévu identifié dans le rapport, ou dans une lettre de fiabilité, peut utiliser ses conclusions.

Réfléchissez aux situations suivantes

Exemple 1 :Un courtier hypothécaire (le client original) contacte l’évaluateur pour obtenir une lettre de fiabilité concernant un bien immobilier récemment évalué. Le courtier hypothécaire demande également à l’évaluateur de commenter la valeur marchande plus élevée à cause d’autres lots qui ont été développés, ajoutant donc des lots à la subdivision résidentielle. « Veuillez simplement indiquer dans le rapport de fiabilité la valeur plus élevée créée par les lots supplémentaires développés. »

Que devrait faire l’évaluateur ?

  • Il faut d’abord comprendre tous les éléments du dossier et savoir ce qui s’est passé depuis que vous avez produit le rapport. Quand le passage du temps est un facteur à considérer, demandez pourquoi le financement du bien immobilier n’a pas été accordé.
  • Demandez à votre client de vous fournir toute l’information pertinente sur la nouvelle envergure du développement. Toute nouvelle disposition modifiera la portée du contrat de service original et elle constituerait un nouveau contrat de service, requérant donc un nouveau rapport.
  • Si votre client consent à émettre la lettre de fiabilité, mais que les circonstances entourant la question vous rendent inconfortable, à titre d’auteur et de personne responsable du rapport, vous avez le droit de refuser la demande.
  • Versez à votre dossier de travail toutes les communications (verbales et écrites), en prenant soin de les horodater, dans l’éventualité où un tiers non autorisé décide d’utiliser votre rapport.

Dans ce cas, l’évaluateur a refusé la demande. La semaine suivante, un prêteur secondaire a téléphoné à l’évaluateur pour lui poser des questions sur la lettre de fiabilité qu’il avait reçue. L’évaluateur a découvert que le courtier hypothécaire avait rédigé une fausse lettre de fiabilité, forgé sa signature et changé la valeur du bien immobilier. La diligence raisonnable du prêteur non méfiant a permis d’exposer le stratagème frauduleux, le financement a bien sûr échoué et l’évaluateur a rapporté la fraude aux autorités.

Exemple 2 :          

Le banquier B, qui n’est pas le client original, téléphone à l’évaluateur : « Pouvez-vous m’envoyer une lettre de fiabilité concernant la récente acquisition d’un bien immobilier que vous avez évalué il y a un an et demi, je vous prie ? Nous en avons besoin pour financer le nouvel acheteur. »

Faits :

  • Rapport original : le client original est l’ancien propriétaire/vendeur; l’utilisation prévue était le financement d’une première hypothèque.
  • Dix mois plus tard, le bien immobilier est vendu, et l’acheteur est un ami de l’évaluateur.

Que devriez-vous faire ?

L’évaluateur a refusé de rédiger la lettre de fiabilité, pour les raisons suivantes :

  • Les conditions du marché ont changé depuis la production du rapport original.
  • Dans le rapport original, l’utilisation du bien immobilier n’était pas considérée comme durable à long terme; le nouveau rapport devrait donc établir une autre utilisation optimale.
  • Client différent
  • Utilisateur prévu différent
  • Un conflit d’intérêts ou une apparence de conflit d’intérêts peut entrer en considération.

Pour une lettre de fiabilité, il peut sembler que les seuls coûts sont associés à la rédaction de la lettre. Cependant, le rapport original comportera désormais de plus grands risques de réclamation, car plusieurs groupes ou individus l’auront peut-être utilisé. Pensez au temps qu’il faudra pour revoir le dossier afin d’évaluer la demande, par exemple pour examiner le rapport et le dossier de travail et pour faire des appels téléphoniques au sujet de la demande.

Le risque lié à la responsabilité a un coût, qui devrait entrer dans chaque service professionnel rendu et correspondre au risque posé par le travail. Si des travaux de 15 minutes viennent vous hanter sous la forme d’une réclamation en matière de responsabilité, le temps consacré à sa défense dépassera largement le coût des travaux initiaux.

Références aux lettres de fiabilité dans les NUPPEC 2016

  • Qualifications (commentaire 5.5 de la Norme relative aux questions d’éthique); Date réelle (commentaire 7.6 de la Norme relative aux activités d’évaluation de biens immobiliers); et Client et utilisateurs prévus (Notes relatives à la pratique 16.12.6, 16.12.8 et 16.12.9).
  • Exemple de lettre de fiabilité (Note relative à la pratique 16.12.9).

Vous pouvez adresser vos questions sur les enjeux de pratique professionnelle à Nathalie Roy-Patenaude, directrice-conseillère en pratique professionnelle de l’ICE, à .