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Options de politiques pour l’évaluation des terres agricoles en Alberta

Évaluation immobilière au Canada

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2017 – Volume 61 – Tome 1
Options de politiques pour l’évaluation des terres agricoles en Alberta
Jeff Nutting, AACI, P.App

Par Jeff Nutting, AACI, P. App., AMAA. Jeff exerce la profession d’évaluateur depuis plus de 20 ans et il est présentement chargé de cours au Grande Prairie Regional College, en Alberta.

Politiques actuelles

L’Alberta connaît aujourd’hui des circonstances économiques difficiles, en raison d’une baisse des prix mondiaux du pétrole. Avec, en plus, le changement de gouvernement survenu dans la province, il faut maintenant réexaminer le secteur public et son financement. En 2016, Alberta Municipal Affairs a révisé sa Municipal Government Act, dont une section décrit les procédures et les normes d’évaluation des biens immobiliers agricoles.

Actuellement, les municipalités de l’Alberta sont gouvernées par la Municipal Government Act. L’évaluation des biens immobiliers par les municipalités est décrite dans la Partie 9. Les évaluations de biens immobiliers autres que les biens immobiliers linéaires sont préparées par les municipalités. En vertu de MGA 297(1), les évaluateurs doivent ranger les biens immobiliers évalués dans différentes classes, dont l’une, la classe 3, regroupe les terres agricoles. Une terre agricole se définit comme une terre utilisée pour des activités agricoles, tel que défini dans le règlement. De plus, les bâtiments agricoles sont exemptés de l’évaluation, selon 298 (1) (y). En vertu de 322 (1), le ministre peut prescrire un règlement définissant les activités et les bâtiments agricoles, ainsi que la mesure dans laquelle les bâtiments agricoles peuvent être évalués. Selon 322.1 (1), le ministre donne des directives d’évaluation pour les terres agricoles de l’Alberta. Selon 354 (1), c’est la municipalité qui fixe le taux d’imposition sur une évaluation. Ce taux d’imposition peut varier en fonction des classes d’évaluation.

En vertu d’un autre règlement, Matters Relating to Assessment and Taxation Regulation, un bâtiment agricole en Alberta est défini comme une amélioration autre qu’une maison dans la mesure où il sert à des activités agricoles. Les activités agricoles sont définies comme l’élevage, la production et la vente de produits agricoles. Cela comprend la production de porc, de bœuf et de bison, de même que les gazonnières. Un bien immobilier réglementé inclut une terre où la norme d’évaluation est la valeur d’utilisation agricole. Si une parcelle sert à des activités agricoles, alors la norme d’évaluation doit être la valeur d’utilisation agricole. Les Alberta Farm Land Assessment Minister’s Guidelines déterminent cette valeur d’utilisation agricole. S’ils sont évalués, un bâtiment agricole ou une terre où l’on fait de l’agriculture, par exemple dans une ville ou un village, doivent être évalués en considérant leur valeur pour les activités agricoles.

En Alberta, la plupart des maisons de ferme et des améliorations sont exemptées, en tout ou en partie. Les évaluations agricoles sont faites par des évaluateurs locaux. La date d’évaluation est fixée au 1er juillet de l’année précédente. Les terres agricoles en Alberta sont évaluées selon leur capacité à produire des revenus en élevant du bétail ou en produisant des récoltes, conformément au Guide to Property Assessment and Taxation in Alberta.

Les Alberta Farm Land Assessment Minister’s Guidelines décrivent comment les terres agricoles doivent être évaluées en termes précis, ce qui donne une valeur d’utilisation agricole. Selon Municipal Affairs, les tarifs des terres agricoles ont été révisés et mis à jour pour la dernière fois en 1994.

L’évaluation des terres agricoles se fait en quatre étapes. Avec l’Annexe A, on attribue une valeur initiale à une parcelle de terre agricole. Cela donne des valeurs annuelles de base de 350 $ l’acre pour une terre arable sèche ou une terre de parcours sèche, 450 $ l’acre pour une terre arable irriguée, et 135 $ l’acre pour une terre à bois. On multiplie ce montant par un modificateur d’année d’évaluation, qui se trouve à l’Annexe B. Pour tous les types de terre, depuis avant 1995, il est demeuré au numéro 1,00 ou, si c’est une terre arable irriguée, à 1,03. Cela donne une évaluation optimale des terres agricoles.

Par la suite, on applique une cote de facteur finale, conformément à l’Annexe C. Les facteurs à utiliser pour cette fin se trouvent à l’Annexe 7 de l’Alberta Assessment Manual de 1984. Dans l’Annexe 7, on apporte des ajustements pour les facteurs comme les types de sol, incluant leur profondeur, sous-sols, classe de texture et classe topographique. L’Annexe 7 prévoit également des ajustements pour ces éléments : pierrosité des terres; isolement et séparation des terres; couvert arboré; ravins et sols alcalins; érosion; inondations; risque de gel; catégorie climatique; et terres cultivées en zones de buissons. Pour les terres de parcours, des ajustements sont apportés pour la capacité de charge des terres. Les terres à foin sont ajustées par zone et association végétale. Les ajustements de l’Annexe 7 engendrent des ajustements à la baisse pour divers enjeux agricoles moins qu’optimaux. On multiplie le nombre d’acres dans la parcelle de chaque catégorie de type de terre par le facteur dérivé, puis on additionne toutes les catégories de la parcelle pour obtenir sa valeur d’utilisation agricole.

Enfin, avec l’Annexe D, un facteur de notation est appliqué pour la distance séparant la parcelle d’un centre de services agricoles. Les facteurs d’ajustement vont de 1,4 pour les très grandes villes à 1,03 pour les villages dans une région relativement grande. On applique aussi des facteurs reflétant l’accès routier.

Révisions de l’évaluation en Alberta

Depuis plusieurs années, les gens demandent que l’on réforme ou améliore l’évaluation agricole. En 1998, les législateurs de l’Alberta (MAL) ont examiné l’évaluation agricole dans la province. Leur rapport demandait une corrélation juste et équitable entre l’évaluation des biens immobiliers réglementés et non réglementés, ainsi qu’une meilleure définition de l’activité agricole. Seuls les biens immobiliers répondant à cette définition plus restrictive seraient évalués comme terres agricoles. Le rapport demandait aussi que les terres à bois soient considérées comme des terres agricoles et que la valeur d’utilisation agricole soit mise à jour pour assurer qu’elle rencontre les conditions actuelles du marché. On craignait que l’évaluation des terres agricoles repose principalement sur la production des plantes de grande culture. L’agriculture intensive (p. ex., volaille ou bétail en espace fermé), avec une moins grande assise terrestre, mais plus d’améliorations, peut entraîner le paiement de taxes foncières différentes, même si les activités ont la même rentabilité ou le même capital investi. Le rapport recommandait que les municipalités qui le souhaitent puissent conserver la taxe d’affaires sur les activités agricoles. Le rapport recommandait en outre que les municipalités puissent appliquer des taux d’imposition différentiels aux biens immobiliers agricoles, selon le type d’activité agricole.

En février 2002, les MAL ont rédigé un rapport final, qui recommandait de mettre à jour le système de cotation de la productivité pour l’évaluation des terres agricoles. En particulier, les taux de base servant à déterminer la valeur productive devaient être mis à jour avec des modificateurs régionaux, afin de refléter les différences régionales qui existent dans les terres agricoles de l’Alberta. On a suggéré qu’un plan à long terme pourrait être élaboré pour examiner et ajuster les classifications de productivité sur les terres agricoles à des intervalles appropriés. Le rapport indiquait que les présentes évaluations de terres agricoles étaient insensibles aux facteurs de marché. De plus, il recommandait d’abaisser les taxes foncières des terres protégées. Pour tenir compte des activités agricoles avec plusieurs bâtiments par rapport à des activités sur une grande terre, il recommandait d’adopter la notion de superficie au sol. Les bâtiments agricoles dans la méthode employée pour les activités intensives seraient évalués, mais pas exemptés. Le rapport recommandait qu’aucune taxe d’affaires ne soit appliquée aux activités agricoles, mais que des sous-classes différentielles pour les taux d’imposition pourraient s’appliquer aux différentes catégories de terres agricoles.

Qui plus est, en 1998, l’Environmental Law Centre a fait des commentaires sur le MLA Farm Assessment Review Committee. Le Centre recommandait que la législation permette l’utilisation des zones de conservation ou zones naturelles sans pénaliser les propriétaires pour l’évaluation de leur valeur marchande. Par exemple, des terres prendraient beaucoup de valeur si elles étaient développées. Utiliser la valeur marchande évaluée signifierait être taxé sur le développement potentiel d’une parcelle de terrain. Ainsi, les propriétaires seraient incités à développer le terrain, plutôt qu’à le laisser à l’état naturel. Le Centre a également demandé qu’on élabore une législation limitant le pouvoir d’un évaluateur de traiter des portions d’une parcelle avec l’évaluation de sa valeur marchande. Par exemple, une portion de parcelle servant à la production agricole aurait les avantages de la valeur d’utilisation agricole, tandis que le reste pourrait être traité à la valeur marchande s’il était laissé à l’état naturel. Par conséquent, le Centre a demandé des zones de conservation naturelles, avec des zones différentielles à traiter entièrement sous la norme d’évaluation pour utilisation agricole. Cela encouragerait la préservation des zones de conservation naturelles, comme pour les utilisations agricoles.

L’article indiquait qu’une terre protégée pourrait se définir comme un bien immobilier agricole s’il ne servait pas à l’agriculture et si, durant les deux années précédant l’année de référence applicable, elle n’était pas développée mais laissée à l’état naturel. Le Centre recommandait qu’une retenue de recettes fiscales s’applique aux promoteurs qui changent l’utilisation de ces terres protégées. De même, en employant des évaluations de conservation privilégiées, les municipalités pourraient influencer les propriétaires fonciers à conserver des zones naturelles. Comme méthode de rechange, les terres protégées pourraient être estimées à la valeur marchande, mais ensuite bénéficier d’un taux par mille privilégié plus bas. Ce système pourrait également prévoir une retenue de recettes si l’on développait le terrain plus tard. Ou les terres protégées pourraient être évaluées à l’aide d’une nouvelle norme d’évaluation de la conservation. Des trois méthodes, l’article indiquait que la valeur d’utilisation agricole est la façon simple et efficace privilégiée de traiter les terres protégées. Le rapport recommandait encore une fois d’imposer une législation de retenue aux spéculateurs qui utilisaient l’évaluation des terres protégées pour obtenir une évaluation privilégiée inférieure au marché réglementé.

En 2010, l’Alberta Urban Municipalities Association (AUMA) a fait des recommandations au Task Force on Property Assessment. Aucune ne concernait l’évaluation des terres agricoles. Même si elle demandait une évaluation de la valeur marchande, elle excluait les terres agricoles visées par la clause 17. En 2012, dans un document d’orientation intitulé Changes to Property Assessment and Taxation, l’AUMA demandait l’évaluation des bâtiments et des activités agricoles à la valeur marchande. Plus spécifiquement, elle demandait l’évaluation des terres agricoles et des maisons de ferme à la valeur marchande.

En juin 2014, l’AUMA a fait une soumission au processus de révision de la MGA de l’Alberta. Elle indiquait que les municipalités albertaines peinaient à financer le coût des infrastructures nécessaires, en raison de la croissance de la province. Pour recevoir un financement municipal supplémentaire, elle indiquait un besoin d’élargir l’assiette fiscale municipale. La soumission recommandait que le système d’évaluation et d’imposition soit refondu pour le rendre ouvert, transparent et équitable. Elle demandait une évaluation à la valeur marchande pour toutes les formes de biens immobiliers pour assurer l’équité. Elle demandait de revoir les exonérations d’impôt pour assurer qu’elles produisent les résultats escomptés. L’AUMA demandait de plus le partage régional des taxes foncières sur les biens immobiliers linéaires.

En 2016, Alberta Municipal Affairs publiait sa proposition d’une Municipal Government Act modernisée. Le ministère indiquait que le système d’évaluation linéaire demeurerait en place. Pour assurer la stabilité, la nouvelle Loi continuera d’évaluer les terres agricoles à l’aide des taux de productivité agricole. On propose que les maisons de ferme continuent de bénéficier d’une exemption partielle.

Évaluation des terres agricoles comparativement à la vente de terres agricoles

Afin d’analyser l’efficacité du présent système d’évaluation des terres agricoles en Alberta, on a examiné les ventes de terres agricoles et leurs évaluations dans le comté de Grande Prairie, dans le nord-ouest de l’Alberta. On a divisé les valeurs d’évaluation des terres agricoles par leurs prix de vente, pour voir si l’estimation de la valeur agricole prédominante en Alberta reflète les ventes réelles de terres agricoles. Les ventes ont eu lieu sur des biens immobiliers agricoles avec terrain seulement vendus dans le comté de Grande Prairie de 2011 à 2012. Les terres vendues n’avaient pas de bâtiments et, dans certains cas, n’étaient pas entièrement cultivées. Nous pouvons diviser les indices en deux groupes, d’abord les ventes adjacentes urbaines, puis les ventes basées surtout sur la valeur agricole faites à l’extérieur du centre urbain de Grande Prairie.

Le premier groupe de ventes concernait des superficies dépassant 150 acres et se trouvaient près de la Ville de Grande Prairie. Ces ventes ont été effectuées à un niveau de prix correspondant aux terrains ayant une valeur due à leur développement potentiel à des fins résidentielles ou commerciales. Les prix de vente allaient d’environ 6 000 $ à 10 000 $ l’acre. Ces ventes de terrains à développer avaient une évaluation moyenne au rapport du prix de vente de ,026, soit généralement moins de 3 % du prix de vente.

Le deuxième groupe de 26 transactions repose principalement sur la valeur agricole, bien que, dans certains cas, on avait une utilisation potentielle comme bien immobilier résidentiel rural. Ces transactions ont eu lieu dans différents secteurs du comté de Grande Prairie, à diverses distances de la Ville de Grande Prairie. La grandeur des parcelles variait de 130 à 160 acres, et les prix de vente allaient d’environ 600 $ à 3000 $ l’acre. Les ventes avaient une évaluation moyenne au rapport au prix de vente de ,0905, soit moins de 10 % de leurs prix de vente.

On a effectué une simple régression sur ces 26 transactions, pour voir si le prix de vente pourrait être prévu au moyen de l’évaluation. Le modèle utilisait un programme Excel, qui a donné cette formule : y = 109 343 $ + 6,0087 (Évaluation). Ce modèle a donné un F de 12,47, avec un R2 de ,34. Ce R2 bas indique que le modèle peut ne pas être valide. En revanche, les tests t et F indiquaient que le modèle était valide avec des valeurs p inférieures à ,01. Donc, il n’est pas clair si l’évaluation peut servir à prévoir le prix de vente des terres agricoles. Cela peut indiquer que le modèle d’évaluation existant en Alberta n’est pas très précis pour refléter la valeur agricole des terres ou que des variables importantes n’apparaissent pas dans le présent modèle d’évaluation, comme l’utilisation non agricole de certaines terres.

Problèmes du présent système d’évaluation en Alberta avec la résolution des politiques

L’analyse des évaluations de terres agricoles effectuées dans le comté de Grande Prairie a révélé qu’elles étaient 10 % plus basses que les prix de vente réels par rapport à 2011-2012. C’était vrai non seulement pour les ventes en banlieue urbaine, mais aussi pour le deuxième groupe de ventes de terres agricoles, où l’on croyait que la majorité de la valeur reflétait l’utilisation agricole. Cela donnerait à penser que le présent modèle d’évaluation des terres agricoles en Alberta est désuet et produit des évaluations bien en-deçà de la valeur marchande réelle pour l’utilisation agricole.

Dans l’examen des tarifs des terres agricoles de l’Alberta Municipal Affairs, il semble qu’ils ont été mis à jour pour la dernière fois en 1994. En 1996, toutes les classes de biens immobiliers agricoles dans le comté de Grande Prairie ont été transférées pour 625 $ l’acre, si l’on en croit les statistiques d’Alberta Agriculture. En 2015, cette valeur avait augmenté à 2 270 $, toujours selon les statistiques d’Alberta Agriculture, ce qui donne une augmentation de 263 %. En Alberta, généralement en 1994, les ventes agricoles s’établissaient à 473 $, augmentant à 2 480 $ en 2015. C’est une augmentation de 424 %, selon les chiffres d’Alberta Agriculture. Dans son Farmland Values Report de 2015, Farm Credit indique une augmentation de 257 % des valeurs des terres agricoles, de 2005 à 2015. Pourtant, durant cette période, l’Annexe A dans les Alberta Farm Land Assessment Minister’s Guidelines n’a pas modifié les valeurs annuelles de base, pas plus que l’Annexe B n’a modifié le modificateur d’année d’évaluation. Par conséquent, l’évaluation de terres agricoles n’est pas un impôt sur la fortune efficace, car elle ne change pas avec la valeur de vente des terres agricoles au fil des ans. Il est à noter que le comté de Grande Prairie a un taux par mille plus élevé pour les terres agricoles que pour les maisons.

L’évaluation des terres agricoles inférieure aux valeurs marchandes globales peut être régressive. Tous les fermiers ne sont pas pauvres. Statistique Canada indique que la ferme moyenne en Alberta avait une valeur nette de 2 116 085 $ en 2011. Elle indique aussi que, selon le revenu net d’exploitation et d’autres revenus familiaux, la famille agricole canadienne moyenne gagnait 122 498 $ en 2013, le revenu augmentant à 134 931 $ en 2015. Si nous regardons seulement le revenu des familles agricoles en Alberta, celui-ci était de 157 154 $ en 2013, grimpant à 179 088 $ en 2015. En 2013, toujours selon Statistique Canada, le revenu familial médian était de 97 390 $ pour toutes les familles recensées en Alberta. Ainsi donc, le revenu familial médian est inférieur à celui des familles agricoles en Alberta.

Si les municipalités ne peuvent pas taxer entièrement les propriétaires de terres agricoles à la valeur marchande, elles seront peut-être tentées de combler leur besoin de revenus de taxes foncières en augmentant l’impôt des propriétaires résidentiels et commerciaux. En réalité, les fermiers sont subventionnés par des évaluations inférieures au marché, même si certains d’entre eux touchent un revenu plus élevé que le résident moyen en Alberta.

Alors que les fermes se consolident et grandissent, cet effet prendra de l’ampleur avec le temps. Présentement, certaines fermes en Alberta ont une taille dépassant 10-20 quarts de section. Quand la fiscalité foncière a des évaluations de terres agricoles bien en-deçà de la valeur marchande, ce n’est ni juste ni équitable. Nous ne pouvons pas dire que les fermiers ou les individus sont traités avec justice, en ceci que la richesse de différents groupes est taxée de façon inégale. L’évaluation des terres agricoles en Alberta a peu de rapport avec le marché actuel des terres agricoles ou avec les valeurs marchandes globales. Cela nuit à l’intégrité de la fiscalité foncière, alors que les participants ne peuvent plus voir que tous les biens immobiliers sont traités uniformément ou que les évaluations ont en fait une certaine apparence de valeurs réelles.

Les municipalités rurales de l’Alberta ont une capacité limitée d’amasser des revenus, en raison de la nature réglementaire de l’évaluation des terres agricoles fixée par le ministre des Affaires municipales. Les terrains à développer vacants d’une grande valeur ne peuvent pas être évalués à la valeur marchande s’ils sont cultivés, et les terres agricoles rurales sont évaluées bien en-deçà de la valeur marchande pour utilisation agricole. En 2016, le comté de Grande Prairie montrait une évaluation des terres agricoles de 116 536 270 $ et chargeait un taux par mille de taxes municipales de 8,2356 pour un revenu de 959 746 $. Si nous supposons que l’évaluation des terres agricoles représente 10 % de la valeur marchande pour utilisation agricole, comme on le voit dans l’analyse, alors le comté de Grande Prairie se prive de 8 637 714 $ en revenus supplémentaires qu’il aurait touché si les terres étaient évaluées à la valeur marchande agricole (1 165 362 700 @ .0082356 = 9 597 455). Il est à noter qu’il s’agit d’une municipalité rurale seulement pour un an en Alberta. C’est une analyse simpliste. Comme les revenus agricoles varient considérablement, il peut être problématique d’avoir des taxes foncières/évaluations plus élevées pour les fermiers. Quand il fait beau et les prix sont hauts, les producteurs de grains peuvent gagner beaucoup d’argent, mais l’année suivante peuvent subir du mauvais temps et un prix mondial des grains qui est bas, produisant un revenu faible, voire inexistant. Les éleveurs de bovins sont confrontés à des marchés très volatils pouvant produire des revenus différentiels. Néanmoins, l’évaluation des terres agricoles est un problème pour les municipalités qui ont de vastes zones de terres agricoles, car celles-ci ne sont pas une source viable de revenu, le gouvernement provincial abritant les fermiers avec la fiscalité foncière existante.

Même s’il assure que l’évaluation des terres agricoles est en-deçà du marché, le gouvernement provincial de l’Alberta perçoit des revenus de taxe agricole. Si un fermier est subventionné par ses taxes foncières, cela diminue ses coûts de production et augmente d’autant ses profits. Les profits agricoles sont taxés en tant que revenu personnel ou alors comme revenu d’entreprise. Cet impôt sur les profits agricoles est partagé entre les gouvernements fédéral et provinciaux. En 2015, l’impôt des sociétés en Alberta s’établissait à 3 % pour les sociétés privées sous contrôle canadien (SPCC) et 10-12 % pour les sociétés générales. Ces impôts seraient payés seulement pour une bonne année de récolte, alors qu’une mauvaise année n’engrangerait peut-être aucun profit à rapporter. Comparativement à une fiscalité foncière qui taxe chaque année, ce type d’impôt est positif, car il taxe les fermiers seulement quand ils font des profits. En outre, le gouvernement albertain accorde des subventions aux municipalités rurales. Malheureusement, quand les taxes foncières sont basses, cela donne de plus grands profits rapportés, ce qui se traduit par des impôts plus élevés aux sociétés ou aux particuliers. En réalité, de faibles taxes foncières en Alberta entraînent un transfert de recettes fiscales de la province vers Ottawa.

Dans le passé, l’Alberta a bénéficié d’une industrie énergétique très dynamique, qui payait pour les programmes de subventions provinciales à l’industrie et finançait un vaste secteur public. Le secteur énergétique était un pilier de l’économie, permettant à la province de fonctionner presque sans dépenses engendrées par la dette publique. Le secteur énergétique de l’Alberta connaît présentement un ralentissement et pourrait ne pas retrouver son ancien niveau d’activité. Cela force donc le gouvernement provincial à trouver d’autres sources de revenu pour financer les services publics.

L’Alberta a besoin de refondre sa fiscalité foncière pour les terres agricoles, car les évaluations de ces terres ne reflètent plus leurs valeurs réelles. Ce qu’il faut, c’est revenir à l’évaluation des terres agricoles aux valeurs marchandes actuelles. Si les revenus agricoles sont volatils et la province souhaite préserver les terres agricoles, alors ces dernières pourraient être évaluées en utilisant seulement les ventes agricoles réelles et non les valeurs marchandes globales. Ou, si le modèle existant d’évaluation des terres agricoles doit être utilisé, le modificateur d’année d’évaluation ne devrait-il pas au moins être mis à jour pour refléter les valeurs actuelles des terres agricoles ?

Une meilleure façon d’aider les fermiers, dont les revenus changent d’une année à l’autre, n’est pas une valeur d’évaluation périmée, mais des taux par mille plus bas. La province pourrait adopter une législation, comme en Ontario, pour avoir des taux par mille agricoles d’un bon pourcentage en‑deçà des taux par mille résidentiels ou commerciaux. Un ajustement au prélèvement d’impôt sur l’éducation serait nécessaire si l’on changeait les évaluations de terres agricoles, car elles sont présentement incluses dans l’assiette de calcul résidentielle en Alberta. Certains penseront peut-être qu’il est injuste d’appliquer une évaluation des terres agricoles ou des taux par mille bas si les terres sont réservées à un développement éventuel. Par conséquent, on devrait songer à des taxes foncières rétroactives – comme au Manitoba, où l’on prend le différentiel de la valeur d’utilisation agricole à la valeur marchande générale –, qui sont appliquées aux terres agricoles qui changent d’usage. Étant donné les réformes, le grand public serait alors plus susceptible d’appuyer la notion de fermiers ayant une évaluation ou des taux par mille plus bas comme une partie du prix à payer pour maintenir le dynamisme d’une collectivité agricole.

Remarque : Cet article exprime les opinions de l’auteur et non celles du Grande Prairie Regional College.

Bibliographie

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