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Préserver l’avenir de l’évaluateur résidentiel

Évaluation immobilière au Canada

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2020 – Volume 64 – Tome 2
Préserver l’avenir de l’évaluateur résidentiel
Timothy R. Groulx, FRI, CRA, P. App., Lakewood Appraisal Services, Thunder Bay (ON)

Préserver l’avenir de l’évaluateur résidentiel

Par Timothy R. Groulx, FRI, CRA, P. App., Lakewood Appraisal Services, Thunder Bay (ON)

La collecte de données et l’analyse automatisée pour fournir une évaluation du risque hypothécaire se fait depuis des années au Canada, à commencer par le programme émili de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), introduit en 1996. Les membres de la section de Thunder Bay de l’Institut canadien des évaluateurs (ICE) ont récemment été informés que, suite à la tendance vers la collecte de données et l’analyse informatique qui progresse rapidement aux États-Unis et qui mène à des évaluations immobilières « instantanées », on peut s’attendre à ce que la demande d’évaluations résidentielles, et donc d’évaluateurs résidentiels, diminue au cours des 10 à 20 prochaines années.

Une question s’est posée sur ce que l’avenir réserve aux évaluateurs immobiliers résidentiels : « D’où pourrait venir à l’avenir une demande suffisante pour que les évaluateurs résidentiels puissent gagner un revenu leur permettant d’assurer une vie confortable à leur famille? » La question a été posée aux représentants de l’Association de l’Ontario lors de la séance plénière de l’Assemblée générale annuelle de la section de Thunder Bay, qui s’est tenue en mars 2020. Le pronostic fourni pour l’évaluateur résidentiel n’était pas bon. La voie vers un style de vie confortable pour les futurs évaluateurs résidentiels serait de faire des évaluations de la machinerie, de faire des études de copropriété ou de se qualifier comme évaluateurs commerciaux.

Le numéro du printemps d’Évaluation immobilière au Canada, paru en avril 2020 (volume 62, livre 1), comportait deux articles qui se sont conjugués pour cristalliser certaines de mes réflexions sur l’avenir de notre profession et le rôle de notre organisme de réglementation professionnelle dans la vie de ceux qui nous suivront dans cette carrière. Les articles étaient intitulés Est-ce que l’IA va vous voler votre emploi? et Défense.

À l’avenir, il se peut que la demande d’évaluation de la valeur marchande actuelle des logements résidentiels, quadruplex inclus, soit en grande partie desservie par l’intelligence artificielle. Ce remplacement de l’évaluateur par un ordinateur sera probablement adopté surtout par les grandes institutions financières. Ces organisations ont des portefeuilles suffisamment importants pour profiter de l’économie que représente le paiement d’un imprimé informatique et l’acceptation de la marge d’erreur inhérente et du risque associé par rapport au paiement d’une évaluation complète à la suite d’une inspection sur place et appuyée par une assurance responsabilité professionnelle. 

Alors, où trouverons-nous suffisamment de travail dans les années à venir si nos affaires avec les banques se tarissent? J’ai quelques suggestions qui sont basées sur l’objectif de l’évaluation et, par conséquent, sur l’utilisateur type associé.

Évaluations successorales pour homologation (Impôt sur l’administration des successions)

Les exigences en matière de demande d’homologation ont changé en Ontario il y a quelques années. Ces changements ont entraîné la nécessité de procéder à une évaluation exacte des biens immobiliers de la succession plutôt que d’accepter des valeurs estimées. À l’origine, ce changement signifiait une évaluation rétrospective de la valeur marchande à la date du décès du propriétaire, effectuée par un évaluateur agréé. Chaque décès en Ontario où le défunt possédait des biens immobiliers aurait dû donner lieu à au moins une évaluation immobilière.

Or, ce qu’on constate dans le district de Thunder Bay, c’est que de nombreuses demandes d’homologation sont présentées sur la base d’évaluations de la taxe foncière, qui peuvent remonter jusqu’à quatre ans ou sur la base d’une lettre d’opinion d’une page d’un agent immobilier.   

Les associations provinciales de l’ICE pourraient aider leurs membres, aujourd’hui et à l’avenir, en se renseignant sur les attentes du ministère des Finances de leur province concernant les documents à fournir à l’appui d’une demande d’homologation, puis en faisant valoir auprès de leur barreau provincial, des greffiers du tribunal des successions et des cabinets d’avocats que la diligence raisonnable exige des évaluations appropriées effectuées par des professionnels.

Les conséquences d’une erreur dans une demande d’homologation en Ontario sont très claires :

Loi de l’impôt sur l’administration des successions, chapitre 4

para 4.5(2) Le ministre peut, à tout moment qu'il juge raisonnable, établir une cotisation ou une nouvelle cotisation à l’égard de l’impôt payable par une succession s’il détermine : (b) soit qu’une personne a fait une présentation inexacte des faits par négligence, manque d’attention ou omission volontaire (soulignement ajouté) ou a commis une fraude en communiquant ou en omettant de divulguer des renseignements concernant la succession.
para 5.1(2) Est coupable d’une infraction toute personne qui, en remettant des renseignements exigés par l’article 4.1, fait ou aide à faire une affirmation qui, eu égard à l’époque et aux circonstances où elle est faite, est fausse ou trompeuse au sujet d’un fait ou omet de déclarer un fait dont l’omission rend l’affirmation fausse ou trompeuse. 
para 5.1(4) Toute personne coupable d’une infraction prévue au paragraphe (1) ou (2) est passible, sur déclaration de culpabilité :
(a) soit d’une amende d’au moins 1 000 $ qui ne doit toutefois pas excéder le double de l’impôt payable par la succession, si celui-ci est plus élevé que 1 000 $;
(b) soit d’un emprisonnement d’au plus deux ans;
(c) soit des peines énoncées aux alinéas a) et b).

La loi indique que toute personne ayant participé au dépôt d’une demande d’homologation inexacte est solidairement responsable. Cela inclut le(s) administrateur(s) de la succession, l’avocat de la succession et le comptable de la succession. Une évaluation correcte par un évaluateur agréé libère les personnes qui travaillent sur une succession de toute préoccupation liée à la négligence, au manque d’attention ou à l’omission délibérée. 

Évaluations de l’impôt sur les gains en capital : actuelles et rétrospectives

Si vous recevez un bien sous forme de don, vous êtes généralement considéré comme ayant acquis le bien à sa juste valeur marchande (JVM) à la date à laquelle vous l’avez reçu. De même, si vous gagnez un bien dans le cadre d’une loterie, vous êtes considéré comme ayant acquis ce prix à sa JVM au moment où vous l’avez gagné.

Lorsque vous vendez votre maison, vous pouvez réaliser un gain en capital. Si le bien était uniquement votre résidence principale pour chaque année où vous en étiez propriétaire, vous n’avez pas à payer d’impôt sur la plus-value. Si, à un moment quelconque de la période où vous avez été propriétaire du bien, celui-ci n’était pas votre résidence principale, ou pas seulement votre résidence principale, vous pourriez ne pas pouvoir bénéficier de l’exonération pour résidence principale sur tout ou une partie du gain en capital que vous devez déclarer.

Lorsqu’une personne décède, l’Agence du revenu du Canada (ARC) considère que la personne a disposé de tous ses biens immobiliers juste avant son décès. L’ARC appelle cela une « disposition présumée ». De plus, juste avant le décès, l’ARC considère que la personne a reçu le produit de cette disposition présumée (l’ARC parlera alors de « produit présumé »). Même s’il n’y a pas eu de vente réelle, il peut y avoir un gain en capital ou, sauf pour les biens amortissables ou les biens à usage personnel, une perte en capital. 

Dans les années à venir, l’ICE pourrait aider ses membres qui sont évaluateurs résidentiels en faisant des recherches sur les attentes du gouvernement en matière de documents justificatifs pour la déclaration d’impôt sur les gains en capital, puis en plaidant auprès des barreaux, des associations comptables, des cabinets juridiques et comptables que la diligence raisonnable exige des évaluations appropriées faites par des professionnels de l’évaluation.

Évaluations à l’appui d’un contrat de mariage ou d’un accord prénuptial

À l’ère des familles mixtes et recomposées, les avocats spécialisés en droit de la famille et les comptables personnels sont parfaitement conscients des avantages que présentent les contrats prénuptiaux pour leurs clients. La valeur des biens apportés au mariage par chaque conjoint doit être évaluée par des évaluateurs agréés afin d’aider la famille à commencer sa nouvelle vie ensemble.

Évaluations en cas de divorce : actuelles et rétrospectives

Tout comme il y a des moments de grande joie, il y a aussi des moments de tristesse. Lors de la dissolution d’un patrimoine conjugal, il faut procéder à l’évaluation des biens immobiliers détenus par les parties au mariage. Ces évaluations peuvent être effectuées à la date du mariage, à la date de la séparation et à la valeur actuelle, en fonction de la situation de chaque famille.

Les avocats, médiateurs et comptables, ainsi que les greffiers des tribunaux de la famille, doivent être conscients qu’il est dans le meilleur intérêt des parties à une action que la valeur marchande des actifs soit estimée par des évaluateurs qualifiés et que les règlements ne soient pas basés sur des estimations personnelles, des valeurs estimées ou des lettres d’opinion. Des évaluations exactes peuvent limiter les frais engagés dans le cadre d’un litige et limiter la possibilité de voir l’affaire rouverte dans les années à venir.

Notre organisme professionnel pourrait également rendre un grand service aux courtiers et aux agents immobiliers en leur expliquant que, malgré les clauses de non-responsabilité contenues dans une lettre d’opinion destinée à les protéger, si les agents immobiliers se présentent comme des experts, offrent une opinion erronée, et que leur client, s’étant fié à cette opinion, a subi une perte, ils sont alors professionnellement responsables de la perte subie par leur client.

En Ontario, l’assurance responsabilité professionnelle d’un courtier ou d’un représentant immobilier souscrite auprès du Real Estate Council of Ontario (RECO) ne couvre pas ce genre de situation. 

Planification successorale

Notre organisme de régie devrait, au nom de ses membres chargés de l’évaluation des biens immobiliers, faire valoir régulièrement auprès des comptables, des planificateurs financiers et des investisseurs l’importance de garantir que les mesures fiduciaires prises par ces conseillers s’appuient sur des avis professionnels, complets et indépendants quant à la valeur des biens immobiliers de leurs clients au sein de leurs portefeuilles financiers. Afin de répondre aux attentes en matière de diligence raisonnable, ces avis de valeur doivent être réalisés par des professionnels agréés dans le domaine de l’évaluation.

Forclusion, pouvoir de vente ou vente par le shérif 

Lorsqu’un avocat fait valoir la garantie d’un prêteur d’une banque, d’une société de fiducie, d’une coopérative de crédit ou d’un investisseur privé, il doit être en mesure de démontrer à la Cour supérieure ou au shérif que toutes les tentatives pour atténuer les dommages ont été faites et que le produit de toute vente était raisonnable dans la situation donnée. Cette exigence est généralement satisfaite en offrant la garantie de vente par un appel d’offres ou une vente aux enchères bien publicisés ou en inscrivant le bien à vendre sur le service local d’inscription multiple. Une autre méthode pour démontrer le caractère raisonnable d’une vente consiste à faire établir une estimation de la valeur marchande qui n’a pas été rendue publique avant la vente.

Notre organisme professionnel pourrait aider directement ses membres en faisant valoir auprès des associations de juristes, des tribunaux et des cabinets d’avocats que la preuve d’un effort pour limiter les dommages nécessite des évaluations appropriées effectuées par des professionnels. Les évaluations basées sur une lettre d’opinion ou sur une évaluation de l’impôt foncier ne sont pas appropriées dans ces situations.

Il y a 60 ans, mon père a été remplacé par la première vague d’ordinateurs et a quitté son emploi de commis de bureau pour se lancer dans l’immobilier. J’ai suivi mon père dans cette entreprise il y a 45 ans et je prévois faire ce que je fais jusqu’à ma retraite. Cela ne sera peut-être pas possible pour ceux qui nous suivront.

Le rôle de l’ICE en matière de défense des politiques publiques est précieux et constitue une contribution valable à la vie de notre pays. J’espère et j’ai confiance que notre organisme de régie s’efforcera d’assurer l’avenir des évaluateurs de biens immobiliers résidentiels en défendant leurs intérêts dès maintenant.