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Qui est un propriétaire?

Évaluation immobilière au Canada

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2014 – Volume 58 – Tome 1
Qui est un propriétaire?
John Shevchuk

Par John Chevtchouk , Avocat et Procureur, C. Arb , AACI ( Hon)

Introduction

Lorsqu’un terrain est exproprié, le titulaire de l’intérêt en fief simple a droit à une indemnisation, ce qui nous amène à nous demander qui d’autre doit être indemnisé. Est-ce qu’on verse une indemnisation au titulaire d’un droit viager dans le terrain en question? Que diriez-vous d’un titulaire de jugement, d’un locataire, d’un créancier hypothécaire, d’un titulaire d’intérêt bénéficiaire d’une fiducie ou d’un simple occupant du terrain?

Dans la plupart des juridictions canadiennes, il faut être un « propriétaire », tel que défini dans la loi d’expropriation particulière d’une juridiction, avant d’être indemnisé. Par conséquent, il est essentiel que les évaluateurs et les avocats comprennent quels sont les détenteurs de droits, de successions et de droits fonciers qui sont admissibles en vertu des définitions de « propriétaire » aux fins d’expropriation. Cela nécessite de comprendre les mots et les phrases qui se trouvent dans les définitions et la façon dont les mots et les phrases ont été interprétés par les tribunaux au sein d’une juridiction particulière.

Cet article présente un aperçu des définitions du terme « propriétaire » dans la législation canadienne en matière d’expropriation et des exemples montrant comment les tribunaux et les cours traitent les questions concernant les « propriétaires » aux fins de l’expropriation.

Définitions de terme « propriétaire » dans la législation canadienne en matière d’expropriation

Au Canada, le spectre des définitions du terme « propriétaire » varie de quelques mots à plusieurs paragraphes. Un exemple d’une définition de quelques mots est celui adopté par le Nunavut (Territoires du Nord-Ouest), qui prévoit simplement « “propriétaire” ou “titulaire”, en matière d’intérêt exproprié, s’entend notamment du titulaire d’un intérêt à bail. »1 À Terre-Neuve-et-Labrador, la définition de « propriétaire » inclut « purported owner. »2 À l’échelle fédérale, il n’y a aucune définition de « propriétaire ».3

La Colombie-Britannique a adopté une définition plus détaillée :

« owner », in relation to land, means

(a) a person who has an estate, interest, right or title in or to the land including a person who holds a subsisting judgment or builder’s lien,

(b) a committee under the Patients Property Act,

(b.1) an attorney under Part 2 of the Power of Attorney Act,

(b.2) a guardian, executor, administrator or trustee in whom land is vested, or

(c) a person who is in legal possession or occupation of land, other than a person who leases residential premises under an agreement that has a term of less than one year

Dans d’autres régions du pays, les définitions utilisent divers termes et phrases. L’Alberta définit, entre autres, le terme « propriétaire » par « any other person who is known by the expropriating authority to have an interest in the land. »5

Plusieurs provinces font directement référence à des prêts et à des créanciers hypothécaires, et donne une définition de « registered owners. ».6

Au Nouveau-Brunswick, la définition de « propriétaire », en vertu de la législation en matière d’expropriation, comprend tout simplement « une personne titulaire d’un droit de tenure, d’une servitude, d’un droit d’usage ou autre droit dans ou sur un bien-fonds, ou y afférents. »7

À l’Île -du-Prince -Édouard et aux Territoires du Yukon, la définition de « propriétaire » fait mention de « mortgagee, lessee, tenant, occupant and person entitled to a limited estate or interest… »8 La définition des Territoires du Yukon ajoute : « créancier saisissant. »

Au Québec, la loi en matière d’expropriation fait état de « propriétaire de l’immeuble ou au titulaire du droit réel immobilier à exproprier, » ce qui correspond aux concepts de droits de propriété en vertu du Code civil.9

Toutefois, peu importe le niveau de détail de la définition de « propriétaire », la jurisprudence exige toujours un examen afin de déterminer de quelle manière les tribunaux et les cours d’expropriation ont interprété les définitions.

Exemples de la jurisprudence

Occupation

L’occupation est un concept populaire dans les définitions de « propriétaire ». Mais la question est de savoir le degré d’occupation qui suffira. En Colombie-Britannique, un entrepreneur a dépassé la date limite pour présenter une demande de privilège de constructeur dans le cadre d’un contrat de construction avec le CCDC. L’entrepreneur a tenté de surmonter cet obstacle en faisant valoir qu’il occupait le terrain en vertu du contrat de construction et des activités sur le terrain visé. Le tribunal n’était pas d’accord, en soulignant que les droits de l’entrepreneur se trouvaient dans le contrat. Le niveau de possession était suffisant pour entreprendre les travaux. Le tribunal a constaté que « posséder ou occuper un terrain » dans la loi signifiait plus qu’un simple droit d’occuper le terrain. Il s’agissait plutôt d’un droit réel immobilier. Il doit y avoir un avantage provenant du terrain lui-même.10

Cependant, alors que la loi en Colombie-Britannique pourrait exiger qu’un avantage soit tiré de l’exploitation du terrain avant de devenir « propriétaire », l’occupation exclusive ou quelque forme d’occupation permettant une action en intrusion ne serait probablement pas nécessaire afin d’être un « propriétaire » dans cette province. Ainsi, il est permis de croire qu’un projet d’autoroute empiétant sur des droits en vertu d’un permis de pâturage provincial pourrait donner lieu à une indemnisation.11

Droits perçus/implicites

En tant que propriétaire d’un chantier de démolition d’automobile, l’entreprise A a permis à la société B d’exploiter une partie du chantier pour ses activités commerciales. Les deux sociétés avaient des propriétaires communs. La propriété et le contrôle communs ont suffi au tribunal pour juger qu’il était dans l’intérêt de l’entreprise A de s’assurer que l’entreprise B continue d’exploiter à partir de la propriété visée et l’entreprise B ne se préoccuperait pas du maintien de son droit de continuer à le faire. On a constaté que l’entreprise B avait droit à une indemnisation en lien avec le terrain exproprié.12

Un propriétaire a vendu une de ses deux parcelles, mais a continué d’avoir accès à l’autre par la parcelle vendue. Il n’y avait aucune réserve expresse d’une servitude au profit du vendeur. Néanmoins, le tribunal a jugé que l’acheteur était au courant de l’accès par sa propriété et qu’il l’avait approuvé, et par conséquent, il y avait une servitude implicite au profit du vendeur donnant ainsi à ce dernier un droit indemnisable qui avait été exproprié.

Droits non enregistrés

En Colombie-Britannique, il n’est pas nécessaire de signifier un avis d’expropriation aux titulaires de droits non enregistrés, mais les titulaires de ces droits sont admissibles à une indemnisation. Le jugement de la Cour d’appel stipulant que le délai imposé pour obtenir une indemnité en vertu des lois en matière d’expropriation est déclenché par le paiement d’un « paiement anticipé » est d’une importance pratique. Sans un paiement anticipé, le délai dans lequel on peut déposer une réclamation d’indemnisation ne s’applique pas.14

La combinaison des droits

Le propriétaire de l’intérêt en fief simple d’une station d’essence a également loué le site adjacent et l’a utilisé pour exploiter la station d’essence. Une colonne de support pour un système de transport léger et rapide a été érigée sur la parcelle louée. Afin de déterminer l’indemnisation d’une prise partielle, la cour et le tribunal d’expropriation ont convenu que le bail et l’intérêt en fief simple ont mené à une propriété unifiée.

Conventions fiduciaires

La plupart des juridictions prévoient expressément qu’un terrain peut être détenu par un fiduciaire et que les titulaires sous-jacents de droits dans la fiducie sont admissibles à une indemnisation. Au moins en Colombie-Britannique, les propriétaires non enregistrés de droits peuvent ne pas avoir droit à un avis d’expropriation, mais ils peuvent faire une réclamation d’indemnisation.

Profit à prendre

Un droit d’enlever tous les matériaux naturels in situ de terrains particuliers a été reconnu comme un profit à prendre, donnant ainsi un droit immobilier et faisait du titulaire du droit un propriétaire en vertu de la législation en matière d’expropriation.17

Parcs de stationnement adjacents à un restaurant

Le locataire de locaux utilisés comme restaurant n’a pu obtenir une indemnité lorsque le stationnement adjacent a été partiellement exproprié. Le tribunal a interprété les termes du bail comme nécessitant un accès raisonnable au restaurant, mais pas une utilisation raisonnable au parc de stationnement.18 Le litige s’avère une indication de la nature tributaire des faits des cas d’expropriation.

Conventions imparfaites en matière de sous-location

Un demandeur occupait un lot sur plan d’eau en vertu d’une sous-location. Le sous-locateur n’avait pas obtenu l’approbation du propriétaire pour la sous-location, mais ce dernier en avait pris connaissance directement. L’argument de l’autorité expropriante selon lequel le demandeur n’était pas un « propriétaire » parce qu’il n’était pas en possession juridique n’a pas été accepté. Le tribunal a conclu que le demandeur était au moins en possession légale, mais que le demandeur n’avait pas établi qu’il y avait eu une expropriation.19

Contrats de location

Il est possible que des raisons techniques empêchent certaines personnes de se qualifier comme locataires ou preneurs à bail, mais ces personnes pourraient peut-être se qualifier comme occupants en vertu des différentes définitions du terme « propriétaire ».20

Conclusion

De toute évidence, la désignation des parties qui peuvent être « propriétaires » en vertu des lois en matière d’expropriation n’est souvent pas simple. Bien que la première tâche soit sans contredit l’examen du titre de la propriété en question, les mesures supplémentaires incluront :

  1. un examen de la définition applicable de « propriétaire » et les sections d’avis et d’indemnisation dans la loi en matière d’expropriation applicable;
  2. la compréhension des types spécifiques de successions et de droits qui rendent une personne « propriétaire »;
  3. un examen de la jurisprudence pour savoir comment les cours d’une juridiction donnée ont interprété la définition de « propriétaire; » et
  4. une enquête des propriétaires connus de droits en lien avec la propriété visée afin d’identifier d’autres parties éventuelles.

Notes en bas de page

Loi sur l’expropriation, LRTN-O (Nu) 1988, c E-11

2 Expropriation Act, RSNL 1990, c E-19, s 2

3 Expropriation Act, RSC 1985, c E-21, s 7

4 Expropriation Act, RSBC 1996, c 125

5 Expropriation Act, RSA 2000, c E-13, s 1

6 Expropriation Act, CCSM, c E190, s 1; Expropriations Act, RSO 1990, c E.26, s 1; Expropriation Act, RSNS 1989, c 156, s 3; Expropriation Act, RSS 1989, c 156, s 1

7 Loi sur l’expropriation, LRN-B 1973, c E-14

8 Expropriation Act, RSPEI 1988, c E-13, s 1; Loi sur l’expropriation, RSY 2002, c 81, s 1

9 Expropriation Act, CQLR, c E-24, c 40

10 Linear Construction Corp. v British Columbia (Minister of Transportation & Highways), 1997 CarswellBC 2874 (BCCA)

11 Douglas Lake Cattle Co v British Columbia, [1990] BCJ No 2307 (QL) (BCCA)

12 Al’s Auto Wrecking Ltd v Surrey (City), 2006 CarswellBC 646 (BCECB)

13 Captain’s Square Holdings Ltd. v British Columbia (Minister of Transportation & Highways), 1997 CarswellBC 3149

14 Van Kam Freightways Ltd v Kelowna (City) 2007 BCCA 287; British Columbia v Schneider, [1996] BCJ No 1977 (QL) (BCCA)

15 Holdom v British Columbia Transit 2006 BCCA 282

16 Schneider, supra; Pentecostal Assemblies of Canada v British Columbia (Minister of Transportation & Highways), 1999 CarswellBC 1710 (BCECB)

17 McPhail’s Equipment Co v Surrey (City), 1995 CarswellBC 2593; Langdale Landing Properties Ltd. v British Columbia 2003 CarswellBC 3556 (BCECB)

18 Anderson v British Columbia (Minister of Transportation & Highways), 1995 CarswellBC 2585 (BCECB)

19 Vancouver Marina (1971) Ltd v British Columbia (Minister of Transportation & Highways), 2000 CarswellBC 2883 (BCECB)

20 Maddock v Surrey (City), 2001 Carswell BC 3278 (BCECB); El & El Investments Ltd v Surrey School District No. 36, 1995 CarswellBC 2574 (BCECB)

Remarque : cet article est fourni aux fins de susciter des discussions et de signaler aux praticiens certains défis présentés dans la loi. Il ne constitue pas des conseils juridiques. Toute question relative à l’applicabilité de la législation en matière d’expropriation dans certaines circonstances devrait être soulevée auprès d’avocats et de praticiens en matière d’évaluation.