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Démontrer la valeur d’un authentique leadership féminin

Évaluation immobilière au Canada

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2023 – VOLUME 67 – Tome 3
Démontrer la valeur d’un authentique leadership féminin
Lisa Campbell, P. App., AACI, principal of Campbell & Company Appraisals Inc.

Lisa Campbell, P. App., AACI, principal of Campbell & Company Appraisals Inc.

Le mois d’octobre est le Mois de l’histoire des femmes au Canada, une occasion de célébrer les femmes et les filles du passé et du présent qui contribuent à un Canada meilleur et plus inclusif. Lisa Campbell, P. App., AACI, est l’une de ces femmes pionnières qui méritent d’être célébrées et nous la remercions d’avoir partagé son histoire qui démontre vraiment la valeur du leadership féminin dans notre industrie.

Campbell & Company Appraisals Inc. est une équipe d’évaluation immobilière commerciale, composée de trois membres, oeuvrant dans la région du Niagara du sudest de l’Ontario. Mon histoire n’est peut-être pas très différente de celle de plusieurs autres évaluateurs indépendants au Canada, mais elle diffère en ceci : je dirige l’une des rares équipes d’évaluation immobilière commerciale menées seulement par des femmes au Canada.

Au début de ma carrière, en 1993, le Canada comptait très peu de femmes AACI. Aujourd’hui, ce qui est surprenant, la situation n’a pas beaucoup changé. Les statistiques de l’Institut canadien des évaluateurs (ICE) indiquent que seulement 20 % des AACI sont des femmes. Et, à 28 %, les chiffres ne sont  pas tellement meilleurs pour les femmes CRA. Ma recherche montre qu’en ce qui concerne les chefs d’équipe, les chiffres sont encore pires.

Pourquoi cela? Dans ma recherche, j’ai constaté que la réponse comporte plusieurs éléments, qui méritent que l’on s’y arrête. Toutefois, cet article fournit quelques réflexions sur la question de savoir « qu’est-ce qu’on fait maintenant? » Alors qu’augmente le nombre de leaders féminins dans notre industrie, mon objectif est d’écrire un article ‹ ponctuel › pour encourager d’autres femmes à occuper des postes de leadership, y compris en démarrant leurs propres firmes.

En 2015, j’ai démissionné d’un poste dans une compagnie nationale d’évaluation. J’ai quitté l’immeuble en larmes, ayant compris que mon rêve de devenir une dirigeante dans la compagnie n’allait pas se réaliser. Mais j’avais fait une découverte importante. Comme j’avais besoin d’un niveau d’engagement défini par moi-même, je n’entrais pas dans le moule de leadership de la compagnie. Pas à cause des gens qui y travaillaient, mais à cause de la culture qu’elle entretenait. La culture de la compagnie reflétait celle de la plus grande partie de notre industrie.

À l’époque, personne ne parlait de la culture des compagnies et de son impact sur la diversité. C’était le silence radio sur la culture de l’industrie et son incidence sur l’absence de diversité au niveau du leadership. Et, en 2015, je me suis encore retrouvée comme une autre personne qui avait visé les étoiles dans le plan A, puis qui avait compris que le plan B était nécessaire parce que les exigences du plan A dépassaient ce que j’étais disposée à accepter à long terme. Et oui, une partie de mon besoin de flexibilité venait du fait que je suis une femme, qui doit élever des enfants. Étant mère célibataire, j’étais seule responsable d’en prendre soin. Mais mon besoin de flexibilité et le niveau d’engagement que j’avais moi-même défini venaient aussi du fait que je suis humaine et, si on me l’offrait, je choisirais de travailler 30 à 35 heures par semaine, à mes propres conditions. Alors, je me suis donné ce choix.

Je suis sortie de cet immeuble de bureaux pour la dernière fois. J’allais démarrer une entreprise – mais dans quels marchés travailler? Quand j’avais accepté cet emploi à la compagnie nationale, j’avais laissé mon ancien marché de l’industrie quatre ans avant de travailler dans la « grande ville », et je n’avais plus les contacts locaux que j’avais déjà eus. J’ai décidé de retourner à mon ancien marché pour voir si je pourrais organiser quelque chose. J’étais assez familière avec la structure d’une petite compagnie évoluant dans une communauté de taille moyenne. Et, pour certains d’entre nous, la vie n’est qu’un exercice d’humilité. J’ai donc décidé d’essayer et je me suis lancée.

Au début, quand j’ai démarré Campbell & Company Appraisals Inc., mes premières questions étaient : comment contacter des clients potentiels et comment faire connaître le nom de ma compagnie dans la région? J’avais décidé de quitter mon marché d’origine, mais je n’étais pas un nom de référence dans la grande ville, alors je partais littéralement de zéro. Peu après, j’ai été surprise lorsqu’un ancien collègue m’a demandé de compléter du travail dans un contrat de sous-traitance. C’était un excellent point de départ et la première de plusieurs surprises que j’ai eues dans mon aventure de travailleuse autonome. C’était également le début d’un autre mentorat surprenant et précieux.

Après la première année de travail indépendant à la maison, même si j’étais heureuse de ne plus faire la navette quotidienne de deux heures dans le plan A, j’ai réalisé que je ne pourrais pas travailler à long terme comme seule propriétaire. À la fin d’une journée complète de travail seule dans mon bureau à la maison, je me sentais épuisée. J’avais besoin de bâtir ma propre équipe. Mais, alors que ma charge de travail avait augmenté, comment est-ce que je pourrais jamais obtenir assez de contrats pour occuper toute une équipe ?

De là le début du cheminement pour relever un nouveau défi. Ça voulait dire contacter les institutions financières locales, inviter des gestionnaires de comptes bancaires à dîner, rencontrer des responsables municipaux, et ainsi de suite. Tisser des liens prend du temps. Même si j’y ai assez bien réussi, j’ai souvent tendu la main dans des circonstances qui ne semblaient pas propices sur le coup. Et je suis reconnaissante pour ces expériences, car ce fut un processus d’apprentissage et de croissance. Tout compte fait, si vous essayez de développer une nouvelle relation qui n’existait pas auparavant et que vous n’y parvenez pas, vous n’avez rien perdu.

Mon attitude actuelle envers le marketing n’est pas de nature transactionnelle. Aujourd’hui, je vois le réseautage plus comme un but de développer des relations de confiance, un peu comme se faire des amis. Comment se fait-on des amis? Il faut être ami soi-même. S’ouvrir aux autres sans attendre de réciprocité est une approche un peu plus risquée, mais elle semble plus authentique et plus joyeuse. Mon attitude habituelle maintenant, c’est que si un client potentiel veut développer une relation, s’il veut bien accepter mon système de valeurs et si nous avons les ressources pour répondre à sa demande, alors je serai heureuse de développer une relation avec ce client potentiel. Pour être claire, mon système de valeurs se trouve dans mon site Web.

Campbell & Company est une race différente de beaucoup de compagnies dans l’industrie, par définition, car sa propriétaire est une femme. Comme je me sentais un peu étrangère de toute façon, j’ai pensé que j’étais libre de développer quelque chose d’unique et de personnel : une combinaison du meilleur de ce qu’offre une firme de la grande ville, d’une entreprise dans une petite ville et du leadership féminin. Par conséquent, la structure de Campbell & Company s’appuie d’abord sur les principes.

Qu’est-ce que ça signifie? Ça signifie que nous avons une mission ainsi qu’un ensemble de valeurs fondamentales bien définies qui propulsent notre entreprise en avant. Premièrement, nos opinions sur la valeur sont objectives et indépendantes. C’est la pierre angulaire de Campbell & Company et je parle souvent à des clients potentiels de notre engagement envers l’objectivité. Nous privilégions l’intégrité, la diligence et le travail d’équipe. La valeur fondamentale du travail d’équipe est incontournable, car elle crée une opportunité de mentorat optimal et de perfectionnement des employées. Les compétences peuvent aussi être utilisées de façon plus interchangeable pour s’adapter aux nécessités d’un projet. Le travail d’équipe intègre en outre le respect pour les besoins des membres de l’équipe. Par exemple, une de mes employées travaille à temps partiel tandis que ses enfants sont jeunes. Alors qu’elle a été embauchée à l’origine pour compléter des projets commerciaux, nous avons vu que des heures partielles ne convenaient pas aux échéanciers de ce type de projet. J’en ai donc profité pour ouvrir une autre gamme de produits, qui répondaient à un besoin existant dans notre marché et qui coïncidaient avec son ensemble de compétences. Ces produits ont maintenant maturé et sont une partie intégrale de l’entreprise.

Notre valeur fondamentale d’intégrité va plus loin que la qualité de nos rapports –
elle englobe notre engagement envers le respect interpersonnel. Par exemple, plutôt que de faire des examens annuels des employées (ou aucun examen), nous avons des examens annuels d’employées / employeuses sous forme de dialogue afin d’approfondir les relations. En plus des boucles de rétroactions périodiques, tant sur les compétences que sur les montants d’argent en présence, ces examens annuels aident à faire progresser l’entreprise.

Campbell & Company privilégie la collaboration plutôt qu’un modèle descendant. Nous ciblons la réciprocité, le dialogue et l’apprentissage entre les unes et les autres. En effet, on accorde passablement d’attention au ‹ savoir-être ›, qui est souvent absent dans une industrie dominée par les hommes. J’ai découvert que ce modèle d’affaires est plus flexible que le modèle descendant typique et qu’il produit une entreprise plus robuste et plus agile.

Surprises que la vie m’a faites depuis sept ans

  1. Les contrats peuvent venir des sources les plus inattendues et donner lieu à des relations que vous n’auriez pas crues possible. Entre-temps, il y a eu des moments où je pensais que développer une relation était une bonne idée, mais ça n’a pas fonctionné, pour une raison ou une autre. Le monde est plus grand que ce que nous en percevons.
  2. Notre succès en tant qu’entreprise fut une surprise bienvenue. Le premier exercice financier de Campbell & Company enregistrait un revenu de six chiffres, n’étant parti de rien. Depuis sept ans, notre revenu a augmenté en moyenne de 19 % par année (taux annuel composé). L’an dernier, nous avons connu notre plus forte croissance, soit 41 %.
  3. Une question importante à poser est : « Quand je rencontre un défi que je veux relever, mais dont le résultat est incertain, que ressentirais-je si je ne m’y attaquais pas et que quelqu’un d’autre le faisait à ma place et en recevait les bénéfices? » Je me suis plusieurs fois posé la question au cours des sept dernières années et ma réponse a été le catalyseur qui m’a aidé à affronter mes peurs et à prendre des risques que je n’aurais pas pris autrement. Campbell & Company a grandi suite à cela et je suis devenue plus humble, car les résultats de ces défis ne sont pas toujours ce que j’avais espéré.
  4. Le niveau de confiance en soi nécessaire pour progresser dans le développement d’une équipe s’élève à chaque étape, notamment à celle de l’embauche et/ou du mentorat des jeunes leaders de l’industrie. Il fallait une plus grande confiance encore pour franchir cette étape quand j’étais l’unique propriétaire, alors qu’un niveau de confiance beaucoup plus élevé est nécessaire chaque jour pour continuer à jouer ce rôle. Intégrer cette plus grande confiance en soi est essentiel pour être plus en mesure de se fier aux capacités des autres, surtout lorsqu’elles se sont montrées dignes de confiance.
  5. La grande qualité des membres d’équipe expérimentés que nous avons pu attirer était inespérée. Je crois que notre modèle d’affaires collaboratif axé sur le travail d’équipe s’avère attrayant pour certaines personnes. Je me rappelle un mentor, un des meilleurs dans le domaine, qui m’avait dit : « Nous vivons dans un monde difficile. Quand nos membres d’équipe arrivent, ce bureau doit devenir un endroit sûr ». C’est ça que je vise.
  6. Quand nous avons atteint le point où je n’étais plus la seule décisionnaire dans la compagnie, une grande partie de sa structure devait changer. J’ai passé presque toute l’année 2022 à repenser des portions de notre structure organisationnelle afin de faciliter le développement (actuel et futur).
  7. Embaucher une femme coach en entreprise a changé la donne. Même si je n’ai pas consciemment subi de discrimination parce que je suis une femme, être la seule cheffe d’équipe féminine dans un champ d’activité dominé par les hommes a entraîné une certaine solitude. Une fois que ma compagnie a vraiment commencé à se développer, j’ai découvert que pouvoir parler à une femme quand j’en avais besoin était inestimable.
  8. Ce fut un grand bonheur de mentorer et de perfectionner des professionnels. Et je suis aussi mentorée. C’est une rue à double sens. J’ai appris que les idées reçues dans l’industrie tendent à séparer l’être humain de l’employé/générateur de revenu, mais la vérité c’est que nous apportons tous notre humanité au bureau. La croissance d’une carrière et la croissance personnelle sont intimement liées.
  9. Surtout depuis deux ans (notre nom est connu depuis plusieurs années maintenant), le marché nous a tellement bien acceptées. Nous sommes désormais une équipe de trois, quand mon objectif de départ en 2017 était une équipe de quatre. J’espère ajouter une quatrième équipière ce trimestre. Mon nouvel objectif sera vraisemblablement une équipe de sept membres.
  10. Je ne me serais jamais attendue à éprouver autant de plaisir dans les fonctions que j’occupe présentement. Le plan B est finalement devenu très amusant.

Ce que je crois maintenant

  1. Le temps est venu pour que plus de femmes leaders ouvrent des compagnies d’évaluation axées sur les équipes au Canada. Les systèmes de réseautage féminins sont plus forts qu’avant et les mentores commencent à occuper l’avant-scène. Dans l’environnement plus large où évolue notre industrie, nous avons maintenant beaucoup plus de filles qui jouent dans le carré de sable des garçons.
  2. Historiquement, la profession d’évaluateur professionnel comportait des éléments dysfonctionnels résultant du fait qu’elle était presque entièrement dirigée par des hommes. L’état actuel de cette profession est plus fragile qu’il ne l’aurait été si ses leaders (à commencer par les membres désignés) avaient été puisés dans un bassin plus représentatif de la population. Quand le leadership provient d’environ 50 % de la population (dans ce cas, presque uniquement masculin) par définition, le leadership est plus faible que s’il était venu de 100 % de la population. La voix féminine authentique, qui résonne en harmonie avec sa consœur masculine, a été essentiellement silencieuse et notre industrie en a été d’autant affaiblie.
  3. Une industrie où les dirigeants masculins et féminins apportent leurs styles de leadership respectifs et l’harmonie qui peut résulter quand hommes et femmes leaders agissent de façon authentique, est beaucoup plus saine. Je crois que c’est l’avenir de notre industrie. Il y a vraiment une place pour une authentique voix féminine et un authentique leadership féminin au sein de l’industrie.