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Dommages collatéraux : une brève histoire et les effets de la discrimination en matière de logement au Canada

Évaluation immobilière au Canada

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2022 – VOLUME 66 – Tome 2
Dommages collatéraux : une brève histoire et les effets de la discrimination en matière de logement au Canada

Discrimination institutionnelle : logement et prêts hypothécaires

La discrimination est définie comme le traitement inégal de différents groupes de gens. La plupart d’entre nous considèrent la discrimination comme un ensemble d’actes spécifiques comme utiliser des propos racistes ou refuser de faire des affaires avec certains types de personnes. Toutefois, un plus grand fléau qui passe fréquemment inaperçu est le préjugé institutionnel. Le préjugé institutionnel et la discrimination sont les partis pris qui sont intégrés dans le fonctionnement des institutions de la société comme les écoles, le logement, les systèmes bancaires et la main-d’œuvre. La notion de racisme institutionnel a d’abord été dénoncée par les militants des droits de la personne Stokely Carmichael et Charles Hamilton au début des années 1960. Ils affirmaient que le racisme institutionnel étant plus difficile à identifier, il était donc moins souvent condamné par la société.

Leur lutte est appuyée par un rapport rédigé en 2022 par le Centre for Urban and Community Studies de l’Université de Toronto, pour le compte de la SCHL (Société canadienne d’hypothèques et de logement) et intitulé Housing Discrimination in Canada: What we know about it [La discrimination en matière de logement au Canada : Ce que l’on en sait – N.D.T.] Le rapport soulignait l’absence de recherches sur les prêts hypothécaires au Canada. Il n’y a pas de nouvelles recherches canadiennes sur la discrimination en matière de prêts hypothécaires, mais ça ne veut pas dire qu’elle n’existe pas. Aux États-Unis, les études donnent à penser que les propriétaires noirs se voient refuser des prêts hypothécaires dans une plus grande proportion que leurs homologues blancs, même quand les demandeurs noirs et blancs ont des qualifications similaires concernant le revenu, le dossier de crédit et d’autres critères admissibles. Comme certaines facettes du secteur financier canadien sont semblables chez nos voisins du Sud, on peut raisonnablement considérer que nous avons les mêmes genres de problèmes dans notre système, quoique peut-être sur une plus petite échelle.

L’écart se creuse chez les demandeurs marginaux (qui ont des dossiers de crédit moins qu’idéaux), selon la race ou le sexe des demandeurs. En outre, les études américaines indiquent que les femmes et les minorités visibles peuvent être découragées de faire une demande d’hypothèque pour commencer. On possède peu d’information sur les pratiques discriminatoires visant les prêts hypothécaires au Canada.

La recherche au Canada

La preuve anecdotique suggère qu’une telle discrimination existe au Canada, mais aucune étude n’a été effectuée pour le confirmer. Dans ce pays, les banques ne fournissent pas de renseignements importants sur leurs politiques de prêt; elles n’ont donc aucune obligation de rendre des comptes au public à cet égard. De plus, les banques canadiennes ne conservent pas de dossiers suivant les demandeurs d’hypothèques acceptés et refusés ou les critères utilisés pour déterminer le succès ou l’échec de leurs demandes.

La recherche disponible donne à penser que la discrimination en matière de logement existe bel et bien au Canada. Les études existantes sont menées sur une petite échelle, limitées à quelques villes et presque toutes visent le secteur de la location et la discrimination raciale. Peu de recherches systématiques sont disponibles sur le secteur de la propriété ou sur d’autres formes de discrimination.

L’étude suggère aussi que la recherche systématique est absolument essentielle dans les domaines suivants :

  • études de vérification sur le logement (surtout des tests jumelés) dans les grandes villes ciblant les Noirs, les Autochtones, les ménages dirigés par une femme, les familles avec enfants, les jeunes, les gens souffrant d’invalidité physique et les ménages à faible revenu;
  • enquêtes sur la discrimination perçue et ses effets sur le comportement des gens à la recherche d’une maison et résultats dans les grands et petits centres urbains;
  • sondages sur les expériences de logement de groupes ethniques particuliers dans des villes données.

L’étude des pratiques de prêt hypothécaire est plus difficile, en raison du caractère privé des transactions. Cependant, la recherche exploratoire visant les enquêtes sur la population générale et les détenteurs d’hypothèques pourrait indiquer la nature et l’étendue de la discrimination dans ce domaine.

La recherche de la SCHL en 2021

Fin 2021, la SCHL publiait son premier rapport, intitulé Le taux de propriétaires varie considérablement en fonction de la race. Le nouveau rapport soulignait les nombreuses injustices parmi des groupes raciaux divers. Entre 2011 (Enquête nationale auprès des ménages) et 2016 (Recensement), le taux global de propriétaires-occupants a diminué de 2,74 points de pourcentage. En proportion, les plus fortes baisses du taux de propriétaires-occupants ont été observées chez les Noirs, Arabes, Philippins, Asiatiques occidentaux et Coréens. Selon l’Enquête canadienne sur le logement réalisée en 2018, presque trois quarts (73 %) de la population vivaient dans un logement possédé par un membre du ménage. Les aînés (78 %), les Asiatiques du sud (74 %) et les anciens combattants (73 %) vivaient dans des ménages propriétaires dans des proportions semblables à l’ensemble de la population, tandis que les Chinois (85 %) étaient plus susceptibles de vivre dans des logements possédés. Ce n’était pas le cas pour la population noire (48 %) et les immigrants récents (44 %), où moins de la moitié de ces groupements de population vivait dans des ménages propriétaires et était plus susceptible de louer. Autrement dit, l’écart dans le taux de propriétaires-occupants séparant ces groupes raciaux et les autres a augmenté entre 2011 et 2016. Lorsqu’on examine les recensements de 2006 et de 2016, on constate des différences semblables entre les groupes raciaux, à l’exception notable des Autochtones et des Latino-Américains qui ont connu une croissance positive entre 2006 et 2016.

Un chapitre dans l’histoire de la discrimination en matière de logement au Canada – Africville

Africville était principalement une communauté de Noirs vivant sur la rive sud du bassin de Bedford, dans les quartiers périphériques d’Halifax. Les premières mentions d’une présence noire à Africville remontent à 1848, alors qu’elle a continué à exister 150 ans par la suite. Durant cette période, des centaines de personnes et de familles y ont vécu, bâtissant une communauté prospère et soudée. On trouvait des magasins, une école, un bureau de poste et une église. Près de 100 ans plus tard, dans les années 1960, plusieurs résidants d’Africville n’avaient pas encore d’eau courante ou même d’égouts.[i]

Malheureusement, la discrimination et la pauvreté occasionnaient beaucoup de problèmes aux membres de la communauté d’Africville. La Ville d’Halifax refusait de fournir plusieurs commodités que les autres Haligoniens prenaient pour acquises, comme les égouts, l’accès à l’eau potable et l’évacuation des ordures. Les résidants d’Africville, qui payaient des taxes et tiraient fierté de leurs maisons, ont souvent demandé à la Ville de fournir ces services de base, mais aucune mesure n’a jamais été prise. La Ville a aggravé la situation en procédant à de nombreux développements indésirables à Africville et autour, incluant une usine d’engrais, des abattoirs, la prison Rockhead (1854), les ‹ fosses d’enfouissement nocturne › (excréments humains) et l’hôpital des maladies infectieuses (années 1870). En 1915, le conseil municipal d’Halifax déclarait qu’Africville « sera toujours un district industriel »[ii]. Alors qu’ils avaient des petits lotissements de terrain, les gens d’Africville étaient déjà désavantagés, et les risques sanitaires créés par la Ville ont contribué à dévaluer le secteur encore davantage, limitant ainsi la capacité des Africvillois de se créer une richesse à travers la propriété.

Copie du Service de planification fournie par les Archives municipales

 d’Halifax – Carte d’Africville, 1962

(https://www.halifax.ca/about-halifax/municipal-archives/source-guides/africville-sources)

En 1964, la Ville d’Halifax autorisait la relocalisation d’Africville et offrait des paiements pour les maisons des personnes détenant des actes de vente. Celles qui n’en détenaient pas, peu importe depuis combien de temps elles possédaient leur propriété, se voyaient offrir 500 $. Le plus souvent, les maisons avaient été bâties, possédées et occupées durant des générations. C’est en 1970 que la dernière maison d’Africville fut démolie.

Suite à la relocalisation, les résidants déplacés ont découvert que les marchés ‹ une maison pour une maison › ne se sont pas concrétisés. Beaucoup ont compris que la somme payée pour leur terrain et leur propriété suffisait seulement à faire une mise de fonds pour une nouvelle maison ou à louer un logement social pour une courte période de temps. Pis encore, la Ville d’Halifax a démantelé les services de soutien conçus pour aider les anciens résidants seulement trois ans après le début de leur relocalisation. Ceux qui sont restés à Halifax se sont sentis obligés de recourir au bien-être social pour couvrir les frais croissants de la vie en ville. Plusieurs ont quitté la ville pour aller s’établir dans d’autres régions du pays. Cela a nui à la richesse générationnelle de tous les résidants et aux générations subséquentes d’Africville, en plus de garder le taux de propriété bas pour les communautés et les groupes racialement marginalisés.

Réparations pour les gens privés de leurs droits : redresser les torts durables

Chicago (Evanston) est devenue la première ville des États-Unis à offrir des réparations aux familles résidantes noires qui ont subi pendant des décennies des préjudices engendrés par des politiques discriminatoires et ségrégationnistes, la pire étant la discrimination bancaire.

En mars 2021, on annonçait qu’ un montant de 25 000 $ par ménage admissible serait accordé pour des réparations domiciliaires, de l’assistance hypothécaire ou des mises de fond sur hypothèque. Les subventions au logement ciblent plus particulièrement les résidants qui peuvent montrer qu’eux ou leurs ancêtres ont été victimes de discrimination bancaire et d’autres pratiques de logement discriminatoires du 20e siècle dans la ville, qui limitaient les quartiers où les Noirs pouvaient vivre. Les demandeurs admissibles pourraient être des descendants d’un résidant d’Evanston ayant vécu dans la ville entre 1919 et 1969 ou ils pourraient avoir subi de la discrimination en matière de logement en raison des politiques de la ville après 1969.

Cette mesure prise par Chicago (Evanston) établit un précédent pour les réparations futures et elle pourra servir de modèle pour favoriser l’avenir de toutes les parties lésées. Du moins, c’est ce que l’on espère.

La valeur concrète que représente l’implantation de programmes de réparation, notamment sur une grande échelle (nationale), est toujours un sujet brûlant de discussion et de dialogue tant au Canada qu’aux États-Unis.

Références et bibliographie

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Notes finales                                                                                          


[i] Musée canadien pour les droits de la personne : https://droitsdelapersonne.ca/histoire/lhistoire-dafricville

[ii] Africville: A Story of Environmental Racism :