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Le grand réaménagement des espaces de bureau

Évaluation immobilière au Canada

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2020 – Volume 64 – Tome 3
Le grand réaménagement des espaces de bureau
Ryan Swehla, CCIM, CPM

Le grand réaménagement des espaces de bureau

La désirabilité des espaces de bureau évolue pendant la pandémie et certains types de bureaux en ressentent les effets.

Ryan Swehla, CCIM, CPM, est co-fondateur et directeur de Graceada Partners (http://graceadapartners.com). Il co-dirige l’activité d’investissement de la société, fournit une direction stratégique et supervise la recherche de capitaux pour le portefeuille de 2 000 000 SF d’actifs de la société en Californie du Nord.

Il va sans dire que la pandémie de coronavirus aura un impact durable sur l’avenir des bureaux tels que nous les connaissons. Bien qu’il soit prudent de supposer qu’un certain pourcentage d’utilisateurs de bureaux changera leurs préférences en matière d’immeuble quelles que soient les circonstances, la façon dont la pandémie affectera la demande globale de bureaux différera probablement davantage selon le type de bureau que l’emplacement géographique, ce qui est assez surprenant.

L’histoire nous apprend que les tendances vont et viennent par rapport à l’opportunité de vivre et de travailler. Par exemple, l’année 1947 fut mémorable pour le début de la construction de maisons à l’emporte-pièce dans les banlieues nord-américaines. Plus récemment, nous avons assisté à la résurgence du développement du logement urbain et à un regain d’intérêt pour l’habitat urbain. De même, en 1889, lorsque le premier immeuble de bureaux de grande hauteur a été construit à New York, il a marqué le début de l’ère des immeubles de bureaux de grande hauteur qui, depuis, ont défini les lignes d’horizon métropolitaines. Maintenant, en 2020, avec l’émergence d’une pandémie mondiale, il semble y avoir un changement majeur par rapport à l’ère de la domination du bureau en flèche.

Nous allons examiner ici trois types de bureaux : les gratte-ciels du centre-ville, les immeubles de faible hauteur en banlieue et les cabinets médicaux, afin d’étudier comment leur valeur et leur désirabilité changent par suite de la pandémie.

Les gratte-ciel du centre-ville

C’est la catégorie qui connaîtra la plus forte baisse de la valeur et de la demande des locataires parmi les trois types. Avec les succès initiaux de certains modèles de travail à domicile – peut-être à la surprise de certains employeurs – le déclassement vers un espace et(ou) un type de bureau moins coûteux permettra d’économiser les coûts qui étaient canalisés vers des espaces de bureau désormais facultatifs pour certains employeurs.   

Les immeubles de grande hauteur ont toujours offert leur part de complications, même avant le coronavirus. Elles sont réputées pour leur difficulté d’accès. Dans certaines grandes villes, les stationnements ou les garages peuvent être un cauchemar à naviguer, et les transports publics présentent leurs propres difficultés. Les transports publics peuvent être une forme de transport moins attrayante au milieu de la pandémie et même après. En outre, la distanciation physique dans les bureaux de grande hauteur pose davantage de problèmes étant donné la forte densité de personnes sur une surface limitée. Cette contrainte conduit à des problèmes croissants exacerbés par la COVID-19. Les immeubles de grande hauteur présentent de nombreuses contraintes fonctionnelles au-delà des couloirs étroits, des espaces restreints dans les zones communes générales et des agencements serrés pour les bureaux. Les systèmes d’aération peuvent maintenir l’ancien air en circulation dans les bureaux, ce qui permet aux maladies de se propager beaucoup plus facilement si le système de filtration est désuet ou défectueux. Les ascenseurs sont un microcosme de ce même problème. 

Les immeubles de faible hauteur en banlieue
Certaines des complexités inhérentes aux immeubles de grande hauteur peuvent amener certains locataires à reconsidérer si les immeubles de grande hauteur sont ou non la meilleure option pour eux. Ceux qui recherchent plus d’espace pour leurs employés peuvent se tourner vers les marchés secondaires, qui consistent généralement en des immeubles de faible hauteur dans une zone urbaine plus petite ou une communauté de banlieue. Il existe une abondance d’options pour ceux qui recherchent des immeubles de faible hauteur dans des zones moins densément peuplées dans les petites villes, en périphérie des grandes villes et dans les banlieues. En conséquence, nous pourrions assister, à court terme, à une augmentation de la demande d’immeubles de faible hauteur en banlieue (ce qui pourrait entraîner une hausse des prix pendant un certain temps). Il faudra probablement du temps pour que la demande de hautes tours augmente à nouveau, en particulier à court terme, car les entreprises cherchent des moyens d’assurer la sécurité de leurs employés et envisagent de disperser leurs bureaux en banlieue, à des prix plus abordables. 

Les hautes tours peuvent encore attirer de grandes entreprises qui apprécient les environnements de travail en personne et le prestige d’être situées à une adresse prestigieuse au cœur d’une grande ville. De même, les entreprises qui louent des immeubles de faible hauteur dans des villes plus petites ou en banlieue peuvent apprécier la flexibilité de louer un espace loin de la compacité d’un grand marché urbain. En général, il y a plus de terrains dans ces zones, ce qui permet d’établir des plans tenant compte de la COVID pour les nouvelles constructions ou les rénovations. En outre, si et quand les travailleurs quittent les marchés primaires pour des villes ou des banlieues plus petites, les entreprises peuvent vouloir rencontrer des talents là où ils vivent. Si nous constatons un déplacement prolongé vers les banlieues de la demande de tours de location dans les grandes villes, nous assisterons probablement à un certain rajustement des loyers dans les deux endroits.

Bureaux médicaux
Un troisième type de bureau à prendre en considération est celui des cabinets médicaux. Ceux-ci vont des cabinets dentaires aux cabinets thérapeutiques, des cabinets cliniques aux cabinets de chirurgiens spécialistes. Le domaine médical ne fait que croître, et la pandémie n’a fait qu’accélérer cette tendance. L’augmentation de la demande de bureaux médicaux suggère un besoin accru de développer davantage de sites de bureaux médicaux. De nouveaux bureaux sont en cours de construction – et continueront à l’être dans un avenir prévisible – pour répondre à la demande. Selon le Globe and Mail, le besoin de ces espaces commerciaux devrait augmenter à mesure que la population canadienne vieillit. Pendant la pandémie, les bureaux médicaux de faible hauteur, et plus particulièrement ceux d’un seul étage, ont la possibilité de laisser les gens attendre dehors s’il y a trop de monde à l’intérieur du bureau ou de la salle d’attente. C’est un luxe que n’ont pas les cabinets médicaux situés dans les tours et(ou) dans les villes surpeuplées.

En gardant ces trois types de bureaux à l’esprit, il est important d’examiner un autre aspect de l’immobilier : les propriétaires et le marché du logement. En observant les tendances de l’immobilier résidentiel, on obtient une image plus complète. Prenez Toronto, par exemple; dans une poignée de municipalités situées en dehors de la plus grande ville du Canada, les ventes de logements ont augmenté de plus de 40 % par rapport à l’année dernière (c’est-à-dire au début du mois de juillet 2020), selon un article du Global News. Cela montre une tendance à l’augmentation du nombre de personnes qui se déplacent vers les banlieues ou les zones rurales, en partie parce que leur emploi permet une plus grande flexibilité du travail à domicile.   

De plus, un récent article de CNBC souligne une tendance à court terme de l’augmentation du nombre de bureaux dans les banlieues. Avec le déménagement des gens vers les banlieues ou vers des marchés secondaires plus petits comme Windsor – où le prix moyen des maisons a augmenté de 19 % depuis juin 2019 – le désir de passer des tours d’habitation aux bureaux de banlieue pourrait se poursuivre, ce qui entraînerait également une augmentation de la demande de construction de bureaux de faible hauteur plus près de l’endroit où ces personnes vivent maintenant.

Certaines de ces tendances à court terme dans le domaine des bureaux et de l’immobilier pourraient avoir des ramifications à long terme. Selon Healthline.com, il faut en moyenne 66 jours pour prendre une bonne habitude et en faire une routine. La distanciation physique et le port du masque étant en place dans certaines régions du pays depuis plusieurs mois, cela pourrait laisser présager que la mentalité COVID survivra à la pandémie. Cependant, ceux qui, après avoir suivi un régime alimentaire ou un programme d’entraînement pendant plus de deux mois, ont régressé, savent que les habitudes peuvent mourir rapidement. Il est toujours possible que la perspective quotidienne des gens qui ont vécu et travaillé pendant la pandémie s’estompe une fois que les autorités auront assoupli les restrictions et que nous aurons retrouvé un certain sentiment de normalité. Ce sera le cas pour certaines personnes et entreprises. Toutefois, suffisamment de personnes ont déjà modifié inconsciemment leur façon de penser et d’agir en raison de la pandémie (par exemple en quittant les villes dans un délai relativement court) pour qu’il faille plus de temps pour revenir à la mentalité d’avant la COVID-19 – si jamais nous y revenons réellement. 

Les décisions des entreprises et des personnes qui changent de lieu de travail et de résidence pourraient très bien avoir un impact sur l’opportunité et la valeur des immeubles de bureaux dans tout le pays pour les années à venir.