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L’Intuition et son rôle dans la méthode de comparaison directe

Évaluation immobilière au Canada

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2022 – VOLUME 66 – Tome 4
L’Intuition et son rôle dans la méthode de comparaison directe
George Canning, AACI, P.App

Par George Canning, AACI, P. App., Canning Consultants Inc., London, ON

Après avoir étudié la méthode de comparaison directe (MCD) pendant 42 ans, je conclus qu’il s’agit d’un modèle d’évaluation à exécution intuitive. Les questions que le présent article tente d’expliquer concernent la partie du processus intuitif à laquelle on peut se fier, comment on pourrait l’améliorer et ce que l’on pense en général de l’intuition.

Nous pouvons tester le rôle de l’intuition en utilisant deux méthodes. La méthode « A » est celle de la grille d’ajustement, qui repose uniquement sur l’intuition. La méthode « B » a aussi une grille d’ajustement reposant sur l’intuition, mais elle comprend des mathématiques de base pour aider à orienter le « navire intuitif ».

Le bien visé est un immeuble de bureaux converti qui a été vendu le 29 mars 2021 pour 650 000 $ à London, Ontario. Il avait été annoncé dans un service interagences. L’immeuble, qui fait 2702 pieds carrés, existe depuis 128 ans. La dimension du lot est de 4004 pieds carrés. Il y a 800 pieds carrés de sous-sol fini. L’immeuble est situé sur la rue Oxford Est, qui est un important réseau routier artériel à quatre voies. L’immeuble avait servi de cabinet médical.

Les comparables sélectionnés sont comme suit :

COMPARABLE123456
VenduJanvier 2020Juin 2017Janvier 2018Mars 2020Mai 2019Mai 2019
Dimension de l’immeuble – pi ca342820102482291920694749
Âge de l’immeuble – ans104147114112125116
Sous-sol fini – pi ca1327891124112316851309
ZonageR3-1, R9-7, OR2, OC6, R02R2-2(7)OC4, R3AC4OC5, R3OC2, R3
Dim. lot – pi ca600080603833627065004980
Utilisation généraleDentaireMédicalDentaireBureau généralBureau généralCommerce
EmplacementVoie artérielleVoie artérielleNon-artérielleArtérielleArtérielleNon-artérielle
Prix de vente par pi ca d’immeuble233,37 $280,35 $266,92 $196,99 $312,71 $192,67 $

Avant toute analyse, sachons que la variance dans les prix de vente par pied carré d’immeuble était de 62 %. La date réelle de l’évaluation est le 9 février 2021. Nous avons sélectionné ces variables libres : emplacement, dimension de l’immeuble, âge l’immeuble, dimension du lot, sous-sol fini et condition. Elles ont été sélectionnées selon mon sens intuitif de ce que la plupart des acheteurs prendraient en consideration en faisant l’acquisition d’un bureau converti. Les ventes ont été rajustées en fonction

du temps, de 1 % par année.

LA MÉTHODE « A »

Vente123456
PdV par pi ca d’immeuble233,37  $280,35  $266,92  $196,99 $312,71 $192,67 $
Temps+1 %+4 %+3 %+1 %0 %+2 %
Rajust. temps235,70 $291,56 $274,93 $198,96 $312,71 $196,52 $
   RAJUSTMENTS   
Emplacement00000
Dim. immeuble00
Âge immeuble00000
Dimension lot+0
Sous-sol fini0+
Condition+++++++
Prix de vente rajusté290,00 $300,00  $280,00 $275,00 $325,00 $235,00 $

Nous avons comparé les caractéristiques de chaque vente à celles du bien visé. La conclusion, c’est que les indices no 1, 2 et 5 sont les meilleurs comparables. Quand les taux rajustés sont appliqués à la dimension de l’immeuble visé, nous obtenons une valeur marchande se situant entre 600 880 $ et 673 400 $. C’est une différence de 12 %. Nous avons commencé avec une variance de 62 % dans les prix de vente par pied carré d’immeuble. Ainsi, en y allant seulement par intuition, nous avons pu réduire considérablement la variance « d’entrée » des ventes. Le prix de vente réel de l’immeuble visé tombait dans cette fourchette.

LA MÉTHODE « B »

La méthode « B » employant l’analyse des points de qualité (PQ) adhère strictement à la MCD. Elle utilisera les mêmes variables libres que celles sélectionnées dans la méthode « B ». Les rajustements aux ventes ne sont pas +, – ou des termes comme plus bas, plus haut, ou égal. Le point de qualité utilise une échelle ordinale de 1-4-9-16-25-36-49. Cela fonctionne ainsi : toute vente montrant une caractéristique de variable libre similaire recevrait le même score. C’est comme mettre toutes les chemises blanches dans un panier, les bleues dans un autre, etc. Aucune valeur n’est associée à ce processus. Nous trions les variables libres pour les mettre dans le panier qui leur est destiné. Dans certains cas, c’est mauvais car nous avons compté seulement sur notre intuition. À ce stade-ci, il n’y a pas de comparaison directe avec le bien visé. Nous savons que les ventes sont comparables au bien et nous aborderons la question plus tard dans l’analyse. Nous bâtissons un modèle pour « expliquer » et « réduire » la variation dans les prix de vente des comparables. Les ventes ont été rajustées « en function du temps », tel qu’indiqué dans la méthode « A » (nous avions utilisé 1 % par année). La méthode « B » basée sur notre sens intuitif produit une série de pondérants, qui sont dérivés des ventes comparables à travers nos scores et un solutionneur. Voir l’illustration ci-dessous.

VARIABLES LIBRESMarché des pondérants
Emplacement(x                 0,41  )
Âge de l’immeuble(x                 0,33  )
Dimension de l’immeuble(x                 0,05  )
Condition(x                 0,16   )
Sous-sol fini(x                 0,05   )
  
 (x                 1,00   )

On ne peut pas dire que l’emplacement représente 0,41 ou 41 % de tous les prix de vente des comparables. Il n’y a pas de corrélation directe. Toutefois, ces pondérants nous dissent quelque chose sur la « force » de chaque variable libre. Notre examen des pondérants n’indique rien d’inhabituel. Les PQ peuvent être testés pour donner à l’intervenant une idée à savoir si nous allons dans la bonne direction. Il y a deux méthodes auxquelles se fier. La méthode no 1 consiste à surveiller la moyenne ajustée des prix de vente par pied carré d’immeuble. Voir l’illustration ci-dessous.

COEFFICIENT DE VARIANCE

MOYENNE DU PRIX DE VENTE RAJUSTÉ DES COMPARABLES
Moyenne17,00 $
Écart-type en dollars3,57 $
Coefficient de variance comme pourcentage de la moyenne21 %

La moyenne du prix de vente rajusté par pied carré d’immeuble est de 17,00 $ et l’écart-type ou la distance autour de la moyenne est de 3,87 $. Ce dernier montant est converti en un pourcentage de la moyenne (21 %). On l’appelle le coefficient de variance. Nous avons commencé avec une différence de 62 % autour du prix de vente par pied carré d’immeuble des ventes et, après tout notre dur travail, nous l’avons ramené à 21 %. Le test no 2 sert à prédire les prix de chaque vente par rapport au prix de vente rajusté en fonction du temps par pied carré d’immeuble pour chaque vente. Voir l’illustration ci-dessous.

TESTS RÉSIDUELS

PdV PAR PI CA DE COMPRABLES (APRÈS TEMPS)252,04 $285,96 $274,93 $198,96 $312,71 $196,53 $
PdV PROJETÉ PAR PI CA D’IMMEUBLE SELON NOTRE INTUITION295,33 $247,07 $283,44 $172,52 $252,54 $312,33 $
DIFFÉRENCE17,18 %13,60 %3,09 %13,28 %19,15 %58,93 %

Les différences entre deux séries de nombres ne sont pas acceptables. La seule qui soit encourageante est celle de l’indice no 3, à 3,09 %. Pour le reste, nous étions loin dans le champ.

SOMMAIRE DE BASE

Nous avons appliqué deux tests au modèle « B », qui indiquent que notre sens intuitif d’essayer de
« réduire » et « expliquer » la variation n’est pas très bon. Dans les deux modèles, nous avons 16 % et
21 % de variation inexpliquée dans le prix de vente par pied carré d’immeuble qui n’est pas imputée. Cela nous dit certainement que notre intuition n’est pas complètement mauvaise, mais pourquoi sommes-nous incapables d’expliquer un plus grand pourcentage de la différence dans les prix de vente par pied carré d’immeuble des ventes ?

Par souci de concision, nous avons pris d’autres décisions intuitives au sujet de nos ventes

qui ont amélioré notre MDC dans le modèle « B ». Elles étaient les suivantes :

  1. D’abord, nous avons constaté qu’il y a une relation inversée entre les prix de vente des comparables et leurs dimensions d’immeuble. Ce n’était pas évident dans le modèle « A ». Voir ci-dessous un diagramme de dispersion des données qui montre cela clairement.

Le PQ peut traiter ce phénomène de marché assez facilement. C’est beaucoup plus problématique d’utiliser le format de rajustement standard +/-, meilleur ou pire.

  • Nous avons aussi observé que le sous-sol fini et la dimension du site ne jouaient aucun rôle pour expliquer les différences dans les prix des comparables. Nous les avons simplement supprimés du modèle « B ».
  • Nous avons en outre découvert que les rajustements en fonction du temps que nous avions bien intégrés dans la méthode « A » n’étaient pas corrects après les avoir transposés dans la méthode « B ».

    Cela ne nous surprend pas, car le temps n’est pas uniforme dans le marché et, avec les PQ, nous pouvons faire un test de temps pour corriger le problème. En somme, c’est un processus d’essais-erreurs que de contrôler le coefficient de variance autour de la moyenne du prix de vente par pied carré d’immeuble des comparables. Après avoir apporté d’autres rajustements intuitifs au temps, nous avons été en mesure d’améliorer le coefficient de variance.

Si nous présumons avoir pris de meilleures décisions intuitives au sujet de l’analyse des ventes, nous pouvons alors refaire nos deux tests.

TESTS RÉsiduels

PdV PAR PI CA DE COMPRABLES (APRÈS TEMPS)235,71 $280,35 $266,92 $196,99 $312,71 $192,67 $
PdV PROJETÉ PAR PI CA D’IMMEUBLE SELON NOTRE INTUITION236,63 $282,28 $270,15 $197,64 $305,94 $191,93 $
DIFFÉRENCE0,39 %0,69 %1,21 %0,33 %2,16 %0,39 %

On peut voir dans le test ci-dessus que nous n’avons pas manqué par beaucoup quant à notre prediction après avoir réaligné notre intuition.

COEFFICIENT DE VARIANCE

MEAN ADJUSTED SELLING PRICE OF THE COMPARABLES
Moyenne14,76 $
Écart-type en dollars0,16 $
Coefficient de variance comme pourcentage de la moyenne1 %

Nous avons pu expliquer 99 % de la variation dans les prix de vente par pied carré d’immeuble des ventes. La méthode « B » finissait avec une fourchette de valeurs projetées de 651 000 $ à 666 000 $ pour le bien visé. Cette analyse n’apparaît pas ici.

Conclusions

Nous pouvons faire toutes sortes de déductions sur l’intuition et sur les deux modèles d’évaluation. Nous ne pouvons pas dire qu’un modèle est préférable à l’autre, car la différence réside dans le traitement de l’intuition.

Il est certain que l’intuition joue un rôle dans le processus d’évaluation. C’est très logique, parce que les évaluateurs vont développer une certaine compréhension des divers aspects de l’immobilier durant leur carrière, en se demandant, par exemple : Est-ce que le marché a monté ? Est-ce que la rue des Pins est toujours un aussi bon emplacement que la rue des Érables ? Est-ce que les acheteurs sont prêts à payer plus cher pour une propriété de plus grande dimension ? Toutes les questions sur l’immobilier mèneront éventuellement à la MCD. C’est un fait très réel sur notre secteur d’activité.

Nous savons aussi que personne ne possède un sens intuitif parfait pour chaque aspect de l’immobilier. Par conséquent, il faut conclure que pour chaque décision immobilière intuitive que ne prenons, il va se glisser des erreurs dans ce jugement.

Dans nos deux exemples d’analyse, l’auteur a pris les meilleures décisions pour les ventes dans les deux cas. Les deux méthodes ont aussi conduit l’auteur sur une fausse piste, tout simplement parce que son intuition était imparfaite. Cependant, plus de pensée intuitive, combinée à des tests de nos idées, nous a permis d’expliquer un très fort pourcentage des différences dans les prix de vente des comparables.

La seule leçon à retenir ici est que quelques simples tests mathématiques pourraient être la meilleure défense contre les mauvais jugements intuitifs en matière d’immobilier. En d’autres mots, l’intuition n’est pas absolue. Elle peut être poussée, tirée et frappée jusqu’à ce qu’elle nous aide à façonner les données sur lesquelles nous travaillons. Cela s’appelle l’analyse des données. Dans ce processus, l’intuition affine aussi nos compétences.