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Les répercussions de la transformation de l’industrie vinicole du Canada sur la valeur des terres de la Région du Niagara en Ontario

Évaluation immobilière au Canada

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2015 – Volume 59 – Tome 1
Les répercussions de la transformation de l’industrie vinicole du Canada sur la valeur des terres de la Région du Niagara en Ontario
Lisa Campbell

Par Lisa Campbell, AACI, P.App

Chaque bien agricole fait partie d’une industrie agricole, par exemple les grandes cultures (blé, maïs, soja, etc.), la production laitière, les fruits tendres ou l’horticulture. Chaque industrie agricole possède son histoire, qui a une incidence directe sur la valeur marchande (antérieure et actuelle) de ses biens. Le présent article vise à étudier la transformation de l’industrie vinicole du Canada sur une période de 24 ans, soit de 1989 à 2012, ainsi que les répercussions de l’histoire de cette industrie sur la valeur des terres agricoles visées dans la Région du Niagara, en Ontario, durant cette période.

À l’échelle mondiale, l’industrie vinicole du Canada est relativement petite avec ses 30 000 acres de terres vinicoles en 20061 comparativement, par exemple, à la France, dont les terres vinicoles atteignaient approximativement deux millions d’acres en 2012. Bien que de nombreuses provinces comptent de grandes régions vinicoles, l’Ontario détient la plus grande superficie sous vignobles grâce à ses 17 000 acres en 2013. Bien que la place qu’occupe le Canada au sein du marché mondial soit assez petite, la valeur à la ferme des raisins en Ontario est la plus élevée de ses industries fruitières sur une base annuelle, représentant ainsi 43 % de la valeur provinciale à la ferme de la production fruitière commerciale en 2012. En 2013, les ventes de raisins ont dépassé les 100 millions de dollars.2 En 2013, on rapporte que 97 % de la production totale a servi à la création de produits vinicoles, alors que le 3 % restant a été utilisé pour produire du jus, de la confiture et d’autres produits du raisin. L’Ontario compte de nombreuses régions vinicoles, dont la plus importante est la Région du Niagara grâce à ses 13 600 acres sous vignobles, qui équivalent à un peu moins de la moitié de la superficie totale au Canada, selon l’office de commercialisation Grape Growers of Ontario.

De nombreux fruits proviennent d’Amérique du Nord, dont la vitis labrusca, ou vigne lambruche. Historiquement, celles-ci étaient utilisées pour mettre au point des cultivars de raisin de type labrusca et hybride à des fins commerciales. Aujourd’hui, les cultivars de type Labrusca comprennent, entre autres, les vignes à raisins Niagara, Concord et Catawba, et ils conviennent très bien à la production de jus et de confitures. Toutefois, ces cultivars servaient également à produire des vins dans certaines régions d’Amérique du Nord, notamment le Canada, il y a de nombreuses années (la vigne Catawba est encore utilisée dans l’État de New York). La fermentation de ces raisins confère généralement à ces vins un goût rude et acide (c.-à-d. une odeur et une saveur corsée), d’ailleurs considérés par de nombreux adeptes de vins moins intéressants que les vins ne possédant pas cette caractéristique. Les raisins de type labrusca sont cultivés presque partout au Canada puisqu’ils sont très rustiques et résistent très bien aux hivers canadiens et aux gelées printanières; en effet, les vignes et les bourgeons présentent peu de dommages, donnant ainsi lieu à des rendements agricoles plus fiables d’une année à l’autre. Depuis le 19e siècle, l’industrie vinicole canadienne dépend grandement des cultivars de raisins commerciaux, à savoir des raisins issus de programmes de sélection dans le cadre desquels la vigne labusca et d’autres espèces ont été croisées avec des vignes européennes de l’espèce vinifera pour créer des cultivars dotés de meilleures caractéristiques liées au vin, plus robustes et moins rudes et acides. Les vignes De Chaunac, Seyval Blanc, Villard Noir et Vidal font partie de ces cultivars de raisins.

Il y a quarante ans, la production de ces vignes de type labrusca et hybrides présentaient peu de risques, permettant ainsi aux viticulteurs de profiter de marges bénéficiaires fiables. Lorsque les prix des produits furent suffisamment élevés, la fiabilité accrue des marges bénéficiaires associées à ces variétés a donné lieu à un modèle d’affaires lucratif pour les viticulteurs. Jusqu’à la fin des années 1980, les tarifs douaniers imposés par le Canada sur les produits internationaux protégeaient les vins canadiens contre la concurrence directe du marché et maintenaient les prix des raisins de type labrusca et hybrides artificiellement élevés au Canada. Par conséquent, les vignobles qui cultivaient des vignes de type labrusca ou hybrides ont récolté des profits plus élevés pendant cette période que s’ils avaient été soumis à une structure de prix dérivée du marché.

L’industrie canadienne du raisin et du vin à cette époque proposait des vins populaires produits à partir de raisins de type labrusca ou hybrides, tels que le Moody Blue et l’emblématique Baby Duck. Bien que certains vins originaux de l’ancienne industrie canadienne du vin se retrouvent encore sur les tablettes aujourd’hui, la conclusion de l’Accord de libre-échange (ALE) entre le Canada et les États-Unis en 1988 a sonné le glas de l’ancienne industrie canadienne du vin à cause de l’élimination des obstacles au commerce de produits américains.

Parmi les autres changements apportés aux lois gouvernementales peu après l’entrée en vigueur de l’ALE, notons l’interdiction des raisins de type labrusca dans la production des vins ontariens. Le marché des vins sucrés à forte teneur en alcool produits à partir de raisins de type labrusca ayant connu une importante baisse à cette époque, cette situation justifiait cette modification, sans oublier que les vins plus secs à faible teneur en alcool produits à partir de vignes européennes de type vinifera gagnaient en popularité en Ontario. Afin de rendre l’industrie vinicole concurrentielle sur le marché après la conclusion de l’ALE, la loi devait être remaniée de sorte à inciter les viticulteurs à passer d’un modèle d’affaires fondé sur les raisins de type labrusca à un autre fondé sur les raisins de type vinifera, de plus en plus populaires. Entre-temps, les gouvernements canadien et ontarien cherchaient à aider les viticulteurs pendant cette période de changements à l’industrie qu’ils ont institués en mettant en œuvre un vaste programme de retraits des raisins de 1989 à 1993, dans le cadre duquel les gouvernements fédéral et provinciaux payaient les viticulteurs pour qu’ils se débarrassent de leurs vignes de type labrusca. Plus de 8 500 acres de vignes ont été éliminés en vertu de ce programme. À la suite des changements exigés par les gouvernements, les viticulteurs ont commencé à cultiver des raisins de type vinifera de meilleure qualité de façon plus sérieuse.

Les raisins de type vinifera englobent plusieurs variétés de haute qualité provenant d’Europe, notamment les vignes à raisins Sauvignon Blanc, Chardonnay, Pinot Gris, Merlot, Cabernet Sauvignon et Carbernet Franc. Bien que l’on ait tenté de cultiver ces variétés au Canada au cours du 19e siècle, la présence d’insectes nuisibles, les hivers froids et les gelées printanières tardives ont endommagé gravement les vignes et en ont même tuées, entraînant ainsi l’abandon de cette pratique. L’ALE et le marché canadien pour des vins de haute qualité en développement ont donné lieu au remaniement de la pratique associée à la culture de raisins de type vinifera au Canada dans le but d’atteindre la viabilité économique de l’industrie vinicole canadienne à la suite de l’adoption de l’ALE.

Comme il a été mentionné précédemment, le climat du Canada ne convient pas, dans l’ensemble, à la culture de vignes de l’espèce vinifera, qui sont sensibles au froid. À quelques exceptions près, les hivers canadiens sont trop rudes et provoquent de hauts taux de mortalité chez ces variétés. La Région du Niagara de l’Ontario constitue l’un des rares endroits au Canada où le climat est favorable à la culture des raisins de type vinifera.

Une petite partie de la Région du Niagara jouit d’une température modérée grandement influencée par la frontière nord du lac Ontario. De plus, l’escarpement du Niagara longe la frontière sud des terres sous vignobles de la région. Ces caractéristiques topographiques protègent ces terres uniques de deux manières : en hiver, cette région est balayée par des vents chauds provenant du lac Ontario, qui ne gèle pas, et une pente nord résultant de l’escarpement dans le lac Ontario ralentit la production vinicole au printemps, réduisant ainsi le risque de gelées printanières. Des masses d’air chaud circulent parmi ces deux régions géographiques du nord au sud et provoquent un effet de convection dans les vents au niveau et au-dessus du sol, ce qui influence modérément le climat dans la région touchée et tempère les températures estivales et hivernales. Cette parcelle de terre est assez petite et en forme de tarte; elle longe de l’est vers l’ouest, sur près de 40 km, les rives du lac Ontario. La pente de l’escarpement se trouve à environ 10-12 kilomètres de l’extrémité est du lac Ontario. La zone touchée se rétrécit vers son extrémité ouest, où sa largeur varie d’un à trois kilomètres. La température de l’air de cette région au climat tempéré descend moins souvent sous la barre des -20 degrés Celsius et -25 degrés Celsius que celle des régions se trouvant en haut de l’escarpement au sud et des régions à proximité. L’industrie vinicole de cette région doit tenir compte de cette plage de températures, car il s’agit habituellement des températures auxquelles des dommages importants peuvent être causés aux vignes de l’espèce vinifera et elles peuvent même être à l’origine de leur perte. Dans le présent article, la région rurale touchée sera appelée « zone d’étude ». Veuillez prendre note que bien que la région en forme de tarte mentionnée ci-dessus abrite de nombreuses communautés urbaines et semi-urbaines, la zone d’étude fait référence seulement aux terres rurales sous vignobles situées à l’intérieur des frontières de la région touchée.

À l’intérieur de cette zone relativement petite, l’effet de convection observé dans la région modère la température de certaines sections de la zone d’étude plus que d’autres. Dans les sections où l’effet de convection modère grandement la température, le climat est alors considéré comme approprié à la culture de vignes de l’espèce vinifera, alors que les sections où la température est plus basse pendant l’hiver et les premiers mois de printemps se prêtent moins bien à ce type de culture. Dans ce dernier cas, les risques associés à la température sont plus élevés dans le cadre de la culture de ces plantes. Puisque les zones climatiques touchées par cet effet de convection sont très petites, ces différentes régions sont généralement appelées « mésoclimats ».

Les coûts liés à la construction d’un vignoble produisant des vignes de type vinifera ont récemment été évalués à 29 000 $/acre et ne comprennent pas l’achat de la terre (selon les chiffres pour l’année 2009 du ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario). Cette estimation tient également compte de la période d’attente de quatre ans avant que les vignes atteignent leur pleine maturité. Par conséquent, les coûts de construction d’un vignoble sont habituellement considérés comme importants et peuvent dépasser le million de dollars pour un vignoble de 40 acres, par exemple. En prenant en considération les différences au niveau des risques de dommages causés par l’hiver et les gelées aux vignes de différents vignobles de la zone d’étude, les risques financiers des viticulteurs associés à la culture de raisins de type vinifera peuvent varier grandement, même si les vignobles sont séparés par quelques kilomètres seulement. Les dommages aux bourgeons provoqués par l’hiver ou une gelée printanière peuvent résulter en une période d’attente d’un an avant que la partie endommagée de la vigne se remette à produire; des dommages plus importants pourraient entraîner la coupe de la vigne à sa base ou son remplacement par une nouvelle vigne. Le cas échéant, le viticulteur devra attendre de trois à quatre ans avant que la vigne produise pleinement. Ainsi, pendant la période de 1989 à 1993, un marché immobilier unique, dont les valeurs étaient majoritairement fondées sur le climat au lieu du potentiel de développement, de la proximité des centres urbains ou même du sol, a fait son apparition dans la Région du Niagara en Ontario.

La Figure 1 démontre une carte de la région touchée par l’effet de convection du Niagara, à savoir la zone d’étude. Elle est fondée sur la carte climatique Choix du terrain pour l’implantation d’un vignoble dans la péninsule de Niagara établie par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario en 1976 et révisée pour la dernière fois en 2009. Des illustrations ont été ajoutées aux fins de discussion. Les sections A à D de la zone d’étude sont situées dans la ville de Lincoln, alors que les sections 1, 2 et 3 se trouvent dans la ville de Niagara-on-the-Lake. À Lincoln, deux sections sont bien tempérées : la section A, située près des effets modérateurs le long de la rive du lac Ontario, et la section D, qui longe la pointe de l’escarpement, où l’air froid se déplace rapidement le long de l’escarpement pour se diriger plus au nord.

Dans la deuxième partie du présent article, la section D a été divisée en deux parties, à savoir la section D ouest et la section D est, car, même si ces deux parties se ressemblent beaucoup sur le plan du climat, les tendances relatives aux valeurs unitaires observées dans l’extrémité ouest de la section D diffèrent grandement de celles constatées à l’extrémité est de la section tout au long de l’étude. Quant aux sections B et C, elles subissent moins de modération, mais elles peuvent convenir à certains cas : spécifiquement, la section C, légèrement en pente vers le nord, est habituellement supérieure à la section B, dont le terrain de niveau favorise le maintien de l’air froid dans cette région. En ce qui a trait aux sections de Niagara-on-the-Lake, la section 1 est généralement considérée comme bien modérée (de par sa situation près des effets modérateurs de la rive du lac Ontario), alors que les sections 2 et 3 subissent moins de modération, mais elles peuvent convenir à certains cas. L’ensemble de la région de Niagara-on-the-Lake faisant partie de la zone d’étude possède un terrain de niveau.

Figure 1 : Carte climatique de la zone d’étude

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Le présent article se penche sur les tendances relatives à la valeur des terrains de la zone d’étude au cours des 24 années d’existence d’une nouvelle industrie canadienne quelque peu expérimentale. L’étude vise à déterminer les tendances liées à la valeur des terrains achetés en vue de la culture de raisins pour la vinification à compter de la date du remaniement de l’industrie du raisin et du vin du Niagara en 1989 (peu après l’entrée en vigueur de l’ALE) jusqu’à la fin de 2012. Toutes les ventes de terres agricoles vacantes dans la zone d’étude ont été prises en considération dans le cadre de cette analyse; cependant, seules les ventes de terrains dont l’utilisation optimale consistait en la culture de raisins ont été utilisées.

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Afin d’évaluer l’utilisation optimale d’une terre agricole de la zone d’étude, une analyse de sa superficie a été effectuée. Les terres de la zone d’étude sont habituellement très petites comparativement au reste du Canada. Dans la zone d’étude, une terre d’un acre sur laquelle une résidence rurale pourrait être construite aura une valeur unitaire par acre élevée. Par conséquent, la valeur par acre d’une terre diminuera plus la superficie de celle-ci est grande, en supposant que l’emplacement, le sol, les caractéristiques topographiques et la possibilité de construire une maison rurale sont uniformes. À l’exception de la section 3, la valeur par acre des terrains de plus de 15 acres a tendance à se stabiliser (en supposant encore une fois que l’emplacement, le sol, les caractéristiques topographiques et la possibilité de construire une maison rurale sont uniformes); à partir de 15 acres, la superficie du terrain a peu de répercussions sur la valeur unitaire des terrains de la zone d’étude. Ainsi, les terres arables de 15 acres ou plus de toutes les sections ont été prises en considération pendant l’étude, à l’exception de la section 3, où les terres considérées légales pour la construction d’une résidence unifamiliale ont été examinées.

Tout au long de l’étude, il a été constaté que les faibles valeurs unitaires des terres agricoles se stabilisaient lorsque la superficie de la terre était supérieure à 25 acres; par conséquent, dans la section 3, seules les terres arables de 25 acres ou plus ont été prises en considération pendant l’étude. De plus, quelques ventes de terres plus petites zonées pour l’utilisation agricole (c.-à-d. que la construction d’une résidence unifamiliale n’était pas permise) ont été incluses dans les données de vente en raison de l’uniformité des valeurs unitaires de ces ventes et des ventes de terrains constructibles mentionnés ci-dessus.

La prochaine étape de l’estimation de l’utilisation optimale consiste à analyser le sol de la terre. Les vignes de l’espèce vinifera peuvent pousser dans une variété de sols, notamment les sols limoneux-sableux, le limon argilo-siliceux, le loam argileux et les lourds sols argileux, de la zone d’étude. Il faut noter que les viticulteurs qui cultivent des vignes de l’espèce vinifera dans la majorité des types de sol de la zone d’étude ne semblent pas avoir de difficultés à atteindre le taux de productivité généralement admis. Seuls les lourds sols argileux, qui se retrouvent exclusivement dans la section 3, peuvent réduire le taux de productivité en dessous de la norme de l’industrie locale. La pierrosité des sols ne constitue pas un facteur dans la zone d’étude, tout comme la topographie des terres, puisque la grande majorité de la topographie de la zone d’étude est à niveau et que les terres en pente considérées appropriées à la culture ont été éliminées aux fins de l’utilisation agricole avant la tenue de l’étude.

La troisième étape de l’estimation de l’utilisation optimale d’une terre agricole de la zone d’étude consiste à exclure celles dont l’utilisation optimale n’est pas la culture de vignes au moment de la vente. Historiquement, l’industrie vinicole et l’industrie de la pêche de la Région du Niagara se disputent les terres agricoles de la zone d’étude; ainsi, il était nécessaire de se pencher sur une utilisation optimale de rechange, soit la culture des pêches. La culture de la pêche et de la nectarine s’est avérée très lucrative pendant la durée de l’étude.3

Pendant ce temps, seules les terres très sablonneuses étaient considérées appropriées pour la culture de la pêche dans la zone d’étude. La nature lucrative de cette industrie, combinée au nombre limité de terres propices à cette utilisation, ont résulté en la vente de terres convenant à la culture de la pêche et de la nectarine à des prix unitaires généralement plus élevés que celles n’étant pas sablonneuses pendant une grande partie de la période d’étude. Par conséquent, tout au long de l’étude, les ventes de terres au sol limoneux-sableux achetées pour la culture de la pêche et de la nectarine dans la zone d’étude étaient considérées comme possédant une utilisation optimale autre que la culture de vignes; elles ne sont donc pas comprises dans l’ensemble de données. Au contraire, si l’auteure était mise au courant qu’une terre sablonneuse avait été achetée aux fins de la culture du raisin, celle-ci était alors incluse dans l’ensemble de données.

Par ailleurs, l’industrie vinicole de la Région du Niagara partage le marché des terres agricoles de la zone d’étude avec l’industrie des cultures de serre. Historiquement, la zone d’étude est considérée favorable à la construction de serres en raison de son climat modéré (qui réduit les coûts énergétiques) et de sa proximité de Toronto et des États-Unis. Le sol ne représente pas un enjeu important dans le processus décisionnel lié à l’achat de serre, à moins que les cultures basses fassent partie du plan d’affaires proposé par l’éventuel exploitant de serre. Cependant, l’exposition quasi-commerciale peut donner lieu à une visibilité commerciale accrue et à une meilleure accessibilité, et hausser la valeur unitaire payée pour une serre. Ainsi, les terres jouissant d’une bonne exposition quasi-commerciale achetées aux fins de la construction d’une serre dans la zone d’étude ne sont pas comprises dans l’ensemble de données.

La sélection d’un site pour y établir un vignoble peut aussi tirer profit de l’exposition quasi-commerciale. Une telle exposition accroît la visibilité commerciale, le prestige et les ventes sur place, résultant ainsi en une hausse importante du prix de ces sites. L’inclusion de terres jouissant d’une bonne exposition quasi-commerciale dans l’ensemble de données aurait faussé inutilement les résultats de l’étude. Par conséquent, toutes les ventes de terres jouissant d’une telle exposition achetées aux fins de l’établissement d’un vignoble n’ont pas été incluses dans l’ensemble de données.

Ainsi, lors de l’examen de toutes les ventes de terres agricoles vacantes dans la zone d’étude de 1989 à 2012 conformément aux paramètres ci-dessous, 101 ventes ont été incluses dans l’ensemble de données. La superficie des terres sur lesquelles les données sont basées varie de 2,12 à 98,96 acres, la majorité se situant entre 15 et 98,96 acres.

L’étude tient compte des vendeurs et acheteurs typiques du marché. Les principaux intervenants de l’industrie vinicole de la Région du Niagara sont les suivants : les producteurs ou viticulteurs souhaitant agrandir ou réduire leurs propriétés agricoles existantes, et les investisseurs souhaitant établir un vignoble4 ou investir dans une terre. Le terme « investisseurs » fait référence aux investisseurs particuliers et aux partenariats d’investissement de l’Ontario et d’autres régions du monde.

À partir de ce point de la méthodologie de l’étude, des ajustements ont été apportés aux ventes de terres non arables incluses dans l’ensemble de données, puisque dans ce marché, pendant la période d’étude, les terres non arables étant généralement considérées comme beaucoup moins polyvalentes que les terres arables, les vendeurs et acheteurs se servaient de cet argument au moment de la négociation du prix de vente. En particulier, la section D dans Lincoln comporte de nombreuses terres non arables escarpées et densément boisées.

En outre, des ajustements ont été faits en fonction des ventes de terres non arables semblables dans la zone d’étude sur lesquelles aucune résidence ne pouvait être construite (en d’autres mots, ces terres servaient seulement à des fins récréatives ou environnementales). Dans quelques cas, des ajustements ont été faits en raison de la culture de vignes de l’espèce vinifera sur de petites superficies, conformément à la valeur contributive des vignes résultant du marché. Dans un cas particulier, un ajustement a été apporté à une petite résidence en fonction de sa valeur contributive découlant du marché.

À partir de ce point, le prix de vente moyen pondéré par acre pour chaque zone pendant chaque année de la période d’étude a été déterminé à partir de la somme totale des prix de vente ajustés payés pendant l’année dans chaque section divisée par le nombre total d’acres vendus dans cette section pendant l’année. Jusqu’à la fin du présent article, le prix de vente annuel moyen par acre constitue la moyenne pondérée. Les prix de vente annuels moyens par acre observés dans les différentes sections de la zone d’étude sont énoncés dans les tableaux des Figures 2 et 3, qui font référence aux parties de la zone d’étude situées à Niagara-on-the-Lake et à Lincoln respectivement.

Ainsi, l’étude se penche sur le remaniement de l’industrie vinicole de la Région du Niagara et de ses répercussions sur la valeur des terres agricoles vacantes se trouvant dans la zone d’étude pendant la période de 24 ans suivant immédiatement la conclusion de l’ALE. Les résultats de l’étude portent en gros sur cinq périodes : de 1989 à 1993, de 1994 à 1997, de 1998 à 2002, de 2003 à 2008 et de 2009 à 2012.

De 1989 à 1993

Les années 1989 à 1993 ont été choisies comme première période d’étude en raison de la fin du programme de retrait des raisins mentionné précédemment en 1993; par conséquent, l’ensemble de cette période était alors consacré à la transition précoce de l’industrie vinicole. D’ailleurs, à cette époque, le marché des raisins de type labrusca et hybrides était saturé. Très peu de ventes de terres propices à la culture de raisins ont été observées pendant cette période, et les prix de vente variaient de 2 500 $ à 8 500 $ par acre dans la zone d’étude. Le prix le plus bas d’environ 2 500 $ par acre a été noté dans la section 3, dont le climat est quelque peu modéré, de Niagara-on-the-Lake, alors que le prix des terres se trouvant dans la section B, également quelque peu modérée, de Lincoln fluctuaient entre 5 500 $ et 8 500 $ approximativement par acre. Les valeurs unitaires sont demeurées assez constantes pendant cette période; il semble que les participants au marché aient reconnu l’offre excédentaire de raisins de type labrusca et hybrides depuis un certain temps, alors que les revenus nets potentiels tirés de la culture de vignes de l’espèce vinifera n’avaient pas encore été reconnus au sein du marché. Entre-temps, l’industrie vinicole dans la Région du Niagara en était à ses balbutiements : avant 1989, il existait environ dix vignobles et sept ont vu le jour pendant cette période; on comptait donc 17 vignobles en 1993.

De 1994 à 1997

De 1994 à 1997, le nombre de terres vendues a augmenté, bien que les seules hausses considérables des valeurs unitaires aient été remarquées dans la section 2, dont le climat est quelque peu modéré, de Niagara-on-the-Lake. Dans cette section, les valeurs unitaires ont plus que doublé; la valeur unitaire moyenne d’environ 3 000 $ par acre en 1993 a cru pour atteindre près de 8 000 $ par acre en 1997. Pendant cette période, la possibilité de tirer des revenus de la culture de vignes de type vinifera devenait de plus en plus reconnue. L’accroissement des ventes de terres par rapport à la période précédente a été constaté dans presque toutes les régions de culture de vignes de l’espèce vinifera de la Région du Niagara. Les valeurs unitaires de deux des zones climatiques les plus froides de la zone d’étude (la section B de Lincoln et la section 3 de Niagara-on-the-Lake) étaient inférieures à celles des sections plus modérées, dans la plupart des cas. De plus, une des régions climatiques les plus modérées, la section D (qui englobe la section D ouest et la section D est comme illustré à la Figure 3), généralement reconnue comme le point de référence à Lincoln, possédait des valeurs unitaires assez semblables à celles des autres sections de Lincoln. Cette situation vient du fait que, avant le remaniement de l’industrie vinicole, bien que la zone de référence était considérée comme pittoresque, du point de vue agricole, ses possibilités de revenus étaient limitées en raison de son sol limoneux, de ses pentes et de la prévalence d’un ravin. Les débuts de la viticulture étaient difficiles pendant cette période; seuls cinq vignobles ont été établis de 1994 à 1997.

De 1998 à 2002

De 1998 à 2002, l’industrie vinicole de la région a connu une croissance rapide : 25 vignobles ont ouvert leurs portes. Le manque de terres et la reconnaissance des revenus potentiels tirés de l’industrie vinicole remaniée ont contribué à la hausse importante des prix. Les augmentations ont été assez constantes dans toutes les sections de la zone d’étude où se sont produites des ventes au cours de cette période. Il a été remarqué que, dans la section 1 de Niagara-on-the-Lake, considérée comme possédant l’un des mésoclimats les plus modérés de la zone d’étude, les valeurs unitaires ont presque doublé, la valeur unitaire moyenne atteignant approximativement 8 000 $ par acre en 1997 et s’élevant à presque 16 000 $ par acre en 2002. Les valeurs unitaires de la section B de Lincoln, dont le mésoclimat est l’un des moins modérés, ont connu une importante hausse entre 1997 et 2000 et se sont par la suite stabilisées après avoir connu des fluctuations pendant les périodes précédentes. De même, les valeurs unitaires observées dans la section 3 de Niagara-on-the-Lake, également considérée comme possédant l’un des mésoclimats les moins modérés au cours de cette période, ont aussi connu une hausse fulgurante. En 1997, la valeur unitaire moyenne dans la section 3 se situait à environ 3 000 $ par acre. En 2002, elles avaient plus que doublé. Entre-temps, ce sont les valeurs unitaires de la section D qui ont le plus augmenté; en effet, les valeurs unitaires de la section D ouest ont triplé entre 1996 et 2000.

Bien qu’ayant été décrite comme une région pittoresque aux revenus agricoles potentiels limités en raison de sa topographie, de ses sols et de la prévalence de terres non arables densément boisées, de nombreux vignobles ont ouvert leurs portes dans une petite partie de cette région, rehaussant ainsi son niveau de prestige. Également, bien qu’aucun vignoble ne se trouvait dans la section D est, ses valeurs unitaires ont tout de même triplé entre 1997 et 2002 grâce à son point de référence local hautement modéré sur le plan climatique. Par conséquent, pendant la période d’étude, les participants au marché ont poussé les prix des terres jugées propices à cette industrie à la hausse de façon rapide et constante dans toutes les sections de la zone d’étude. Les données indiquent que, tout au long de cette période, la perception à l’égard de l’utilité de la zone où sont cultivées des vignes de l’espèce vinifera dans la Région du Niagara s’est grandement montrée favorable.

De 2003 à 2008

Des changements considérables ont commencé à être apportés au marché des terres de l’industrie vinicole au cours du printemps 2003, alors qu’il était devenu évident que quelques nuits très froides pendant l’hiver précédent avait entraîné la première perte de récolte importante liée au froid de l’industrie. Bien que seuls les bourgeons de certaines cultures aient été endommagés, d’autres ont subi des dégâts plus importants, nécessitant même dans quelques cas le remplacement des vignes. Ce fut un coup important porté à la nouvelle industrie de vignes vinifera de la Région du Niagara. Dans le cas des bourgeons endommagés, il fallu attendre l’année suivante pour obtenir une récolte. Les vignes présentant des dommages plus sérieux ont parfois dû être coupées jusqu’à la base de la plante, et une période d’attente de trois ou quatre ans fût alors requise avant que le rendement des vignes soit optimal. Le remplacement des vignes sous-entend une période d’attente de quatre ou cinq avant que le rendement des vignes atteigne son apogée. Quelques propriétaires de vignobles entreprenants ont acheté et installé des éoliennes sur leurs terres, à un coût initial de 30 000 $ à 35 000 $ chacune, sans compter les coûts d’exploitation. Bien que la présence d’une éolienne puisse diminuer la possibilité de dommages causés par l’hiver à une zone de 5 à 15 acres, le fait qu’il s’agissait de la première année où des dégâts importants causés par l’hiver avaient été observés dans l’histoire de l’industrie remaniée a rendu de nombreux propriétaires de vignobles réticents à acheter cet équipement. L’industrie vinicole de la Région du Niagara subissait alors sa première crise de croissance et aspirait à acquérir une maturité durement gagnée.  Ainsi, au cours du printemps 2003, près de 15 ans après le remaniement de l’industrie, le niveau de connaissances sur les risques climatiques liés à l’emplacement au sein du marché a cru.

Ensuite, vers la fin de l’hiver 2004-2005, des nuits plus froides que celles de l’hiver 2002-2003 ont causé des dommages plus importants. Cette fois-ci, la perte de récolte qui en a résulté fut dévastatrice.  Au total, en 2005, le rendement global provincial de la transformation de raisins a chuté de 54 % par rapport à 2004, principalement en raison des dommages causés par l’hiver aux dix millions de vignes approximativement à ce moment-là.5 La Région du Niagara a connu sa part de dévastation.

Les statistiques de vente soulignent que, pendant la période de 2003 à 2008, les valeurs unitaires ont poursuivi leur ascension dans la plupart des sections de la zone d’étude (à l’exception de la section D ouest de Lincoln) à un rythme beaucoup plus lent qu’au cours de la période précédente. Ce phénomène découle en partie des nombreux dommages aux vignes causés par l’hiver en 2002-2003 et en 2004-2005. À Niagara‐on‐the‐Lake, les dommages les plus considérables après ces deux hivers ont été constatés dans la section 3. Avant ces deux hivers, la section 3 était estimée par de nombreux participants au marché comme un emplacement assez propice à la culture de vignes de l’espèce vinifera sensibles; ce raisonnement s’est reflété dans les valeurs unitaires, qui ne cessaient d’augmenter de 1997 à 2002. Toutefois, cette zone s’est avérée moins propice à ce type de culture après les dommages causés par l’hiver, puisque les pertes de récolte/vignes les plus importantes se sont produites dans cette section. Les statistiques démontent que, bien que les valeurs unitaires par acre des terres de la section 2 (située à côté de la section 3) aient continué de croître durant la période de 2003 à 2008, celles de la section 3 ont augmenté à un rythme plus lent. Par conséquent, la différence à l’égard des valeurs unitaires atteignables entre ces deux zones s’est accrue. Entre-temps, les valeurs foncières ont augmenté de manière constante dans la plupart des sections de Lincoln durant cette période, à l’exception de la section D ouest (la zone à l’ouest du point de référence), qui a vu ses valeurs unitaires presque doubler par rapport à la période précédente. La hausse importante remarquée dans la section D ouest au cours de cette période résultait du mûrissement de l’industrie vinicole de la Région du Niagara, de l’excellente demande du marché à l’égard de terres jouissant d’un climat bien modéré et de la diminution importante de l’offre de terres propices à la culture de raisins dans cette zone maintenant considérée prestigieuse; en effet, les terres arables vacantes s’y faisaient rares en 2005. Entre-temps, les ventes dans la section B signalent une augmentation de 20 % à 25 % des valeurs unitaires de 2002 à 2005, et la tendance s’est poursuivie par la suite. De même, les ventes dans la section D est soulignent une hausse de 15 % à 20 % des valeurs unitaires de 2002 à 2005. De façon intéressante, les données montrent que les valeurs unitaires des terres des sections A et C ont plus que doublé entre 1997 et 2004-2005, la hausse la plus importante étant observée de 1998 à 2002. Jusqu’en 2004-2005, celle-ci n’était pas évidente à cause de l’absence de ventes dans ces zones. Dans l’ensemble, la tendance montre une augmentation assez constante des valeurs unitaires pendant cette période dans toutes les sections de Lincoln, à l’exception de la section D ouest.

En raison des dommages importants causés aux vignes et aux bourgeons dans la Région du Niagara au cours des hivers 2002-2003 et 2004-2005, l’installation d’éoliennes dans la zone d’étude s’est grandement répandue. On juge probable qu’en l’absence d’éoliennes dans l’industrie vinicole remaniée de la Région du Niagara, les risques liés au froid hivernal auraient eu une incidence accrue sur les valeurs unitaires dans la zone d’étude à long terme. De plus, à cause de ces dommages, les intervenants de l’industrie ont dû redoubler d’efforts pour mettre au point de meilleures pratiques de culture, contribuant ainsi à l’accroissement de la profitabilité de la culture de vignes de l’espèce vinifera et de la stabilisation des valeurs unitaires.

De 2009 à 2012

Pendant la plus récente période de 2009 à 2012, le marché foncier de la région vinicole du Niagara a montré des signes de mûrissement; en effet, le prix des terres de la section B de Lincoln et de la section 2 de Niagara-on-the-Lake a augmenté, alors que le prix des terres de la section C de Lincoln et de la section 3 de Niagara-on-the-Lake avait baissé. Cependant, durant cette période, des vendeurs motivés ont fait leur entrée sur le marché, en raison en partie de la fermeture de la conserverie de la région en 2008 (la seule conserverie de fruits à l’est de la Colombie-Britannique) et de la séquestre d’un grand vignoble coopératif local au cours de la même année. Ces deux événements ont entraîné, du moins en partie, la variabilité du prix des terres durant cette période. À Lincoln, le manque de terres non ensemencées le long de l’extrémité ouest du point de référence explique l’absence de ventes dans la section D ouest de 2009 à 2012. 

Conclusions de l’étude

Les changements apportés par le gouvernement à l’industrie vinicole du Canada de 1988 à 1993 ont eu d’importantes répercussions sur les vendeurs et acheteurs du marché agricole de la zone d’étude de la Région du Niagara. Évidemment, il a fallu du temps avant que les perceptions du marché évoluent après la mise en place de ces changements initiaux, mais elles ont donné lieu à des prix par acre de terre raisonnables dans ce marché particulier. De 1989 à 1993, ce marché stagnait en raison du nombre restreint de ventes. De 1994 à 1997, bien que les ventes se soient accrues, une hausse considérable des valeurs unitaires a été constatée dans une seule section de la zone d’étude. La tendance liée à l’accroissement des valeurs unitaires s’est répandue dans toutes les sections de la zone d’étude de 1998 à 2002 en raison de l’expansion de l’industrie et des perceptions prometteuses des joueurs du marché à l’égard des récompenses prévues à la suite d’achat de terres dans toutes les sections. Les dommages causés par l’hiver en 2002-2003 et en 2004-2005 ont fait clairement ressortir le niveau réel de risques climatiques auquel est confronté l’industrie vinicole remaniée de la Région du Niagara. On a rapporté que les intervenants du marché du raisin et du vin connaissaient ces risques avant la conclusion de l’ALE. Toutefois, les risques ont évidemment été oubliés par ceux emportés par l’enthousiasme lié à l’achat de terres vinicoles, en raison en partie du fait que les nouveaux intervenants du marché après l’entrée en vigueur de l’ALE n’avaient pas connu d’hiver rigoureux causant des dommages. Les événements dramatiques qui découlent de ces deux hivers ont mené à deux progrès technologiques au sein du marché : la reconnaissance par le marché de la nécessité des éoliennes et l’élaboration de meilleures pratiques agricoles dans l’industrie. Ces deux progrès ont contribué à la viabilité économique du marché depuis cette période. Ainsi, la présente étude souligne les effets liés aux changements apportés aux connaissances et aux technologies du marché sur la valeur des terres agricoles.

La présente étude se penche également sur l’analyse de l’utilisation optimale et de ses répercussions sur la qualité marchande d’une terre sur le marché. Bien que l’évidence de ce point se manifeste dans l’ensemble des données de l’étude, c’est particulièrement le cas pour la section D ouest. Avant le remaniement de l’industrie vinicole de la Région du Niagara, l’utilisation optimale de la plupart des terres agricoles de l’ensemble de la section D était considérée comme la culture de fruits de verger (pommes, prunes ou poires) ou de raisins de type labrusca ou hybrides. Le lecteur peut constater que les valeurs unitaires typiques observées dans cette section en 1996/1997, quelques années après le remaniement de l’industrie vinicole de la Région du Niagara, sont mentionnées. À mesure que l’industrie vinicole prenait de la vigueur, il a été reconnu que la zone de référence jouissait des meilleures conditions climatiques de la zone d’étude, réduisant ainsi les risques de dommages ou de mortalité des vignes de l’espèce vinifera, et était en majorité constituée d’un sol argileux limoneux favorable à la culture de ces vignes. Ainsi, les valeurs unitaires des terres arables ont cru plus rapidement dans la section D que toute autre section de la zone d’étude de 1996-1997 à la fin de 2002. Entre-temps, le manque de terres non ensemencées dans la section D ouest a fait grimper les valeurs unitaires. La demande élevée à l’égard de terres dans la section D ouest, découlant d’une combinaison des climats et sols propices à la culture, de l’attrait esthétique et du prestige (associé à l’emplacement antérieur de nombreux vignobles dans cette petite région), a entraîné une pénurie de terres, faisant ainsi croître encore plus les valeurs unitaires. En date de 2012, les valeurs unitaires les plus élevées pour des terres agricoles dans la zone d’étude ont été observées dans la section D ouest.

L’étude porte également sur les répercussions des lois gouvernementales sur l’utilisation optimale des terres agricoles. Avant la conclusion de l’ALE, le prix des variétés de raisins de type labrusca et hybrides étaient assez élevés en raison des obstacles au commerce mis en place par le gouvernement à des fins de protection. Ainsi, la culture de raisins de type labrusca ou hybrides constituait souvent l’utilisation optimale des terres se trouvant dans la zone d’étude. Cependant, à la suite de l’entrée en vigueur de l’ALE et de l’interdiction résultante des raisins de type labrusca dans la production des vins ontariens, le prix des raisins de type labrusca et hybrides a chuté dans la zone d’étude. Par conséquent, le marché a dû se tourner vers des utilisations optimales de rechange pour les terres agricoles situées dans la zone d’étude, menant ainsi au remaniement de l’industrie vinicole de la Région du Niagara avec l’introduction de raisins de l’espèce vinifera.

De plus, l’étude met en lumière le fait que, lors de l’évaluation de biens sur les marchés immobiliers agricoles, l’évaluateur doit être conscient des fondements de l’opinion quant à la valeur des intervenants du marché. L’utilisation optimale déterminée pour une terre agricole vendue située dans la zone d’étude est fondée sur la viabilité économique perçue d’une utilisation particulière proposée à la date de la vente. Cela est assez typique de nombreux marchés agricoles du sud de l’Ontario. En d’autres mots, lorsqu’il envisage l’achat d’une terre agricole, l’acheteur potentiel se demande si la terre sera économiquement viable pour une utilisation particulière proposée, à compter de la date d’entrée en vigueur. La réponse à cette question posée dans un grand nombre de marchés immobiliers agricoles de l’ensemble de l’Ontario trouve souvent son origine dans l’analyse des sols, du climat, de la proximité aux marchés ou zones urbaines, entre autres. Dans le cas du marché de la zone d’étude, le climat, la superficie des terres et la rareté constituaient les facteurs les plus déterminants.

Il incombe à l’évaluateur d’analyser de manière appropriée les forces sous-jacentes qui influencent la valeur sur le marché lors de l’évaluation d’un bien agricole. La présente étude fait ressortir le fait que, lorsque des changements se produisent au sein du marché à la suite de modifications apportées aux connaissances du marché, à la technologie, aux lois gouvernementales ou à l’offre et à la demande, l’évaluateur doit en tenir compte lors de son analyse du marché, à la date d’entrée en vigueur de l’évaluation.

Figure 2 : Niagara‐on‐the‐Lake – Prix de vente par acre annuels moyens des terres propices à la culture de raisins dans la zone d’étude de 1989 à 2012

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Figure 3 : Lincoln – Prix de vente par acre annuels moyens des terres propices à la culture de raisins dans la zone d’étude de 1989 à 2012

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Notes

1 Statistique Canada, Recensement de l’agriculture, 2006

2 Industry Facts, site Web de l’office de commercialisation Grape Growers of Ontario, août 2014

3 La culture de la pêche a été considérée lucrative dans la Région du Niagara pendant une grande partie de la période d’étude. Cependant, en 2008, la seule conserverie de fruits située à l’est de la Colombie-Britannique, plus précisément dans le village de St. David, dans la ville de Niagara-on-the-Lake, a fermé ses portes. À la suite de cette fermeture, on a rapporté que plus ou moins 150 producteurs de la Région du Niagara avaient perdu leur seul acheteur pour la transformation des pêches et des poires. Un grand nombre de producteurs de pêches et de poires ont alors dû cesser leurs activités, car leur culture n’était plus jugée économiquement viable. Des vignes ont donc été plantées sur certaines terres vacantes. Si l’auteure a été informée de la vente d’une terre servant à la culture des pêches et qui sera dorénavant consacrée à la culture de raisins, ce fait a été noté dans l’étude. Toutefois, peu de ventes de ce genre se sont produites pendant la période d’étude.

4 Les vignobles jouissant d’une bonne exposition quasi-commerciale n’ont pas été inclus dans l’ensemble de données. Seules les ventes de vignobles ne possédant pas d’exposition quasi-commerciale ont été incluses.

5 H. Fraser, K. Slingerland, K. Ker, K.H. Fisher, R. Brewster, Reducing Cold Injury to Grapes Through the Use of Wind Machines, Final Report (2009), p. 1.